chapitre 5

0 0 0
                                    

Cinq jours que je suis au Brésil, et le grand soir est enfin arrivé. La soirée organisée par la famille Santos a lieu dans quelques heures, j’ai hâte d’y être. En compagnie de Blanca et Anita, dans le salon, nous détaillons pour la énième fois le plan à suivre. Sachant que Blanca a été un précieux atout ces dernières soixante-douze heures, mes doutes sur elle se sont légèrement évaporés, néanmoins, je reste prudente. Grâce à elle, j’ai pu en apprendre un peu plus sur chaque membre de la famille. La belle brune a manipulé à la perfection Carlos pour qu’il lui dévoile certains éléments dont je n’avais pas connaissance. Le cadet de la famille gérera le port de plaisance où se font les arrivages d’armes et de drogue. Juan dirigera les différentes entreprises de son paternel après le mariage de son frère. Hormis ces deux informations, rien de trop intéressant. Pourtant, ma comparse a usé de tout son charme pour lui soutirer des renseignements supplémentaires, mais rien à faire, son mec est une vraie tombe. Je le comprends dans un sens, un chef de cartel ne dévoile rien de ses activités illicites. J’aurais également fermé ma bouche à sa place.

Le plan ficelé, nous n’avons plus qu’à aller nous préparer chacune dans nos chambres. Pour ce grand soir, j’ai choisi un déguisement de déesse grecque, qui se compose d’une longue robe blanche évasée vers le bas, la taille ceinturée d’un foulard marron. Une fois vêtue, j’en profite pour ranger mon 9 mm dans ma pochette. Je vérifie dans la psyché que mon arme ne soit pas visible et file à la salle d’eau pour le maquillage et la coiffure. Quand je suis prête, je rejoins les filles dans la salle à manger, elles sont sublimes, Blanca a opté pour un costume de diablesse qui fait ressortir ses formes voluptueuses et Anita est grimée en femme pirate, façon Mary Read. Nos sacs en main et les masques sur le visage, nous quittons la demeure en direction de la forteresse des Santos.

Après plus de vingt minutes de route, nous arrivons. Je commence à sentir l’adrénaline courir dans mes veines. Je vais devoir me contrôler avant de commettre une erreur. Je ferme les yeux un instant et tente de réfréner mes pulsions. J’inspire à plusieurs reprises pour retrouver ma sérénité. Nous empruntons l’allée qui remonte vers l’entrée. De l’endroit où nous nous trouvons, nous pouvons déjà voir une foule d’invités faire la queue et entendre la musique qui résonne. Je me répète le plan dans ma tête, tout en gardant un sourire de façade. Premièrement, Blanca doit distraire Carlos à l’étage, m’envoyer un SMS afin que j’intervienne. Deuxièmement, Anita se charge d’éloigner le couple Santos dans le Jardin. Troisièmement, atteindre Juan, et c’est là où tout se complique. Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont je vais l’attirer dans mes filets. Il est le plus mystérieux et discret de tous. Hormis le séduire, je ne vois rien d’autre. Je soupire, lassée de cette équation. Juan ne sera pas facile à approcher. Il aura certainement un nombre incalculable de jeunes femmes à ses côtés, après tout il est célibataire et très convoité. 

Depuis quelques minutes, nous attendons notre tour. Anita me confie les clés de sa voiture avant notre approche. Nous présentons les invitations aux gardes, puis pénétrons dans le couloir qui nous mène droit à la salle de réception. La famille Santos n’a pas lésiné sur les moyens, la décoration est somptueuse. Je vois où passe l’argent récolté de leurs différents trafics, ça me fout les nerfs à vif. J’observe la pièce et cherche chaque sortie ainsi que les coins les plus sombres. Mon regard se lève vers l’étage et je m’aperçois que beaucoup de vigiles circulent, armés jusqu’aux dents. Je prends Anita par le coude, la fais venir à mes côtés en lui désignant d’un signe de tête discret les hommes de main. Elle suit chaque mouvement que je lui indique et grimace légèrement avant de me chuchoter que ça risque d’être compliqué d’exécuter le clan Santos. Chose que je confirme. Cependant, je la rassure, malgré les dangers encourus, je ne compte pas renoncer.

Carlos, déguisé en Al Capone, s’approche de Blanca, à mes côtés, qui frétille d’impatience. Je reste persuadée qu’elle ne m’a pas tout révélé, son comportement me le prouve. Il l’embrasse avec passion, puis nous salue tandis que j’observe la latina, du coin de l’œil, je vois de l’admiration dans son regard. Je n’ai pas le temps de la prendre à part et de lui demander des comptes, que Juan, à son tour, nous rejoint. Il est encore plus élégant que son frère, à son bras se tient une belle blonde à la peau satinée, portant une robe rouge, certainement de grands couturiers. Tous les deux forment un couple digne des plus grands magazines.
Mais plus pour longtemps, songé-je.
Juan fait les présentations et reste en notre compagnie un bon moment, son regard vert émeraude, suspicieux, posé sur moi. À cet instant, des milliers de questions m’assaillent. Se doute-t-il de quelque chose ? Ou de qui je suis ? Je ne laisse rien transparaître et finis par m’excuser pour rejoindre le bar en compagnie de ma complice. Sur le chemin, nous croisons Rosa et Roberto, qui viennent à leur tour nous accueillir, pour nous indiquer la table où nous serons installées pour le dîner. En vérifiant les noms accrochés sur un verre ballon, je suis étonnée par l’absence du prénom de ma troisième comparse, enfin, si je peux toujours la nommer ainsi.
La soirée suit son cours, après le discours de Rosa qui nous remercie de notre présence. J’informe Anita que je sors prendre l’air- afin de mettre en œuvre le plan. Je file rapidement vers la sortie pour aller revêtir ma deuxième tenue, et la retrouver à notre point de rendez-vous, à côté du plus grand palmier sur le côté gauche de la maison. J’emprunte les quelques marches qui mènent au parking quand des frissons recouvrent ma peau, signe d’un danger. Je me détourne à plusieurs reprises, mais aucune présence suspecte ne se trouve dans mon dos. Sur le point de déverrouiller la berline, des bruits de pas percutent le sol gravillonné.
Merde ! Ce n’est pas le bon moment.
J’abaisse ma main, prête à saisir mon arme, lorsque je suis retenue par des doigts rugueux posés sur mon poignet. En un seul coup, l’individu m’oblige à me retourner, mon corps vibre de rage, parée à en découdre avec la personne qui me retient. Mes doigts sont déjà fermés formant deux magnifiques poings à envoyer dans la tronche de… Juan qui me maintient les bras pour éviter les coups.
—Houla, tout doux, beauté, je ne voulais pas te faire peur. Est-ce que tout va bien ? m’interroge-t-il, en caressant mes phalanges afin que j’ouvre mes mains…
— Oui, ça va, mais j’aimerais récupérer mon bras, prononcé-je faussement.
Il me relâche, mais pour autant, son interrogatoire n’est pas terminé.
— Pourquoi es-tu sortie ? La soirée ne te convient pas ?
— Pour prendre l’air. J’allais rentrer dans un petit moment. Pourquoi ?
— Bien, dans ce cas, accepterais-tu que je reste avec toi ? Je n’apprécie pas non plus ce style de réception.
Eh merde, fait chier, je ne vais rien pouvoir faire s’il me colle aux basques. Réfléchis, Sam !
— Et qu’as-tu fait de ta compagne ? feins-je pour me débarrasser de lui.
— Oh, tu parles de Maria ? Ne t’inquiète pas pour elle. Elle est payée par mon père et n’a pas son mot à dire.
Merde, merde et encore merde, mais quel connard ce mec ! Je vais vraiment avoir du mal à les abattre tous s’ils s’évertuent à foutre en l’air tous mes plans.
— Bien, tu peux rester le temps que je fume, m’exprimé-je, énervée en saisissant une cigarette.
Juan accepte en gardant le silence, une fois ma clope terminée, je n’ai plus le choix que de retourner à l’intérieur. Néanmoins, ce n’est pas du tout l’intention du futur chef de Los Muertos, qui m’attrape de nouveau par le coude et me colle à son torse pour me chuchoter à l’oreille.
— Je sais qui tu es, Sam, tu es l’une des meilleures tueuses à gages au monde.
Je n’ai pas le temps de réagir, qu’une aiguille s’enfonce dans mon cou. Une brûlure atroce embrase mon corps qui me lâche d’un coup. Entièrement paralysée, seuls mes yeux restent ouverts. Juan me retient contre lui en faisant signe à deux gardes de se rapprocher. Il me balance contre eux et leur donne l’ordre de m’emmener là où ils savent. Les deux hommes me traînent au sol, en direction de la forêt.
Putain… fait chier ! Je me suis fait avoir en beauté, cette fois-ci.

Les gardes poursuivent leur marche sur le chemin, lorsque je ressens des fourmillements aux pieds et que mon sang circule à nouveau. Serait-il possible que le tranquillisant ait été mal dosé, si c’est le cas, c’est une belle aubaine pour moi. Je continue de me laisser faire jusqu’à ce que nous arrivions devant une maisonnette.
L’un des hommes me lâche en me poussant vers l’autre pour ouvrir la porte, mais le bois a trop travaillé et l’ouverture lui est impossible. Il demande de l’aide à son partenaire qui me jette par terre tel un poids mort. Je tombe lourdement sur mes paumes, m’écorchant par la même occasion les genoux. Plus aucun d’eux ne me prête attention et c’est le moment idéal pour moi d’intervenir. Je me redresse et me jette sur le garde le plus proche. Il n’a pas le temps de réagir que je lui tranche la gorge, avec ma lame que j’avais planquée à l’intérieur de ma cuisse. Il tombe aussi sec dans un bruit sourd, son sang giclant de son cou. L’autre garde est tellement surpris que j’en profite pour saisir l’arme au sol et tire à deux reprises. L’une des balles se loge dans sa jambe et l’autre en plein cœur, lui aussi s'écroule raide sur le feuillage.

Je m’empresse de quitter les bois en courant pour alerter Anita du piège tendu par la famille Santos. Je suis tellement absorbée par ma course que je n’entends pas venir au loin, sur ma droite, le bruit d’une fléchette, qui de nouveau me transperce le cou. Mon corps se fige et tombe à la renverse avant que l’obscurité ne m’entraîne avec elle, dans ses bas-fonds.

Beauté Mortelle Tome 1 (Roman Auto-edité)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن