Chapitre 17

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Je reste figée pendant de longues minutes. Puis, lentement, je me passe une main sur le front. Cette conversation avec Loïs a été une épreuve, bien plus qu'il n'a paru. Je suis fatiguée...

- Ophélia ?

La voix calme de Raphaël percé la bulle. Il est la seule personne au monde qui parvient toujours à le faire en douceur. Même Émilien n'a jamais réussi...

Une main chaude agrippe la mienne. Je m'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Je besoin de lui : de sa douceur, de sa compréhension, de sa gentillesse... J'ai besoin de l'homme que j'aime. Et il est là, aujourd'hui, avec moi. Mais cet instant ne durera pas, je le sais bien. Je le retrouverai à nouveau seule, une fois de plus, avec cette même douleur insupportable dans la poitrine.

Raphaël me tire doucement vers le banc où nous étions assis avant que Loïs n'arrive. Même lorsque nous nous asseyons, il ne lâche pas ma main. Et je ne lui demande pas de le faire car, égoïste comme je suis, je veux profiter de ce moment avec lui.

- Qui était-ce ? demande-t-il poliment. Cet homme...

Sa voix ne me trompe pas. Mes yeux descendent vers sa main qui ne me tient pas ; elle est serrée et forme un poing. Sa mâchoire aussi est contractée.

- C'était mon ex-petit-ami, soupiré-je.

Les dents de Raphaël grincent, avec un son effroyable.

- J'avais déjà mis les choses au clair, mais il est revenu à la charge. Il ne m'embêtera plus, dorénavant.

- C'était le père de ta fille, je suppose.

Je sursautai. Zut ! Il n'aurait jamais dû voir Julia ! Je baisse les yeux et secoue la tête.

- Non, ce n'est pas sa fille. Julia...est la fille d'un autre homme.

Je tords mon pantalon dans ma main libre, nerveuse.

- Je suis soulagé.

Je lève les yeux vers lui, mais une ombre continue de voiler son beau regard.

- Tu n'en as pas vraiment l'air, ris-je avec nervosité.

Il pressa sa main autour de la mienne, mais ne la relâcha pas pour autant.

- On avait des rêves ensemble, Ophélia. Tu te souviens ?

- Je me souviendrai de chaque moment passé avec toi, Raphaël, murmuré-je, la gorge nouée.

Brusquement, il se leva.

- Je voulais une vie avec toi, Lia ! Je voulais vivre avec toi jusqu'à la mort. Je voulais vivre avec ton amour, avoir des enfants avec toi...

- Raphaël...

- Et toi, tu as eu ces mêmes rêves avec un autre homme ! Tu as eu une fille avec un autre homme !

C'est le moment de me lever, faisant face à son regard vert bouleversé.

- Tu ne voulais pas d'enfants, Raphaël. Tu me l'as clairement fait comprendre en m'abandonnant du jour au lendemain, alors que je...

Je me tais et me rassois en tremblant, prenant ma tête entre les mains. Je n'aurais jamais dû dire ça...

Raphaël se rassoit à côté de moi, immobile sur le banc. Je remarque qu'il retient sa respiration.

- Alors que tu... Quoi ?

Je presse mes paupières pour m'empêcher de pleurer. Et les mots sortent de ma bouche, alors que mon cœur parle à ma place :

- Alors que j'étais enceinte de toi.

Raphaël ne bouge ni ne parle, si bien que je crois qu'il est parti. Mais, lorsque je rouvre les yeux, il est toujours là, assis à mes côtés, le regard rivé sur moi.

- Tu as été... enceinte de moi ? souffle-t-il.

- Oui.

Ce n'est que lorsqu'il sort un mouchoir en tissu de sa poche pour s'essuyer les joues que je remarque qu'il pleure.

- Je ne savais pas, Ophélia.

Sa voix tremble.

- Je te l'ai dit à l'époque. Bien sûr que tu le savais, protesté-je.

Il ferme les yeux une demi-seconde. Lorsqu'il les rouvre, ils sont brillants de larmes.

- J'aurais dû te chercher bien avant. Mais je pensais... Oh mon Dieu...

Ébahie, je l'observe pleurer. Je ne l'ai jamais vu verser la moindre larme en ma présence. Il est vrai que je pleurais déjà assez pour nous deux. Raphaël a toujours été la personne solide de notre couple. Il était sensé, calme. Un roc.

Le voir pleurer, à cet instant...me terrifia. Je passe une main hésitante dans son dos. Comment rassure-t-on les gens ? Je n'en ai pas la moindre idée. Alors j'entoure les larges épaules de Raphaël de mon bras et m'appuie contre lui. Le voir dans cet état me serre le cœur. Ses épaules tressaillent à mon contact, mais il accepte mon étreinte.

Je me rends compte qu'il souffre. Nous sommes unis dans la douleur. Je n'aurais pas dû le rejeter lorsqu'il a dit vouloir me parler.

Nous restons enlacés un moment. Lorsque le soleil décline, il se dégage doucement et me regarde dans les yeux.

- Merci, prononce-t-il, les yeux rouges. Je sais que le contact est difficile. Surtout après... tout ça.

Son regard se perd au loin avant qu'il ne retrouve le mien.

- Mais je te jure que je ne savais pas.

C'est au tour de mon regard de s'évader, fatigué.

- S'il te plaît, Raphaël, ne mens pas. J'ai besoin d'honnêteté, soupiré-je.

- Tu penses que je t'ai abandonnée avec notre enfant après avoir appris que tu étais enceinte. Or, c'est faux. Je ne t'aurais jamais abandonnée avec notre enfant ! J'en désirais tellement un... !

Je fronce les sourcils.

- Tu n'avais pourtant pas l'air ravi...

- Combien de fois vais-je devoir te dire que tout cela est faux ?! Je suis parti en voyage pour une durée minimum de cinq mois, et...

- ...tu es revenu un mois seulement après ton départ.

Il se leva.

- Je ne suis jamais revenu.

- Je viens de te dire que...

Il se retourne vers moi. Son regard vert affiche toute la tristesse du monde.

- Je ne suis jamais revenu, Ophélia, au bout d'un mois. Je suis revenu trois mois plus tard, mais...tu n'étais pas seule.

- Quoi ?! hoqueté-je. J'étais avec toi !

- Non, tu ne l'étais pas. Tu peux demander à Émilien. J'étais parti en voyage avec lui. Sa secrétaire doit encore avoir les dates du voyage quelque part, si tu veux vérifier...

Je me massai vigoureusement le front, au bord des larmes.

- Qu'est-ce que cela veut dire ? Tu entends que j'étais avec un autre homme ? Mais...c'était toi ! Ton visage, tes yeux, ta taille, tout... C'était forcément toi ! m'exclamé-je, désespérée. Tes yeux, Raphaël... Personne n'a les mêmes... C'était toi. Qui pourrait te ressembler autant ?!

Je le vois contracter la mâchoire. Puis il s'agenouille doucement devant moi et me prend délicatement les mains. Il les serre entre les siennes, les enveloppant de chaleur.

- Je te l'ai dit, Ophélia. Ce n'était pas moi.

- Alors, quoi ? m'écriai-je, presque hystérique. J'étais avec un autre homme, qui s'est fait passer pour toi ? raillai-je, la voix beaucoup plus aiguë qu'à l'ordinaire.

Le regard de Raphaël trahit sa fatigue et sa peine. Ses mains serrent les miennes plus fermement encore, comme pour m'empêcher de fuir. Ses yeux, d'ordinaire si clairs et si rieurs comme ceux de Julia, sont bien sombres, tout à coup.

- C'est exactement ça, Ophélia. Mon frère a toujours excellé à se faire passer pour moi.

Only One Life (T.1) | [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant