Chapitre 33

25 8 14
                                    


Le retour s’effectue en silence. Je contemple la carte que Nathaël m’a donnée avant de partir, sur laquelle est inscrit un numéro de téléphone. Nathaël a ajouté un « Appelle-moi si tu veux des réponses...» d’une écriture penchée. Je froisse la carte dans ma main.

Lorsque Raphaël se gare devant mon immeuble, il se tourne vers moi.

- Tu ne dois pas y aller.

Je me confronte à son regard vert. Je lui souris tristement, même si je pense qu'après tout, ce n'est pas à lui de me dire ce que j'ai à faire ou à ne pas faire...

- Merci d’être venu aujourd’hui. Tu as une vie. Je dois connaître la vérité. Je dois poursuivre seule.

J’ouvre la portière mais, au moment de sortir, il me rattrape par le bras et m'adresse un regard suppliant.

- Tu me tiendras au courant ?

Nous nous regardons en silence. Je déglutis, la gorge nouée. C'était lui qui disait qu'il fallait tourner la page, se concentrer sur le présent et laisser le passé derrière nous...

Je ne veux pas qu'il me brise le cœur. Il a une fiancée.

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, Raphaël. Vis ta vie. Adieu.

Je sors en claquant la portière, peut-être un poil trop fort. Puis, sans regarder en arrière, je me précipite vers la porte de l’immeuble, que je déverrouille. Je cours dans le couloir et monte les marches quatre à quatre.

C’est terminé. Dans mon lit, je ne pleure pas. Il est temps que je le laisse en paix, vivre sa vie de son côté. Même si ça me fait mal.

***

A

près un dimanche calme, je suis de retour au travail. J’ai vu mon patron pour lui demander de travailler le samedi. Il a refusé. Apparemment, la librairie ne va pas tenir très longtemps. Je vais bientôt perdre mon travail...


Je l’ai dit à Maja. Elle a repris des études, mais je ne le peux pas. Je n’ai pas l’argent, ni le temps. C’est une période compliquée. Mais je vais m’en sortir. Il fait que je m’en sorte. Je n’ai pas le choix.

J’ai ensuite dit à Maja que je devais appeler quelqu’un car ma quête de vérité n’était pas encore résolue. Elle m’a souri et m’a laissée seule.

Mes mains tremblent sur la carte en papier de Nathaël. Son message est très clair ; il veut que je l’appelle, pas que je lui envoie un message sur son téléphone portable. C’est très clair. Il ne répondra qu’au téléphone.

La gorge nouée par l’angoisse, je compose le numéro. Après deux tonalités, il décroche enfin.

- Allô ?

- Nathaël ? C’est Ophélia.

- Ophélia, ronronne-t-il. Je pensais que tu n’appellerais jamais.

- Je veux savoir. J’irai jusqu’au bout.

Je ne peux pas le voir, mais je sens qu’il sourit.

- Tu travailles, ce vendredi ?

- Oui.

- Jusqu’à quelle heure ?

- Six heures. Mais je dois aller chercher les enfants de ma sœur à l’école...

- Les enfants de ta sœur..., marmonne-t-il. L’école est loin ?

- Inutile de tourner autour du pot. A quelle heure souhaites-tu qu’on se voit ?

- Sept heures et demie. Ça te convient ?

- Où ?

- Je t’enverrai l’adresse dans la journée. A vendredi, chérie !

Je serre mon téléphone dans ma main. Pourquoi m’appelle-t-il ainsi ? Sans prendre la peine de le saluer à mon tour, je raccroche ; je m’en fiche qu’il puisse me trouver grossière.

Les jambes tremblantes, je rejoins Maja.

- Tu as réussi ?

- Oui.

Ma voix est rauque. Elle m’offre un sourire qui, malgré tout, me fait du bien.

- Est-ce que tu accepterais de garder les enfants vendredi soir ? J’ai un rendez-vous à sept heures et demie avec quelqu’un, mais si ça t’embête, je peux...

- Je les garderai, ne t’inquiète pas. Ils aiment les pâtes à la bolognaise ?

- Oui.

- Parfait. Il faut qu’ils dorment, ou...

- Non, non. Je les récupère après. Je ne fais pas confiance à ma sœur... Samedi, je ne me suis pas absentée très longtemps, mais elle n’était pas là. Vendredi... C’est différent le vendredi. Elle aime inviter des gens à la maison...

Maja me passe une main sur le dos.

- Je t’aurais bien proposé de rester dormir, toi et les enfants, chez moi, mais je ne suis pas certaine qu’on rentre tous...

Je soupire.

- Ne t’inquiète pas. C’est ma galère. C’est déjà super gentil que tu acceptes de les garder. J’irai les chercher à l’école et je les amènerai chez toi. Si ça te convient ?

- C’est parfait, Ophélia. Je dénicherai bien un ou deux jeux de société dans mes placards...

- Merci. Merci mille fois, Maja !

- Il n’y a vraiment pas de quoi !

La journée passe, et je rentre à la maison avec les enfants. Je refais les mêmes gestes, préparant le repas, mettant les enfants au lit. Je ne parle pas beaucoup, ce soir-là. Je n’arrive pas à regarder ma fille. Si je le fais, je sais que je vais finir par fondre en larmes. Nathaël détient la vérité sur l’histoire de Julia, mais il la garde pour lui. Je suis certaine qu’il aurait pu me voir avant vendredi, mais qu’il cherche à me faire vivre un supplice.

- Les enfants, vendredi, vous allez aller chez une amie à moi. D’accord ?

Diego et Julia acquiescent. Bianca croise les bras et me regarde de travers.

- On ne la connait pas, cette « amie ».

- Bianca, tu crois vraiment que je vous emmènerai chez quelqu’un de méchant.

- Diego et moi ne sommes pas tes enfants. Tu pourrais très bien...

Je soupire. On en est donc revenus là...

- Bianca. Vous n’êtes pas mes enfants, mais je vous aime. Oui, je sais que dire ça ne suffit pas pour toi. Julia viendra avec vous chez cette amie. Tu crois vraiment que je laisserais ma fille chez quelqu’un de douteux ?

Bianca hésite. Je le vois dans son regard. Nous nous confrontons un moment, puis elle cède.

- Très bien ! ronchonne-t-elle. Elle s’appelle comment, cette « amie » ? Et tu la connais d’où, d’ailleurs ?

- Elle s’appelle Maja et c’est une collègue de travail. Vous verrez, elle est adorable.

- Maman, tu rentreras ?

Je me tourne vers Julia.

- Bien entendu, que je reviendrai. Qu’est-ce que je ferai sans vous ?

Sans Julia, je serai sûrement morte.

Only One Life (T.1) | [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant