Quand les morts se relèvent

I.II | TRAITEMENT

Lorsqu'elle se réveilla, sa plaie était chaude, gonflée et engourdie. Des signes d'infections, certes, mais ils apparaissaient habituellement au bout de quelques jours. Désireuse toutefois de contrer tous les risques, la jeune femme décida de se rendre à l'hôpital. Elle devait se rétablir au plus vite pour continuer sa mission.

Avec un soupir, elle se mordit profondément le pouce pour faire sortir quelques gouttes écarlates. Puis elle traça une rune de téléportation dans les airs et injecta sa magie dedans. Bien sûr, la Sorcière aurait pu se passer de la rune, mais la téléportation n'aurait pas été aussi sûre. Une magie aussi puissante et obscure que celle transcendant l'espace pourrait, dans le meilleur des cas, la tuer. Quant au pire... elle ne voulait même pas y songer.

Une sorte de fissure déchira l'air devant elle. Kris s'y engagea et tomba dans l'Ether.

Une chose qui échappait à la compréhension, voilà comment elle définissait l'Ether. Il s'agissait d'une immense toile intemporelle, aussi frêle qu'un oisillon à peine sorti de l'œuf, aussi dure que du diamant, aussi jeune qu'une première respiration, aussi âgée que l'univers. Chacun le voyait différemment. Pour elle, l'Ether était un long tunnel violet, uniforme, sans autre particularité que les mains que parfois se plaquaient à l'extérieur des parois.

L'air se scinda en deux une nouvelle fois, et l'Ether recracha la Sorcière dans l'une des salles blanches prévues pour la téléportation de Sorciers. Un sortilège avait vraisemblablement prévenu le personnel de l'hôpital de son arrivée : deux Célestes se précipitèrent dans la pièce pour la soigner au plus vite.

Le premier était un Céleste Solaire, reconnaissable à ses ailes blanches et pures semblables à celles des colombes. Il avait d'ensorcelant yeux émeraudes qui s'accordaient à sa peau hâlée. Le Solaire portait des vêtements noirs, brodés d'or. Ses courts cheveux bleus s'agitaient au rythme de ses battements d'ailes. Un nez aquilin, une bouche fine et une mâchoire carrée complétaient le tableau.

Le second était à la fois très différent et très semblable. Il avait le même visage, bien que la couleur de ses yeux fût différente : les siens étaient de la couleur du sang. Ses longs cheveux, rassemblés en une natte dans son dos, avaient une surprenante teinte azur. Sa peau était translucide et couverte de symboles rappelant les hiéroglyphes antiques. Enfin, sagement repliées dans son dos, se tenaient deux ailes membraneuses ressemblant à celles des chauves-souris. Il s'agissait d'un Céleste Lunaire.

Cependant, il ne fallait pas se fier à leurs apparences. Les Solaires, malgré leur ressemblance avec des anges, possédaient un caractère explosif, semblable aux fréquentes éruptions à la surface du soleil. Et les Lunaires étaient calmes et doux, aussi paisibles que la lune, bien qu'ils ressemblassent à des démons.

— De quoi avez-vous besoin ? demanda professionnellement le Lunaire.

— J'ai une blessure au ventre que je soupçonne de s'être infectée.

— Ça roule ! clame celui aux ailes blanches. Byrd, tu lui expliques ? Je me charge de l'anesthésiant.

— Comme tu veux, Hélios, répondit-il platement.

Le Solaire quitta la pièce tandis que l'autre soignant, Byrd, expliqua brièvement le déroulement des soins.

— Contrairement aux Guérisseurs, nous ne pouvons vous soigner par la magie simple. Nous allons donc vous endormir avant de vous guérir à l'aide de runes et d'enchantements. Toutefois, ce processus régénérera l'intégralité de vos cellules, ce dont les Guérisseurs sont incapables.

Son ton était dépourvu d'émotion. Était-ce à cause de l'habitude de répéter les mêmes paroles ou faisait-ce partie intégrante de son comportement flegmatique ?

— Ce processus est absolument sans douleur. Vous allez simplement vous endormir et vous réveiller guérie.

Hélios reparu à la fin des explications. S'approchant de la jeune femme, il lui tendit une boule jaunâtre et lui demanda de l'avaler, ce qu'elle fit sans hésitation.

Kris était immunisée au poison, de toute façon. Enfin... des soigneurs tenteraient-ils de la tuer ? Elle était trop méfiante.

Sa vue se brouilla lentement. La Sorcière entendit quelques paroles échangées par les deux Célestes avant de sombrer.

— Tu as eu vent des dernières nouvelles ? Le royaume d'Agguae demande des renforts pour combattre des Abominations. Apparemment, une nouvelle espèce serait remontée de l'Abyme...

— Je l'ai effectivement ouï-dire. Va-t-on leur fournir l'aide demandée ?

— Penses-tu ! Nous sommes déjà surchargés aux frontières av... la Terrae Abominae. Agguae devra se tourner ver... le royaume d'Agglia s'ils ne veulent... être annihilé.

— Mais ils... haïssent cordialement.

Plus Kris s'endormait, plus leur conversation était hachée. Ils s'agitaient autours d'elle, la soignant.

— C'e... aradoxal, non ?

— Oui... mais les...

— ... qu'on entend ?

— C'est des... !

— Comm... !

— Des Abominati... !

— ... Goules nous attaquent !