Prêtresses - L'âme dorée

Partie 23 Yeux dorés

POINT DE VUE : ROBIN

Le silence était oppressant. L'atmosphère nous retenait au sol. Tout était vide de sens et de vie. 

Je me suis relevé lentement, en essayant de discerner les ombres qui se dressaient devant moi. Ma vue était brouillée, mon ouïe était faible, mais je sentais que tous mes sens étaient en alerte. Il se passait quelque chose. Quelque chose de grave. 

De prime abord, j'ai cherché Isallys. Elle s'était détachée de moi plus tôt, et son absence m'inquiétait. 

Elle n'était pas aux alentours. 

Je me suis redressé tellement vite que j'en ai eu un mal de tête. Cependant, j'ai ignoré cet état et je me suis concentré pour trouver Lys. 

- Pour une surprise, c'est une surprise, ma chère ! Si je m'attendais à "ça" maintenant ! Je pensais que tu attendrais. 

Je reconnus Charles, l'esprit qui harcelait Lys. Il voletait en face d'une ombre que je n'arrivais pas à distinguer clairement. Il me semblait que c'était une femme. 

Lorsque j'ai tourné la tête, j'ai vu Esméralda, accroupie contre le mur, un regard haineux. En me tournant davantage, j'ai pu voir Cindy, Jade et Élie s'entraider, elles avaient l'air tout aussi secouées. Cependant, je ne vis pas Reine. 

- Ne fais rien, observe simplement, me chuchota une voix. 

Des frissons parcoururent l'ensemble de mon corps.

Reine se tenait juste derrière moi. Je pouvais sentir son souffle sur ma nuque. Un souffle puissant et régulier. Un souffle impatient. 

Que devrais-je observer ? 

C'est alors que ma vue fut complètement rétablie, et qu'un spectacle que je n'aurais jamais souhaité voir se profilait devant moi. 

L'ombre en face de Charles était Isallys. Mais elle semblait différente. Vraiment différente. Sa peau luisait sous ses vêtements blancs. Ses cheveux semblait transporter par un vent inexistant. Je compris que ce n'était pas elle. 

- J'aurais dû me douter que tu n'étais pas morte ! J'aurais dû tuer ton âme, pas seulement ma femme, dit Charles. 

- Dommage pour toi, renchérit Isallys, d'une voix sadique.

Que se passait-il ? Je ne comprenais rien à ce qu'il racontait ! Un esprit avait-il pris possession de ma Lys ? 

- Mais tu m'offres une autre occasion ! Et cette fois-ci, sois sûre que je ne te louperai pas ! cria Charles en fonçant sur Isallys. 

Lys l'évita en faisant un pas sur le côté, l'air de rien. Son mouvement fut si rapide, si inhumain. D'un pas, elle s'était retrouvée derrière son agresseur. À ce moment-là, je pus voir son visage. Un visage hautain et sinistre. Un visage qui n'était pas le sien. Au lieu de ses yeux marrons si anodins, une lueur dorée avait pris place dans ses yeux. Une lueur meurtrière étincelante. Je pris peur, soudainement. Où était mon Isallys ? 

D'un coup, Charles hurla. Sa voix fit vibrer les murs, et son spectre clignota tel une télévision qui grésille. 

Il disparut dans une nuée de poussière blanchâtre. 

Et je vis avec stupeur Isallys ou je-ne-sais-qui tenir la lame maudite, un grand sourire sur les lèvres. Cette ... fille partit dans un fou rire incontrôlable. 

- Quelle belle invention cette lame ! Je ne pensais pas que tu serais aussi facile à tuer, Charlinou ! 

- Qui es-tu ? 

Esméralda entrait enfin dans la partie. Un air agacé sur la figure, les poings serrés. 

Isallys se tourna lentement vers elle et semblait l'examiner, comme si elle détectait une nouvelle menace. 

- Je déteste me répéter ! 

- Tu devrais me respecter, je suis à l'origine de tout ça, dit Isallys, arborant une mine sérieuse. 

- À l'origine de tout ça ? C'est quoi ce baratin ! Où est passé la mioche ? Tu es qui exactement ?! 

Je sentis Reine bouger derrière mon dos. Elle venait de se lever et inspectait Isallys, de haut en bas et de bas en haut. Elle la sondait.  

- Esméralda, tais-toi, ordonna t-elle. 

Tout le monde se tut, pas seulement celle concernée par cet ordre. La voix de Reine tremblait, elle était si étrange tout à coup, comme si la tournure des événements lui avait ouvert les yeux. 

- Je vous croyais morte. 

- Reine, c'est ça ? demanda Isallys, indifférente. Je te remercie pour ce que tu as fait, mais je n'ai plus besoin de tes services. Tu me gênes, maintenant. 

- Que voulez-vous dire ? 

Reine était anxieuse. Des perles de sueur coulaient le long de ses tempes. Comment pouvait-elle avoir peur à ce point de l'esprit, ou de la chose, qui était en Isallys ? Quand reverrai-je Lys, d'ailleurs ? 

- Je veux dire exactement ce que j'ai dit. Je peux me passer de toi. 

Isallys s'avança vers Reine, qui ne recula point. Elle gardait la tête haute. 

- Si je dois mourir par votre main, qu'il en soit ainsi. Cependant, laissez moi vous dire que vous commettez une grande et méprisable erreur. 

Mourir ? De quoi parlait-elle ? La chose en Isallys était de notre côté, non ? Enfin, je n'en étais pas bien sûr ... 

D'un geste vif et assuré, en un éclair, j'assistais impuissant au meurtre de Reine. Isallys venait tout juste de planter la lame dans le ventre de la plus haute prêtresse que je connaisse. 

Reine explosa en millions de grains verts scintillants, qui se déposaient au sol calmement, lentement, délicatement. 

- Tu vas payer pour ça ! hurla Esméralda. 

Avec la même rapidité dont elle avait fait preuve, Isallys stoppa Esméralda en lui attrapant le cou et en la levant en l'air. Les pieds d'Esméralda gigotaient dans tous les sens, tandis que le rouge lui montait au visage. Mais, une prêtresse était un esprit, non ? Pourquoi Isallys pouvait les attraper comme cela ? C'était le pouvoir des yeux dorés ? 

Isallys se tourna alors vers moi, propulsa Cindy et Jade contre un mur, et posa sa main libre sur la hanche. 

Elle me regarda droit dans les yeux. 

- Tu es Robin, donc. Isallys semble beaucoup t'aimer. C'est bête, commenta t-elle. 

- Qui êtes-vous ? 

Elle me sourit.

- Mon véritable nom est Cynthia. Je suis la créatrice.