DEUX (Olympe)

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6 décembre, 02h47, Olympe :

Je suis Émeric dans de longs couloirs obscurs, à bout de souffle. Il court toujours plus vite pendant que j'ai l'impression de bouger au ralenti. J'appelle son prénom plusieurs fois sans qu'il ne se retourne. Est-ce qu'il ne m'entend pas ? Pourtant, de mon côté, je perçois très bien sa respiration hachée et le bruit rapide de ses pas.

Alors qu'il s'éloigne toujours plus dans le décor sombre, je sens mon cœur battre trop fort, trop vite. Ça fait mal, comme du stress, mais en beaucoup plus intense. Ma gorge me brûle, je m'étouffe avec ma propre salive tandis qu'il continue de s'éloigner, secouant ses mèches blondes autour de lui. Elles sont étonnement claires dans l'obscurité qui nous entoure.

Soudain, je m'immobilise et tombe, les genoux dans la terre. Je respire vite en découvrant de nombreuses égratignures sur mes bras. De grosses gouttes de sang coulent le long de mon avant-bras gauche. Paniquée, j'essaie d'en essuyer quelques unes de la paume de ma main droite mais ne réussis qu'à m'étaler du sang partout. Je regarde avec horreur mes mains couvertes de ce liquide rouge foncé en hurlant. Mais ma voix est changée, c'est celle d'Emma.

Je me relève en titubant et en perdant de plus en plus de sang. Je tente de faire quelques pas dans le noir, étourdie. Le sang coule par grosses gouttes de mon avant-bras ouvert. Ma peau est déchirée, l'entaille profonde. La nausée me retourne l'estomac quand soudain, de puissantes lumières artificielles s'allument au plafond, éclairant en blanc les couloirs sans fin.

Je regarde autour de moi, éblouie. Tout me paraît faux, irréel. Sauf cette douleur dans mon avant-bras et le goût métallique du sang dans ma bouche.

Je fais quelques pas vers l'endroit où a disparu Émeric, avant de découvrir un miroir. Un miroir de pied, flambant neuf. Il étincelle au milieu des murs blancs, et donne l'impression de m'attirer. Je m'approche de l'objet pour y observer mon reflet et, sans crier gare, je sursaute et hurle de toutes mes forces en y découvrant une fille couverte de sang. Ma voix est celle d'Emma, et dans la glace, ce sont aussi ses habits, son corps, ses cheveux. Ses yeux gris, son visage et surtout, son bras. Sa peau pâle tâchée de sang. Sa chair à vif.

Je porte mon regard sur mes mains, près de mon tee-shirt imbibé de liquide rouge, et découvre avec horreur que ce sont aussi les siennes. Ce sont ses ongles rongés, ses petites peaux arrachées.

En sentant mon cœur tambouriner dans mes tempes et des sueurs froides me parcourir le dos, je me remets à fixer le reflet dans le miroir. C'est Emma, qui est en sang, l'avant-bras ouvert et les joues mouillées de larmes.

Au loin dans le reflet, j'aperçois une silhouette arriver à grands pas vers elle, et un sentiment d'angoisse intense se déferle dans tout mon corps. Mes jambes tremblent, ma gorge me brûle.


Je me réveille en sursaut et en pleurs. Complètement désorientée et dans l'obscurité, je tâte mon visage et mon bras de mes mains tremblantes. Je caresse un moment mon avant-bras gauche pour m'assurer que cette plaie infectée et dégoulinante de sang n'était que le fruit de mon imagination. Ma peau est intacte, parfaitement lisse, sans la moindre trace d'égratignure.

J'ai chaud, trop chaud. J'additionne les bouffées de chaleur et l'angoisse pendant quelques minutes avant de trouver le courage de me lever. Les jambes flagellantes, je me dirige vers la salle de bain.

Je suis immensément soulagée de me découvrir dans le reflet du miroir. C'est bien moi : mes yeux verts, mes cheveux châtains et épais, mes tâches de rousseur. Mon nez fin ressemble beaucoup à celui de ma sœur mais je reconnais le mien au minuscule grain de beauté qui se cache derrière ma narine droite.

J'ouvre le robinet et le bruit du jet d'eau contre la paroi en céramique m'apaise. Je positionne longtemps mes mains sous l'eau froide avant de les porter à mon visage. Les mains mouillées, je touche mes joues et mon front transpirants pour me rafraîchir. Mon cauchemar m'a fait prendre un sacré coup de chaud : ma peau est brûlante.

Je réussis à faire baisser ma température et pars me recoucher. J'essaie de me rassurer en me répétant que ce n'est qu'un cauchemar insignifiant, mais ce raisonnement sonne faux. Je me rendors tout de même assez rapidement et finis ma nuit sans l'ombre d'un mauvais rêve. 





Un de mes chapitres préférés !! 🤍

Olympe & EmericWhere stories live. Discover now