Chapitre 10 : Noémie

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Florian observa la boîte à outils posée à côté de lui.

– Je t'assure, ma très chère sœur adorée et tout le pataquès qui va avec, qu'une pince a cordialement décidé de disparaître. Et que je n'arrive pas à cordialement mettre la main dessus.

Une pince avait donc échappé à l'œil avisé du mécano de service, et voilà qu'il se sentait obligé à déblatérer. Elle adorait ses frères, mais il y avait des limites. Là, elle ne pouvait pas garder son sérieux. Elle ne pouvait que tenter de le corriger avec le peu de sérieux qui lui restait.

– Cordialement n'est pas un mot passe-partout, Flo.

Il fallait qu'il arrête de caser ce mot dans chacune de ces phrases. Depuis qu'il avait commencé à réparer la coque du vaisseau, il s'était mis à l'utiliser sans toutes ses phrases, au grand désespoir des quatre mercenaires présents à ses côtés.

– Nan, vraiment ? Waouh ! J'étais pas au courant, moi !

Achille secoua la tête d'un air faussement désespéré, tentant de cacher son amusement, tandis que les deux Myrians les regardaient sourcils froncés. Elles n'avaient pas l'air habituées à ce genre de comportement.

– Tu vas faire peur à nos nouvelles amies, à parler comme ça, Flo, le railla avec un sourire moqueur Achille, abandonnant la façade sérieuse qu'il s'était construite pendant quelques secondes. Donc vous vous appelez Artémis et Athéna, c'est ça ? Et juste pour savoir, vous êtes jumelles, non ? Comment on fait, pour vous différencier ? C'est grave si on se trompe ? Non parce que ça m'embêterait de vous vexer alors qu'on vient à peine de se rencontrer.

Achille était nerveux, pour parler autant et aussi vite. Ou peut-être juste curieux. Ou un mélange des deux. Noémie n'avait pas encore réussi à le déterminer. Elle ne l'avait retrouvé que trois ans plus tôt. Et trois ans n'avaient pas suffi pour rattraper les douze années qui s'étaient perdues dans le chaos et la détresse. En douze ans, ils avaient appris, tous les trois, à se méfier des autres, et certains jours flottaient entre eux les restes de cette méfiance que deux ans de vie communes n'avaient pas suffi à dissiper.

– Oui, oui, vous ne faîtes pas, non, lui répondit Artémis.

– Simple et efficace comme réponse. J'aime bien.

Noémie soupira avant de monter dans le vaisseau. Il était en parfait état malgré les nombreuses années de vol et les dizaines de combats aériens qu'il avait effectué, ce qui était une chance. Jamais ils n'auraient pu s'en racheter un aussi performant. Jamais ils n'auraient pu en acquérir sans l'aide de son maître.

– C'est un bien beau vaisseau, souffla Athéna qui l'avait suivie.

– Athéna ou Artémis ?

– Athéna.

– Et bien, vois-tu, c'est un cadeau de mon maître. Il m'a formée avant de me donner tout ce qu'il avait de matériel, son vaisseau, un logement sur Ophélya, tout un assortiment d'armes, ce hangar ainsi que ses clients, avant de partir à la retraite.

Elle lui devait tout et n'était pas sûre d'un jour pouvoir rembourser sa dette envers lui. De toute façon, ce n'était pas ce qu'il souhaitait. Il était comme un père pour elle. Elle était la fille qu'il n'avait jamais eu la chance d'avoir.

Elle ne se rappelait plus de leur rencontre. Elle se souvenait bien mieux de ce qui avait précédé. Elle se rappelait ses pieds foulant le béton de la ville alors qu'elle fuyait cet endroit où elle se sentait enfermée, où ses ailes avaient été coupées, ce lieu où Azraëlle était morte. Il lui avait sauvé la vie sans même s'en douter, ce jour-là. Il ne le sut jamais. Jamais Noémie n'eut la force de lui expliquer sa fuite, sa détresse, sa colère. Parce qu'elle ne parvenait pas à trouver les mots pour l'exprimer.

Là où les étoiles se meurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant