CHAPITRE 3

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J'arrache la dizaine de post-it collés sur le métal jaune et m'empresse de les jeter dans la poubelle la plus proche. Je me sens emplie d'une colère nouvelle, dévastatrice envers mes « ennemis ». Je retourner vers mon casier, tête baissée. Toutefois, mon visage pâle recouvre très rapidement un sourire discret, mais présent lorsque j'aperçois ma brune préférée passer les portes de l'établissement. Cette dernière scrute la pièce, son regard s'adoucissant instantanément lorsque ses yeux se posent sur moi. Elle est encore plus belle qu'à l'accoutumée ; ses longs cheveux bruns ondulés tombent en bas de son dos, et son jeans plutôt large lui sied à ravir. Elle court pratiquement dans ma direction, et m'entraine dans une étreinte de plusieurs dizaines de secondes durant lesquelles elle en profite pour me chuchoter :

- Je suis tellement heureuse que tu sois là, dit-elle et je peux déjà imaginer le sourire qui arbore son visage. Il s'est passé quelque chose avant que j'arrive ?

Cléo pointe les concernés brièvement des yeux, puis son visage se tourne vers moi, m'implorant de parler. Je secoue la tête en guise de réponse. Voilà de nouveau son sourire. Je déteste lui mentir, seulement, je ne peux pas me permettre de lui causer encore plus de tort. La brune m'a défendue par le passé, et pour être franche, j'ai détesté la voire payer ce qui ne la concerne pas. Alors, certes, elle ne l'a pas fait par pitié, et elle n'en avait que faire des représailles. Cependant, je m'en veux personnellement de l'avoir poussée dans un bourbier pareil. Le personnel chargé de cette histoire avait jugé ma meilleure amie investigatrice de ce conflit, et elle avait dû par la suite, en subir les conséquences à ma place.

Elle passe son bras autour de mes épaules et dépose un baiser rapide sur ma tempe, avant de me trainer hors de leur champs de vision. Je sens de nombreuses paires d'yeux dans mon dos tandis que nous nous enfonçons dans un des couloirs. La brune sort son téléphone, le consulte sans vraiment y prêter d'attention. Je sens au fond de moi que quelque chose cloche. Je reconnais ce comportement ; elle agit toujours de la sorte quand elle doit me dire quelque chose.

- Tout va bien Cléo ?

Elle me regarde, la confusion se lit dans ses iris.

- Bah oui, pourquoi ?

- Tu es sûre que tu n'as rien à me dire ? dis-je en haussant les épaules.

Un sourire nait sur son visage lorsqu'elle hoche frénétiquement la tête.

- En fait, ma mère a proposé que tu viennes avec nous, tu sais ? Pendant nos vacances en Espagne ?

Je l'observe stupéfaite, un véritable et authentique sourire naissant sur mon visage. Ce fameux voyage aura lieu dans 4 petites semaines, lors des vacances d'avril. Je suis certaine que changer d'air me ferait le plus grand bien, d'autant plus si cela me tient éloignée de tous ces gens qui me veulent du mal. Je saute au cou de la brune qui me rattrape in extremis.

- Je prends ça pour un oui ? Elle rit de bon cœur, et je me surprends à rire également.

La sonnerie retentit. Nous récupérons nos affaires qui jonchaient sur le sol jusqu'alors et nous nous dirigeons d'un pas las pour notre premier cours de la journée. Histoire-Géographie.

- J'ai beaucoup trop hâte de savoir la note qu'on aura à l'exposé !

L'enthousiasme que j'éprouvais jusqu'à présent se dissipe presque instantanément. J'affiche un sourire impénétrable lorsque nous entrons dans la salle de classe, empêchant mes mains de trembler. Nous nous installons à nos places respectives, tandis que notre professeur, un homme d'un certain âge est assis derrière son bureau, les yeux rivés sur l'ordinateur. Je récite une prière rapide en direction de Verdandi et me lève à l'appel de mon nom. Je m'avance vers l'ordinateur sur lequel ma meilleure amie recherche déjà le diaporama dans un des nombreux dossiers de sa clé USB. Mes notes en mains, je me tourne vers mes camarades, qui pour certains me scrutent d'un œil moqueur. Je conserve l'air suffisant derrière lequel j'ai l'habitude de me cacher dans ce genre de moment d'angoisse intense, et attends le signal de la brune afin de commencer la présentation.

Plusieurs minutes s'en suivent, durant lesquelles mon cerveau performe miraculeusement. Je suis capable de répondre à chaque question que mon professeur me pose sans jamais fléchir, et cela relève totalement de l'exploit. Nous nous en sortons avec un 17.5 sur 20, ce qui me satisfait amplement. Cléo en revanche, me paraît déçue. Elle s'assoit nonchalamment sur sa chaise qui émet un grincement aigu, croise les bras sur sa poitrine et souffle sans aucune discrétion.

Je me sens soudainement observée ; je tourne la tête, m'attendant à ne récolter qu'un regard empli de mépris venu de l'un de mes bourreaux. Quelle ne fut ma surprise lorsque je vis un regard doux, presqu'admiratif, posé sur moi. L'intéressé détourne la tête et, dans la pénombre de la salle, je n'ai pu identifier seulement la couleur de ses prunelles. Vertes. Ses yeux sont d'un vert si pur, qu'ils sont impossibles à éviter même dans une obscurité des plus totales. Il est l'un de ceux dont je ne connais pas encore le prénom. Mes absences à répétitions en sont très clairement la cause.

D'un côté, je m'empêche de nouer un quelconque lien avec qui que ce soit, je ne suis pas du genre à faire confiance à l'espèce humaine, et encore moins à la gent masculine. Certains noms sont impossibles à oublier ; Alex, Estelle... Ce sont ces noms et d'autres encore qui resteront gravés dans ma mémoire.

La sonnerie résonne et chacun s'active de ranger ses affaires afin de profiter d'une récréation amplement méritée. Le reste de la journée se passe dans un calme Olympien, à l'exception de la pause déjeuner ; durant laquelle j'ai encore été la risée de la table voisine. Être une cible, c'est plutôt pesant et humiliant sur le long terme.

Nous sommes désormais, la brune et moi, sur le chemin du retour. Nous avons décidé que rentrer à pied serait une bonne option, pour décompresser et se délecter de la pression de cette journée.

Nous passons devant la librairie de la ville dans laquelle nous nous arrêtons. Je scrute la pièce dans son entièreté avant de me diriger vers certains étalages ou présentoirs. Ce petit détour insignifiant me permet d'oublier absolument tous les évènements de la journée, sauf un. Mes joues prennent une teinte rosée à cette simple pensée. Nous ressortons quelques minutes plus tard, mes bras chargés de quelques manuscrits.

Le chemin du retour se fait dans une gaieté qui me fait un bien fou. Je me sens bien, et je profite au maximum de ce moment pour m'en imprégner. L'odeur du vent, le soleil qui traverse lentement les nuages et qui réchauffe ma peau. Je m'imprègne de toutes ces choses anodines, et le sourire sincère que j'affiche ne disparaît pas lorsque nos chemins se séparent. Je reste rayonnante et pleine de vie.


Life Is Worth LivingWhere stories live. Discover now