Gazelle [ Darkromance ]

Joyeux Noël

Carla, aujourd'hui, Santa Barbara.

- Carla, t'es sûr que ça va ? Me questionne ma patronne face à mon égarement.

- Oh oui pardon Lisa, j'étais dans mes pensées, me ressaisis-je.

Il m'arrive fréquemment de divaguer, me laissant emporter soit dans le passé, soit dans le futur. Je me demande comment ma vie aurait pu se dérouler différemment et où je serais aujourd'hui si j'avais pris d'autres décisions. De plus, je songe souvent à ma mère, m'interrogeant sur son état et si elle parvenait à rester heureuse malgré le décès du fils de William.

Elle m'envoie quelques textos de temps en temps mais je ne répond quasiment pas, surtout quand elle me demande ou je vis et quand je viens la voir, à ceux là, je trouve toujours une bonne excuse pour éviter le sujet. J'ai du abandonner ma maison, mon quotidien, mes habitudes. J'ai l'ambition de démarrer une nouvelle vi. Je dois donc faire des sacrifices pour y parvenir, ma mère en fait partie. J'ai pris soin de partir ne laissant qu'une lettre, expliquant mon choix sans forcément justifier le motif qui m'y a poussé. Je n'ai laissé que mon numéro. Je sais que quelqu'un me reconnaîtra un jour ou que ma mère entreprendra des recherches. Enfin, c'est que je me dis. Je ne suis qu'à cinq heures de route de San Francisco et je n'ai pas changé d'identité mais le plus tard sera le mieux. Si j'avais pu changer de nom, de visage, de voix... je l'aurais fait.

Après avoir laissé divaguer mon esprit, je reviens à la réalité et me remets au travail. Nous sommes le réveillon de Noël, et notre boutique est prise d'assaut par une multitude de commandes et de clients. Noël évoque des invitations, et qui dit invitations dit souvent des fleurs. Notre commerce est florissant, avec une clientèle fidèle et de nouveaux venus chaque semaine. Parmi eux, j'apprécie particulièrement un monsieur âgé qui vient chaque semaine acheter dix roses blanches pour l'épouse, et qui m'a raconté avec fierté qu'ils allaient bientôt célébrer leur cinquantième anniversaire de mariage.

Tous les ans, je vis cette période festive par procuration au travers les familles qui se baladent dans les rues lumineuses de Santa Barbara. Régulièrement, je reste quelques minutes à la vitrine pour les observer. Les festivités de Noël sont une découverte pour moi. Les enfants paraissent admiratifs des décorations et leur joie est flagrante, ça doit être une belle période à vivre en famille.

Je suppose.

Remarquant mon ventre tirailler, je regarde l'heure et constate qu'il est déjà 14 h 30. Avec autant de boulot, je n'ai pas vu le temps passer et je comprends mieux pourquoi j'ai si faim.

- Lisa, je prends ma pause, je vais chercher un sandwich, tu en veux un ? Proposé-je.

- Non merci Carla, je vais manger des tulipes je crois, répond-elle débordée.

Je récupère mon manteau puis sors dans la rue. L'air frais me fait le plus grand bien même si le temps est nuageux. Je marche un moment d'un pas assuré, la boulangerie n'est qu'à 10 minutes à pied.

Je vais m'exploser le ventre, je vais prendre deux sandwichs et trois desserts, au moins !

Je souris quand je passe devant une petite fille qui regarde la vitrine d'une boutique de bijoux, proposant à sa mère de lui en offrir un. Cette scène est absolument mignonne.

Comme si je ne controle pas ce geste, je fais tourner ma chevalière avec mon pouce.

La pâtisserie n'est plus très loin. Je traverse pour la rejoindre quand, sans que je ne puisse m'y attendre, une moto me frôle à toute vitesse. Heureusement, je recule à temps.

Je crois mourir d'un arrêt cardiaque tellement mon cœur s'emballe.

J'ai pourtant bien regardé de chaque côté comme on me l'avait appris. Il devait rouler extrêmement vite.