Chapitre 16 - Remise de diplôme

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Juin 1869

Je n'ai de toute façon pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Les examens approchent à grand pas et l'anxiété les accompagne sans vergogne. La veille de ma première épreuve, je décide, émue, de créer un philtre de paix. Le doux apaisement procuré par la potion me permet une belle réussite dans mes ASPIC.

Le jour de la remise des diplômes, je passe mon temps à chercher Aesop. Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis des semaines, il ne m'a jamais confirmé qu'il viendrait mais une partie de mon cœur s'accroche à l'idée. A chaque seconde je crois l'apercevoir. Plus la journée passe, plus mon air grisâtre s'amplifie et inquiète Adaline.

— Isis, c'est notre dernier jour à Poudlard, tu te rends compte ! Profite, je t'en prie !

J'essaye de suivre ses conseils, mais un goût amer ne me quitte pas.

Jusqu'à ce que je le vois. Il est là. J'aperçois Aesop contre le mur de la grande salle. Mon chapeau d'étudiante fraichement diplômée tombe lorsque je cours à toute vitesse pour lui sauter au cou.

— Tu es venu !

Je l'embrasse éperdument, soulagée de pouvoir enfin le serrer dans mes bras. Je savais qu'il ne pouvait pas me laisser tomber, c'était impensable qu'il ne soit pas là en ce jour si important pour moi !

— Je suis tellement heureuse de te voir, viens t'assoir avec nous, dis-je en lui prenant la main.

— Attends Isis.

Il me retient, il est inscrit sur son visage que quelque chose ne va pas. Un malaise s'installe. Toutes mes craintes, toutes mes angoisses remontent dans ma gorge.

— Que se passe-t-il ? dis-je d'une voix enrouée.

— Je voudrais te parler, dit-il en m'attirant à l'écart.

Le malaise se transforme en pierre dans mon ventre. J'essaye de faire au mieux mais la panique me gagne. Quelque chose de terrifiant pointe le bout de son nez.

— Voilà... Je ne sais pas comment te dire...

Son hésitation me donne des vertiges.

— Déjà félicitations pour tes ASPIC. Tes efforts ont payé, je ne suis pas étonné.

Je le remercie pour la énième fois pour tout ce qu'il m'a apporté mais son air abattu me fait perdre mes mots.

— Ecoute, me dit-il. Je suis désolé d'avoir été si distant ces derniers mois. J'ai voulu maintes fois envoyer des réponses à tes hiboux, mais je... J'avais peu de temps, peu de disponibilité. Et... Je ne trouvais pas les mots.

Tout me transperce le cœur. Les mots qu'il emploi, sa voix, ses bras ballants, son regard fuyant. Je ne veux pas l'écouter. J'ai envie de l'embrasser pour le faire taire, qu'il m'embrasse en retour et me serre fort dans ses bras, qu'on rejoigne les autres et qu'on aille rire ensemble dans la grande salle.

— De manière anticipée, le ministère m'a proposé un poste officiel auprès de la brigade des aurors dès la rentrée prochaine.

— Oh Aesop ! Mais... C'est exceptionnel ! dis-je impressionnée.

— C'est très rare en effet, étant donné que je suis encore en formation. Mais mon travail porte ses fruits.

Il pousse un profond soupir. J'ai l'impression de ne plus être présente, comme si une partie de moi se cachait, terrifiée par un monstre menaçant qui la poursuit sans relâche.

— Nous le savions, je t'en avais fait part la dernière fois que nous nous sommes vus. Et je l'ai constaté ces derniers mois. Je n'ai pas réussi. Ma carrière débute à peine et déjà je ne suis pas à la hauteur.

— Ça n'a pas été facile, dis-je d'une voix nerveuse. Mais maintenant...

— Non Isis, dit Aesop avec fermeté. Ce ne serait pas honnête de ma part de te donner espoir. Si même cette année je ne suis pas parvenu à être disponible pour toi, pour nous... Comprends bien que ça ne fera que s'aggraver.

— Mais Aesop...

— C'est au-dessus de mes forces... Je ne peux pas mener ces deux pans de ma vie au même niveau. Et tu sais à quel point j'ai travaillé dur pour en arriver là.

Mes yeux se remplissent de larmes, je suis dépassée. Le monstre est face à moi, je suis acculée, que faire ?

— Je pense qu'il est préférable que nous en restions là.

L'horreur se jette sur moi et me dévore le cœur. Un courant glacé me transperce le dos. Je suis à la limite de la nausée et de devoir m'assoir.

— Aesop, dis-je tremblante. Je suis sure qu'avec un peu de temps et de...

— Non. Je veux me consacrer à ma carrière. Il m'est impossible d'avoir une relation amoureuse.

Son ton est sans appel. Le désespoir me ronge les yeux. Je perds le contrôle.

— Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi d'un coup ? Tu as rencontré quelqu'un d'autre c'est ça ? assénais-je.

La surprise d'Aesop est évidente.

— Quoi ? Mais non, pas du tout.

Ces derniers mois à être terrifiée de sa distance, à avoir pris sur moi, à m'être forcée à lui faire confiance, à croire en nous malgré les obstacles. Tous ces moments de lutte contre moi-même. Je me sens trahie. Je me sens idiote. La rage commence à s'insinuer dans mes veines. Ma voix monte d'un cran à chaque phrase.

— Mais alors pourquoi on ne peut pas en parler ensemble ? Tu as pris ta décision et je n'ai rien à dire, c'est comme ça ?

— Je... Je suis désolé d'avoir mis si longtemps à être honnête avec toi. Après ce n'est pas forcément la fin de tout, on pourrait, je ne sais pas....

La colère déferle en moi avec tant de vagues que je crains de le gifler. Je lui coupe la parole d'un ton sec.

— Tu aurais pu choisir un autre moment que ma remise de diplôme. Tu n'as aucune empathie. C'est tellement égoïste. C'est tellement... Toi ! Tu es infecte.

Aesop se ratatine autant que si je lui avais jeté un sort.

— Isis...

— NON !

Mon refus raisonne dans le couloir de la grande salle, heureusement recouvert par le brouhaha du banquet de fin d'année. Je ne veux pas que notre relation s'arrête mais il ne laisse aucun choix. Jamais je n'aurais imaginé une chose pareille. J'ai envie de l'insulter, de le secouer, qu'il se rende compte de ce qu'il est en train de faire. La colère commence à faire place au dégoût.

Finalement, il a été envoyé dans la bonne maison lors de ses études. Ambitieux, méprisant envers autrui, écrasant tous ceux qui se mettront sur son chemin. Il a raison, il ressemble à son père. Bien plus que ce que je pensais.

— Isis, je...

— Ne m'adresse plus jamais la parole.

Je me détourne sans lui laisser le temps de répondre. Les larmes se déversent à torrent à peine ai-je passé la porte de la grande salle.

Nous n'aurons plus un seul contact. Jusqu'à ce que la vie en décide autrement. 

Amour Tranchant (Sharp Love) Fanfiction Aesop Sharp Hogwarts LegacyWhere stories live. Discover now