38-Nate

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Je suis en nage. Littéralement. Je remercie intérieurement ma veste de costume de camoufler les auréoles qui trempent ma chemise blanche. C'est le grand soir, celui que j'attends avec impatience depuis si longtemps. L'exposition du concours de jeunes talents de troisième année.

J'aide Charlotte à remettre quelque unes de ses mèches rebelles dans son chignon – il faut l'avouer, nous sommes allés extérioriser le stress dans les toilettes de la salle d'exposition...- tandis qu'elle me réajuste ma cravate pour la sixième fois depuis le début de la soirée.

Ici, tout le monde est sur son trente-et-un, la pièce transpire l'argent et la bourgeoisie. L'exposition, ouverte à tous, a ramené bien plus de personnes que les précédentes éditions ce qui ravit la sororité qui s'est chargée de toute l'organisation. Je ne m'occupe même pas de la décoration ou des amuses bouches, le ventre noué par le trac. Pourtant, pour avoir déjà mis les pieds ici par le passé, je peux affirmer que cette salle est magnifique. Ce soir, chacune des créations des participants est accrochée aux murs blancs de la pièce.

J'en ai déjà fait le tour trois fois. Mes chances sont minces. Rien ne sert de se voiler la face, beaucoup ont fait mieux que moi, techniquement ou artistiquement. J'ai fait le choix de ne pas révéler à Charlotte laquelle d'entre toutes est ma toile, m'amusant à la voir essayer de deviner. Elle a, elle aussi, fait plusieurs fois le tour de l'exposition et a tenté d'analyser chacune des œuvres pour y dénicher des indices.

Son soutient est énorme. Elle ne me lâche pas d'une semelle, compréhensive de mon stresse. S'il y a bien quelqu'un qui peut comprendre ce sentiment, c'est elle. Elle y travaille énormément et fait de gros progrès. Je suis fier d'elle. Lyam et Josh sont également présents pour m'épauler. Lyam a carrément été recruté comme pianiste de la soirée. Un job important quand on voit le niveau social des personnes présentes ici. Qui sait, il pourrait même être repéré ?

Les jurés commencent leur inspection des toiles, en rentrait de la foule. Je ne peux pas m'empêcher de les épier, à la recherche d'un indice sur leur avis. Charlotte me ramène à la réalité en prenant mon visage en coupe et me rassurer comme elle sait si bien le faire.

-Rappelle-toi que le fait de ne pas gagner n'est pas synonyme de perdre. Tu peux déjà te féliciter d'avoir terminé à temps et d'avoir travaillé d'arrache pieds pour fournir ce résultat.

Elle a raison. J'ai passé les deux dernières semaines enfermé dans mon ateliers et y dormais la plupart de mes nuits, tombant de fatigue à même le sol. Charlotte ne m'a pas reproché une seule fois mes absences répétées, comprenant ce que c'est d'être happé par son inspiration. Elle me préparait mes repas et me faisait décompresser quand je me libérait du temps. Je pense que le gérant de la rage room devrait créer une carte de fidélité, tellement nous y avons été tous les deux.

Je me reconcentre sur Charlotte qui me fait respirer en même temps qu'elle pour me calmer.

-Inspire... et expire... Voilà, c'est super Nate. Tout va bien se passer, je te le promets. Pour moi, c'est toi le grand gagnant, ne l'oublies pas.

Mr. Thompson me repère et s'approche de moi me féliciter mais je ne l'écoute qu'une oreille, les regards fixé sur deux personnes venant de rentrer dans l'exposition. Que font-ils là ?

Mes parents.

Mes parents sont venus.

Mes parents sont venus voir mon travail.

Je n'en crois pas mes yeux. C'est bien la première fois que je les voit assister à un évènement concernant mes études. Ils me repèrent à leur tour et s'approche de notre groupe. Charlotte attrape ma main pour me donner le courage de les affronter, et je l'en remercie en la serrant.

-Père, Mère, je ne pensais pas vous voir ici, je leur annonce.

-Une jolie jeune fille nous a rappelé l'importance de cet événement pour notre fils, nous n'aurions quand même pas loupé ça ? m'explique ma mère.

Je me tourne vers Charlotte, fière que son plan ait fonctionné. Elle a confronté mes parents pour qu'ils soient présents ce soir. C'est grâce à elle s'ils comprennent enfin mon choix de parcours professionnel. Je ne sais pas quoi dire, encore bouche-bée par ce revirement de situation auquel je ne croyais plus depuis longtemps.

-Bon alors fiston, il est où le tiens ? m'interroge mon paternel.

« Fiston »

C'est bien la première fois qu'il m'appelle avec ce surnom. Je ne sais pas ce que Charlotte leur a dit, mais ce soir, j'ai l'impression d'avoir des parents, et non pas des tuteurs légaux. Pour ça je lui en serait éternellement reconnaissant. Je guide mes parents à travers la galerie, encouragé par Charlotte restée avec Josh. Je me surprends à être heureux qu'ils soient là pour moi. Je leur explique alors tout le processus de mon projet en détails, de l'idée à la réalisation, sous leur écoute attentive. Leur présence ici vaut tous les pardons du monde pour le cœur d'un enfant qui ne demandait que l'attention de son papa et sa maman.

Avant de rejoindre la foule pour l'annonce des résultats, ma mère me prend à part pour me parler de Charlotte. De toute façon, plus rien ne peut me surprendre ce soir !

-Est-ce que tu l'aimes ?

Je lui répond sans aucune once d'hésitation.

-Je suis fou d'elle.

Elle sourit, satisfaite de ma réponse.

-Alors je voulais te dire qu'avec ton père, on l'aimait beaucoup. On est désolés de l'avoir si mal accueillie le jour de ton anniversaire. Elle est la bienvenue dans la famille, Nathanael.

Si je pensais avoir eu mon lot d'émotions pour la soirée, cette dernière phrase et m'achève tant que je suis incapable de retenir la larme qui dévale ma courbe de ma joue pour atterrir sur le col de ma chemise.

-On est fier de toi, fils, ajoute mon père.

Cet aveu signe le coup de grâce, d'autres larmes rejoignent la première et mes parents me prennent dans leur bras. Je sèche mes larmes et nous rejoignons Charlotte et Josh pour écouter le discours du président et l'annonce du gagnant du concours.

-Charlotte ?

-Oui ?

-Je t'aime.

Elle accuse le coup, ne s'attendant visiblement à cet aveu, mais me répond sans attendre.

-Je t'aime aussi Nate.

Boum...boum...boum...

Les battements de mon cœur martèlent ma cage thoracique, si bien que je capte que des bribes du discours que tout le monde écoute pourtant attentivement.

-...vous le savez, le thème de cette édition était la solitude...

J'essuies mes mains moites sur mon pantalon de costume mais rien n'y fait, je sue par tous les pores.

-...nous avons eu beaucoup de propositions intéressantes...

J'hyperventile. Charlotte perçoit ma panique et place ma main sur son buste pour caler ma respiration sur la mienne. Je retrouve un rythme cardiaque acceptable, mais il repart à la chamade quand le doyen prononce le nom de l'heureux élu.

-Nathanael Solis.

Quoi ?

Charlotte me saute dans les bras et m'embrasse en guise de félicitations avant que je monte sur l'estrade pour récupérer mon prix. Face à la foule, je vois tous ces visages m'applaudir. Moi. Nathanael Solis. C'est gens m'applaudissent parce qu'ils aiment mon art. Un de mes rêves se réalise, là, sous mes yeux. J'aperçois même Mr. Thompson frapper ses mains en rythme avec les autres.

Je vais être exposé dans de vraies expositions. Je vais avoir mon trophée nominée dans la vitrine de la victoire du campus.

Je rejoins ma famille, acclamé par Lyam et Josh, félicité par ma copine et encouragé par mes parents.

Entouré et heureux.

Artists on campus - NateWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu