Chapitre 6

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Aylin

Le cours se déroule dans le calme, je prends tout en note sur mon ordinateur avec les touches en brailles. Je me suis entraînée pendant toutes les vacances pour ne pas être à la traîne.

J'ai même essayé de lire mes premiers livres en braille. C'est un système de lecture et d'écriture tactile pour les personnes non-voyantes. Les points en relief qui le composent représentent les lettres de l'alphabet. Il contient des équivalents pour les signes de ponctuation et il fournit des symboles qui indiquent le regroupement des lettres.

Ça parait assez complexe, mais en réalité avec de la motivation et de l'entraînement, c'est plus accessible que ça en a l'air.

Et puis, je n'avais pas tout à fait le choix.

C'est un sacré changement de devenir aveugle.

Toute ma vie s'est vue bouleversée. Toutes mes certitudes ont été ébranlées. Toutes mes habitudes ont changé.

C'était deux mois d'apprentissage mais au moins, maintenant, je suis prête.

Enfin, autant que possible...

Mes yeux me grattent, c'est insupportable comme sensation. Mais je ne peux pas retirer ces patches, même si l'envie de les arracher me démange.

Suite à l'accident, mon traumatisme crânien qui a entraîné ma perte de vue à sensibiliser mes yeux. Je ne vois rien, en revanche, je suis très sensible à la lumière.

C'est assez spécial comme vision. Je vois des points lumineux et j'arrive à savoir si la lumière est allumée ou non dans une pièce. Malheureusement, les premiers jours cela me faisait un mal de chien, j'ai donc accepté les patches.

Je ne devrais d'ailleurs pas tarder à les retirer. D'ici quelques semaines si tout se passe bien.

La leçon n'est pas très intéressante et je me perds dans mes pensées.

Revenir dans cet établissement me fera toujours penser à Louis. Même si je donne tout pour l'oublier, je n'y parviens jamais. C'est comme s'il était tatoué sur mon cerveau. Comme si ça ne suffisait pas qu'il m'ai brisé le cœur, maintenant, je dois me battre contre mon cerveau aussi.

C'est douloureux. Toute cette peine qui m'habite et qui refuse de me rendre ma liberté. Le poids de son départ m'enchaîne au désespoir et me rappelle sans cesse les bons moments. Pour ensuite me lacérer avec les souvenirs de son départ.

Plus on essaie d'oublier quelqu'un, plus il est sûr de rester dans notre tête. Pourtant, au fond de moi, je sais qu'une partie de mon cœur espère toujours son retour.

Mais c'est mal. C'est stupide et inutile.

L'espoir peut-être une force comme elle peut-être une faiblesse. À trop espérer, on risque de se perdre dans nos rêves. À trop espérer, on risque de se brûler. Et il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer.

Car au fond l'espoir n'est rien de plus qu'un sentiment qui nous permet de voir le bout du tunnel, de garder la face. De se dire qu'un jour, les choses iront mieux.

Mais quand est-ce que ce jour viendra ?

Peut-être jamais.

On dit que l'espoir est le dernier à mourir mais est-ce le cas ?

Les derniers qui meurent, sont les regrets. Et encore, je suis presque sûr que certaines personnes les emmènent dans leur tombe.

Moi, j'emporterai les miens jusque dans mon cercueil.

Le bruit d'un éternuement me sort de mes pensées. J'encre à nouveau ma concentration sur la prof. Mais encore une fois, un sujet vient tourmenter mes pensées.

BLINDLYWhere stories live. Discover now