Chapitre 1 ~ Alcatraz

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Alcatraz croyait rêver. C'était soit ça, soit elle était en train de devenir complètement folle.

Sa mère avait-elle commencé voir d'étranges choses avant de finir par obtenir une carte de séjour à durée indéterminée pour l'hôpital psychiatrique ?

La jeune femme déglutit à cette pensée, puis ferma quelques instant les yeux pour respirer profondément et calmer son angoisse grandissante. Mais quand elle les rouvrit, rien n'avait changé. Elle avait bel et bien quitté l'impasse pour se retrouver sur le sentier d'une forêt à l'épaisse canopée. Une forêt peuplée d'arbres qu'elle n'avait encore jamais vus ailleurs. Ici aussi, il faisait nuit. Une nuit sans étoiles. Seule la pleine lune ajoutait un peu de lumière à toute cette obscurité, ce qui permettait cependant aux arbres biscornus de projeter d'effrayantes ombres ici et là. Alcatraz n'entendait le pépiement d'aucun oiseau, le cri d'aucun animal nocturne ni d'aucun insecte. Son ventre se contracta tandis que son rythme cardiaque s'emballait. Elle ne comprenait toujours pas si cela était réel ou pas, mais tout ce qu'elle voulait, c'était quitter au plus vite cet endroit lugubre.

Elle observa rapidement les alentours. Pas d'issue en vue. Derrière elle s'étendait un mur infini de pierres noires. Devant elle, un chemin conduisait tout droit dans les ténèbres. Alcatraz ne voyait pas à plus de deux mètres. Quant aux côtés droit et gauche de la jaune femme, les arbres y étaient si denses et larges qu'elle ne voulait même pas imaginer quels genres d'animaux sauvages – psychopathes et sociopathes y compris – s'y cachaient, à l'affût de proies.

Alcatraz, les mains légèrement tremblantes, entreprit de tâter le mur de pierres en espérant y trouver un bouton, un levier, n'importe quoi qui lui permettrait d'ouvrir une porte dissimulée. En vain. Pourtant, elle s'en souvenait clairement à présent : aussi invraisemblable que ça puisse paraître, elle avait traversé un mur avant de se retrouver ici. Elle n'était pas folle !

La jeune femme était épuisée. Il était déjà tard quand elle était partie de chez sa meilleure amie et l'angoisse qui l'envahissait maintenant ne faisait que la fatiguer plus encore, autant son corps que son esprit. Par réflexe, elle jeta un coup d'œil à la jolie montre qui ornait son poignet : les aiguilles s'étaient arrêtées de tourner à une heure du matin. Alcatraz tapota le cadran dans l'espoir que le mécanisme se remette à fonctionner ; mais rien n'y fit.

— En même temps, ça aurait été trop beau qu'elle marche vue la situation... commenta-t-elle à voix haute, résignée, car habituée à accumuler les mauvaises nouvelles.

Cette fois cependant, il fallait avouer que, même pour elle, c'était le pompon ! Etait-elle maudite ? Un sorcier vaudou était-il actuellement en train de s'acharner sur une poupée à son effigie ?

Elle délirait complètement. Et voilà qu'à présent, une musique lointaine arrivait peu à peu à ses oreilles. Une musique sinistre. Alcatraz se remit à respirer plus vite et bruyamment, les yeux rivés face à l'obscurité, là d'où provenaient les sons qu'elle percevait. Sa tête se mit soudain à tourner, surchargée par tous ces événements étranges. C'était trop à encaisser, stout quand, malgré tout, une petite voix en elle s'obstinait à lui répéter qu'elle devenait comme sa mère et qu'elle la rejoindrait très bientôt chez les fous. Une petite voix qu'elle s'efforçait de faire taire afin de garder l'esprit clair.

La musique se rapprochait peu à peu. Alcatraz reconnut alors le chant d'un violon. Elle ne pensait plus qu'à partir. Qu'à fuir loin d'ici. Elle voulait retrouver le chemin de son appartement et se faufiler sous sa grosse et réconfortante couverture lestée. Dans un accès d'angoisse irrépressible, le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle tenta le tout pour le tout sans y réfléchir à deux fois. Elle se recula du mur de pierre, prit son élan et courut aussi vite qu'elle le put en direction du mur. Elle n'eut cependant pas le temps d'atteindre sa cible que ses pieds s'entravèrent l'un dans l'autre, entraînés par ses jambes flageolantes. Alors, affalée au sol, les lèvres pleines de terre, la jeune femme craqua. Des larmes dégoulinèrent silencieusement le long de ses joues couleur porcelaine. Alcatraz se traîna difficilement vers le mur de pierres, s'y adossa et fourra son visage dans ses bras croisés sur ses genoux. Son esprit se mit à tourner en boucle et ne cessait de lui répéter qu'elle était folle, tout juste bonne à enfermer dans une cellule capitonnée. Il n'y avait pas d'autre explication à ce qu'elle était en train de vivre.

Le Jeu des CauchemarsOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz