Chapitre 17 : Retour à la réalité

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Emma

J'ai sous-estimé la dangerosité de Samaël.

L'imaginaire collectif le décrit comme une créature redoutable. Or, parce qu'il a entretenu une liaison avec mon amie, j'ai pensé que peut-être, il n'est pas aussi terrible que le dépeignent les récits. Grosse erreur ! Son enveloppe corporelle peut porter à confusion. Mais c'est un leurre. Il ressemble à un homme. Se déplace comme un homme. Toutefois, j'ai vu une flamme danser dans ses yeux. Sans oublier que sa stature imposante et son caractère colérique ne trompent pas. Il n'est pas humain. Il est le diable. Et il n'a pas manqué de me le rappeler.

Je me suis vengée de son impolitesse en utilisant les seules armes dont je dispose actuellement. En le provoquant et en lui faisant du rentre-dedans. J'ai voulu le déstabiliser. Qu'il perde ses moyens pour pouvoir le manipuler et obtenir par la ruse, ce que je souhaite : rentrer chez moi. Le pousser à bout n'a pas fonctionné. Ça a même eu l'effet inverse. J'ai réveillé la bête. J'ai pris un gros risque en m'exposant ainsi. Maintenant que j'y pense, c'était une très mauvaise idée. Je suis confrontée à celui qui représente tous les vices. Y compris celui de la luxure. En me pavanant à moitié nue, je ne pouvais que le faire réagir. Et quelle réaction ! Son engin est devenu énorme ! Quand il me l'a plaqué entre les fesses, j'ai flippé à mort. J'ai bien cru qu'il allait me prendre de force. Contre toute attente, il ne l'a pas fait. Certainement qu'il redoute la riposte de Salomée s'il me fait du mal.

Ceci dit, je ne comprends pas les réactions de mon corps. Ce type est un danger public. Un fou furieux. Un psychopathe. Et pourtant... Quand il a murmuré dans mon oreille, sa voix grave a réveillé tous mes fantasmes. Il m'a menacé. Une femme normale aurait été terrorisée. Moi, ça m'a excitée. Lorsqu'il m'a retournée et attrapée par la gorge, sa main a touché ma peau et des frissons ont envahi ma colonne vertébrale. Je me suis figée. J'ai eu besoin d'analyser mes émotions. Il a dû prendre les signaux qu'envoyait mon corps comme de la soumission. Je n'ai rien répondu. Je n'ai pas bougé. Je ne me suis pas aventurée à lui dire le fond de ma pensée. Me connaissant, je l'aurai provoqué davantage. Ça aurait mal fini pour moi. À la place, pour une fois, j'ai mis ma fierté de côté, fais taire mon égo et j'ai fermé ma bouche. Il a eu l'air de s'en satisfaire. À tous les coups, c'est un dominateur. Il doit aimer qu'on lui obéisse au doigt et à l'œil. Habituellement, je ne suis pas du genre à me laisser dicter ma conduite. Pourquoi, cette fois, ça a été différent ? Je ne me l'explique pas... Bien sûr, j'étais effrayée. J'en ai perdu la parole. Mais n'y avait-il que cela ? Le voir nu devant moi m'a perturbée. Il est con. Certes. En revanche... il est aussi sacrément bien foutu. J'ai cru, en le découvrant, que j'allais avaler ma langue. Brun. Ténébreux. Une carrure d'Apollon. Ses tatouages mettent en valeur l'arrondi de ses muscles. Il est le parfait bad boy. Celui qui fait mouiller les culottes de la plupart des femmes. A priori, la mienne n'y échappe pas... Et détail, si ça en est un, il est membré comme un étalon. De quoi en avoir peur. Je ne suis pas sûre de pouvoir l'accueillir s'il s'insérait en moi.

Sérieux ? Je viens d'être enlevée par un réseau de traite d'humains, maltraitée, sauvée par un malade mental, et au lieu de m'effondrer je suis en train de m'imaginer une scène bouillante avec le pire des monstres que porte la Terre ? Il y a vraiment quelque chose qui cloche chez moi. Je dois, moi aussi, être une détraquée. Ou alors, mon cerveau s'est cour circuiter pour ne pas que j'aie à affronter l'horreur d'une agression sexuelle une nouvelle fois. Possible. C'est même la raison la plus plausible. Je dois avoir un problème psychologique. Un trouble post-traumatique. Quelque chose du genre. Quoi qu'il en soit, par la pire des manières, Samaël a réussi à me faire oublier ma colère.

***

Ce qui est en train de se produire sous mes yeux me déstabilise encore un peu plus. Des montagnes de fringues apparaissent partout dans la pièce. Toutes plus belles les unes que les autres. La petite fille, depuis longtemps enfouie, se réveille aussitôt. Je ne sais plus où donner de la tête. Je ne parviens pas à fixer mon regard tellement il y a de merveilles que mon salaire d'infirmière ne m'aurait pas permis d'acheter. Je suis toujours nue et c'est le dernier de mes soucis. Je suis hypnotisée par l'avalanche de vêtements qui tombe du plafond.

L'effet de surprise passé, je me rapproche du lit, impatiente de découvrir ce que Samaël m'offre. Sous l'imposante superposition d'étoffes, un détail attire mon attention. Mon excitation est à son comble. Je réalise que je suis en train de sautiller sur place en me tapant dans les mains lorsque je m'entends pousser de petits cris aigus. Curieuse, je soulève le tissu qui m'empêche d'entrevoir mes nouvelles acquisitions. Oh, punaise ! C'est une semelle rouge que j'aperçois ? Oui. L'inconditionnelle amoureuse de la mode que je suis ne se trompe pas. J'ai bien, devant les yeux, une magnifique paire noire, vernie, de la marque du célèbre créateur d'escarpins. Habituellement, ils sont les accessoires incontournables de ma garde-robe. Je ne compte plus le nombre de chaussures que je possède. Bref... j'en suis folle. En avoir comme ceux que je viens de découvrir ? Je n'ai jamais osé en rêver.

Avec d'infinies précautions, j'attrape mes nouveaux trésors et les enfile. Je suis en train de dormir. Ça ne peut être que ça. Le cauchemar se transforme en vision orgasmique. Toujours sur mon petit nuage, et seulement vêtue de mes merveilleuses chaussures, je vais vers la salle de bain pour me regarder dans le miroir. L'image qu'il me renvoie me plaît. Je suis terriblement sexy.

Je suis une femme faible. La colère que j'ai ressentie s'est envolée. Un cadeau et tout est pardonné. Joli cadeau quand même. Samaël a dévalisé tous les magasins de Paris pour moi. Il m'a également fourni des produits de beauté. Maquillage, parfum. Je crois même avoir vu des sous-vêtements.

J'ai tiré une conclusion trop hâtive à son sujet. Il n'est peut-être pas aussi horrible que ce que je me l'imaginais.

La triste réalité me rattrape. À peine ai-je eu le temps d'avoir une réflexion positive pour lui, qu'il s'empresse de me faire redescendre sur Terre. Sortie de nulle part, je sens une piqure me brûler la peau. Tout de suite après, une seconde. La colère me submerge. Mon animosité envers cette saloperie de goujat refait surface. Il vient de me donner la fessée. Il a osé me punir comme une enfant ?

Mes mots dépassent ma pensée. Je n'ai pas le temps de me contenir.

— Enfoiré !

Je trouve que j'ai été polie. Toutefois, je retiens ma respiration. J'ai la certitude qu'il est toujours derrière ma porte et qu'il m'a entendue. Les muscles tendus, les dents serrées et les poings fermés, je patiente quelques secondes. En attente d'une autre fessée. Elle ne vient pas. À la place, je vois des inscriptions apparaître sur le verre du miroir. C'est une invitation. Après m'avoir humiliée, Samaël souhaite que je le rejoigne pour manger dans une heure. Je n'ai aucune envie de lui faire grâce de ma présence. Seulement, mon ventre crie famine. Pour ne pas passer la nuit l'estomac vide, je suis obligée de mettre ma fierté de côté. Encore une fois. Il paiera pour ça. Je n'apprécie pas d'être forcée à me soumettre. Il va très bientôt s'en apercevoir. Je vais rester docile. Un moment du moins... Je ne garantis pas être capable d'être une gentille petite fille sage indéfiniment. Juste le temps de lui faire regretter de s'être si mal comporté. Ensuite, je laisserais tomber mon masque.

Je retourne dans la chambre et cherche la tenue idéale pour ce soir. Quelque chose de chic. Une robe vaporeuse qui met ma féminité en valeur. Je veux être sensuelle. Pas sexy. Il doit me voir autrement qu'un objet de désir. Je veux qu'il me trouve belle. Pas seulement bandante ou bonne. Non, mon but est qu'il ne puisse plus me sortir de ses pensées. Quand il aura envie de me faire l'amour, pas de me baiser, c'est à ce moment que j'appliquerai mon plan.

J'ai perdu une bataille. Pas la guerre. Il souhaite jouer ? Nous allons jouer ! Si je dois être forcée de rester en enfer, autant que j'y trouve du plaisir. 

Lumière et ténèbres - tome 2 - Emma (premier jet)Where stories live. Discover now