CHAPITRE QUINZE

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ANGELICA





10 octobre 2012, Rio de Janeiro.

La mort.

Pour être honnête, je n'y avais jamais réellement pensé. Peut-être ne le voulais-je pas ? Ou peut-être avais-je tout simplement la naïveté de croire que j'y échapperais ?

La vérité est que je ne voulais pas y penser, je ne voulais pas admettre que les super-héros dans les films ne sont qu'imaginaires, que lorsqu'ils gagnent contre la mort, ils ne l'arrêtent pas, ils ne font que la retarder. Je voulais y croire, je voulais tellement y croire et je pense même l'avoir fait.

Seulement, tout à une fin. Au fond de moi, au plus profond de moi, j'espérais que mon histoire commencerait par « Il était une fois... » et se terminerait par « Et ils eurent beaucoup d'enfants... ». Mais parfois, il arrive que les contes ne restent...que des contes, que ce que l'on souhaiterait devenir réel, ne reste qu'imaginaire.

Je pense que lorsqu'on ne dépasse pas en taille le manche d'un balai, que l'on ne sait compter que jusque dix, on ne devrait pas y penser, on ne devrait même pas connaitre son existence. Après tout, c'est à ça que servent les super-héros, à nous montrer que l'impossible est possible.

Je pense que j'y aurais cru, ou peut-être y croyais-je déjà. Je ne saurais trop le dire.

Désormais, alors que je sens la présence de la mort par-dessus mon épaule, je ne peux m'empêcher de me demander ce qui m'a sortie de ma naïveté. Était-ce le premier coup ? Ou au contraire, était-ce le jour où j'ai découvert qu'au fond, l'espoir n'est en rien invincible, que ce sentiment que je croyais plus fort que tous les autres, est au fond le plus fragile. Aussi fragile que la flamme d'une bougie, une fois qu'on prive celle-ci de sa chaleur, de sa lumière, qu'on l'éteint, il ne reste plus rien, plus de chaleur, plus de lumière, seulement la solitude et un vide éternel.

Je suis vide.

La chaleur que me procurait autrefois le soleil des tropiques n'est désormais qu'un lointain souvenir, un souvenir qui aurait peut-être pu me réchauffer le cœur si ma flamme ne s'était pas éteinte.

Il s'est éteint, je ne l'ai plus entendu. Son rire, je ne l'ai plus entendu. Je ne saurais dire depuis combien de temps, je...je n'arrive plus à me souvenir. Je ne saurais pas non plus dire quand je me suis rendu compte que les rires que j'entendais n'étaient pas réels, mais imaginaires, qu'ils n'étaient, au final, qu'un pâle reflet de mes souvenirs.

Au fond, peut-être est-ce eux qui me permettent de prendre une respiration après l'autre, d'avoir la force d'entrouvrir mes lèvres pour boire ou plutôt, pour me donner envie de voir, de vivre.

Je voulais vivre, je voulais continuer de prendre une respiration après l'autre, de boire goutte après goutte, mais maintenant, alors que je regarde le verre d'eau, chaque petite goutte que je pourrais boire qui me permettrait de continuer à prendre une respiration après l'autre, de vivre, peut-être les trois-cents-soixante-quatre autres jours de l'année, je ne suis pas sûre d'en avoir la force.

Je ne suis pas sûre de vouloir affronter la prochaine vague ou les trois-cents-soixante-quatre autres jours. Je n'en ai plus la force.

Peut-être est-ce parce que je ne les entends plus, ses rires. Parfois, lorsque la fatigue l'emporte sur la peur, que je me permets de fermer les yeux, je la vois. Je vois ses cheveux voler dans le vent, je vois le soleil se refléter dans ses magnifiques yeux bleus et alors, à ce moment-là, un moment où mon cœur, mon âme est enfin en paix, je me demande si c'était  réel, si son corps était bien là, roulé en boule sur ce matelas fait de paille, si ses pleurs, ses cris étaient réels. Ou si, au final, ce n'était que mon esprit qui inventait tout afin de prendre une autre goutte, une autre respiration.

POUR TOUJOURS ET À JAMAISWhere stories live. Discover now