Chapitre 5

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Aurore

1er septembre 2023

Pour mener à bien cette conversation tant attendue, Liam m'emmène dans sa...
Oh surprise ! Sa voiture, comme c'est étonnant.
Si monsieur finissait par annuler nos fiançailles pour épouser sa caisse, ça ne surprendrait personne.
Je connais, avant même qu'il ne les prononce, les mots qui s'apprêtent à sortir de sa bouche. - Pourquoi ? me demande-t-il, sa voix éraillée comme si répéter en boucle cette question dans sa tête en était venu à également fatiguer ses cordes vocales.
- Pourquoi quoi ? Joué-je l'innocente pour le faire réagir.
Ça ne manque pas.
Il frappe sur le volant d'un coup si violent que je peine à reconnaître l'homme composé et silencieux dont je suis un jour tombée amoureuse.
- Joue pas à la conne, Aurore. Tu sais exactement de quoi je parle.
S'il a laissé tomber le surnom, c'est que ça doit être sérieux.
- Pourquoi tu as disparu ? hurle-t-il, avec une émotion si viscérale dans les yeux que je suis prise de court.
- Tu ne comprendrais pas, lui réponds-je de but en blanc en fixant le passage piéton depuis ma fenêtre.
- Essaye toujours, me supplie-t-il presque.
Remarquant mon mutisme, il repart aussitôt à la charge.
- On avait des projets. Tellement de projets. Pourquoi tu as tout foutu en l'air ?
- Tu ne méritais plus de m'avoir à tes côtés.
À mes mots, il rigole à s'égosiller. Un rire amer qui ne me plaît pas le moins du monde.
- Tu plaisantes, j'espère ? Je ne te méritais plus ? Je te signale que la raison-même pour laquelle j'étais prêt à quitter ma vie, ma famille, ma maison tout entière, c'était pour te sortir d'un pétrin dans lequel tu t'étais fourrée toute seule comme une grande !
Je ressens la fureur dans ses accusations, mais la culpabilité qu'il espère me faire ressentir ne me parvient pas.
- C'est pour ça que tu es partie seule ? Tu as décidé que je n'étais plus assez bien pour m'emmener avec toi ? repart-il à l'assaut.
- Ça n'a rien à voir. Mon départ n'a aucun lien avec Armand. Ou du moins qu'en partie, finis-je par lui offrir.
- Mais alors pourquoi ?!
- C'est la seule réponse que tu auras aujourd'hui de ma part, Liam. Tu as assez de neurones, il me semble, pour réussir à comprendre ce qui m'a poussée à te lâcher. J'ai mes raisons.
- Donc c'est tout ? Après tout ce que tu m'as fait, tu ne comptes rien me dire de plus ? Après m'avoir laissé comme ça, comme un mégot de cigarette qu'on jette après l'avoir entamé, et dénoncé à la police ?
C'est à mon tour de rire.
- À t'entendre, on dirait que tu as le plus souffert de nous deux.
- Mais c'est le cas, bordel ! s'époumone-t-il, hors de lui. À peine avais-tu plié bagage que tu te retrouvais dans le lit d'un autre homme. Un homme que j'ai fréquenté toute mon enfance ! Le sourire vicieux, témoignant de sa folie en ce moment-même, qui lui déforme le visage ne présage rien de bon quant à la suite de ses propos.
- Tu en as baisé combien d'autres, hein ? En 365 jours, j'imagine que t'as eu le temps de faire le tour des dortoirs de l'internat ! Alors, à combien s'élève ton record, espèce de-
Je ne lui laisse pas le temps de verbaliser l'injure qu'une gifle immense s'échappe de ma main pour atterrir sur son visage.
- Tu ne survivrais pas au quart de ce que j'ai enduré, dis-je, parée d'un calme étonnant. Tu n'as aucune idée de ce que j'ai dû faire pour m'en sortir, pour t'en sortir. Ne parle plus jamais de ce que tu ne connais pas.
Lorsqu'il ne me répond pas immédiatement, j'enchaîne en haussant le ton afin d'être certaine de lui avoir remis les idées en place.
- Ça doit être tellement plus facile de faire moi la méchante de ton histoire, pas vrai ? Est-ce que ça fonctionne ? Est-ce que ça te dédouane de ta putain de culpabilité ?
Pour sa défense, il a le mérite de paraître outré par ses propres mots, et non les miens.
Le Liam que j'ai vu à l'action il y a un instant n'est pas celui que je connais.
Je n'ai aucune idée de ce qui a bien pu le métamorphoser ainsi, mais le regret que je lis maintenant dans ses prunelles me rassure.
Il n'a pas complètement changé.
- Aurore je suis...je, bafouille-t-il. Je suis tellement désolé, énonce-t-il finalement en tentant de caresser ma main, que je retire brusquement de dessus la boîte à gant.
- Ramène-moi juste chez moi, lui ordonné-je, mes yeux ne quittant plus le point que j'ai décidé de fixer quelques mètres devant moi.
Il n'argumente pas et hoche simplement de la tête afin de me signaler qu'il accepte ma requête.
Je sens qu'après les dernières paroles que je lui ai balancées au visage, il a sûrement un milliard de nouvelles questions.
Mais il ne poussera pas le bouchon plus loin pour aujourd'hui. Il sait qu'il a infligé assez de dégâts à notre relation, déjà pourtant cabossée et tordue.

Le Point de Non-RetourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant