- Allo mec ? Qu'est-ce qui se passe ? Tu vas bien ?
Je soupirai et levai les yeux au ciel.
- Ca va, ça va, t'inquiètes.
- Alors ne m'agresse pas comme ça, rit-il au bout du fils. Bref, sinon de quoi tu voulais me parler ?
Je pris une grande inspiration. J'avais déjà du mal à me l'avouer, alors devoir l'annoncer à quelqu'un, c'était difficile. Plus que ce que je m'étais imaginé.
- Bah en fait... euh...
- Allez crache le morceau, je ne vais pas pouvoir rester longtemps là. Si ma mère m'appelle pour manger je dois raccrocher tout de suite.
Je m'arrêtai et fermai les yeux, me donnant la force d'articuler mes prochains mots.
- Mec, j'ai... J'ai appris que j'étais adopté.
Il y eu un blanc, de chaque côté de l'appel. Mais je savais qu'il était toujours là, par sa respiration que le micro de son téléphone me transmettait. Mais son silence ne m'indiquait pas s'il était choqué de la nouvelle, et donc ne l'avait pas deviné, s'il savait mais cherchais ses mots, ou encore s'il voulait me faire croire qu'il ne l'avait pas prédit, et donc pas menti.
- Alex ?
- Je- Ouais mec. Et du coup... tu le prends comment ? Tu leur as répondu quoi à tes parents ?
- Je me suis énervé... Ils m'ont menti pendant plus de dix ans, mec.
- Dix ans ? releva-t-il.
- Ouais ils m'ont adopté à mes deux ans, peu après que ma mère biologique m'ait abandonné.
- Ah ok.
Un blanc se redessina, aucun de nous ne sachant que dire de plus.
- Et tu es toujours en colère contre eux ? demanda soudaine Alex.
Sa question me prit de court. Je n'y avais pas réfléchis après tout, ce devait être naturel après m'avoir caché une vérité pareille pendant dix ans. Malgré tout, je sentais une réticence, une autre émotion qui modérait mon énervement.
- Ouais... Ouais, je crois. 'Fin je sais pas.
- Normal. Bien qu'ils t'aient caché ça pendant plusieurs années, bien que leurs sangs ne coulent pas dans tes veines, toutes les années que vous avez passées comme ça ne vont pas s'effacer en un claquement de doigt.
Je ne répondis rien qu'un petit grognement, confirmant ses propos. Il continua :
- Tu les aimes. Et ils restent tes parents, car après tout, un père et une mère est une personne qui t'élève, pas forcément la personne qui te procréer. Les liens du cœur sont toujours plus forts que ceux du sang.
- Oui tu as raison, mec. Merci beaucoup, je pense que je devrais rentrer chez moi, il commence à se faire tard.
Je raccrochais après des derniers remerciements. Au final, je n'avais pas su si Alex savait déjà la nouvelle. Mais quoi qu'il en soit, il avait une fois de plus su trouver les mots justes avec moi.
Jetant des coups d'œil aux bâtiments qui m'entouraient, je reconnus immédiatement la rue. Je n'étais pas si loin de chez moi, finalement.
En dix minutes, le pas rapide, je me retrouvais devant la porte d'entrée. Étonnement, l'appréhension me serra le cœur. Comment avaient réagit mes parents face à ma fuite soudain ? Que diront-ils désormais que je reviens ?
Doucement, avec tout mon courage, j'entrouvris la porte légèrement, sans un bruit. Je tendis l'oreille et entendis les voix de mes parents adoptifs dans le salon. J'interceptais mon nom et ma curiosité fut piquée. J'entrais et collais mon dos au mur à côté du passage de l'entrée vers le séjour, de sorte à pouvoir les entendre sans qu'ils ne le voient.
- ... te dis qu'il faudrait le dire à Romain, dit ma mère fermement.
- Mais chérie, tu as bien vu sa réaction face à l'adoption ? Comment pourra-t-il encaisser ça ? Ça va être trop dur pour lui. Il faut mieux attendre de lui donner la lettre quand il aura ses dix-huit ans, comme prévu.
- Marc... Ce dont j'ai peur, moi, c'est qu'il vous en veilles encore plus de lui avoir caché ça. Et il n'est pas bête. Il comprendra bien que pour une adolescente de quinze ans qui tombe enceinte, c'est mieux pour elle et le bébé qu'elle le confie à quelqu'un d'autre.
J'étouffai un hôquet de ma main. Alors... ma mère biologique m'a fait à quinze ans ? À cet âge-là, le père avait bien évidemment fuit sa responsabilité. Ou alors, elle avait été victime d'un viol. Un frisson me parcourut à cette pensée.
J'avais été si égoïste, bouleversé de savoir que je n'étais pas voulu pour imaginer la souffrance de la femme - la fille - qui m'avait mis au monde. C'était vrai que la fille à la jupe orange de mon souvenir ne semblait pas bien vieille. Elle avait donc dix-sept ans, à ce moment-là.
Évidemment qu'à cet âge, elle n'avait pas les épaules pour prendre soin de moi. Elle allait probablement entrer en études suppérieure et la présence d'un enfant de deux ans n'allait pas l'aider, au contraire même.
Un sourire se dessina sur mes lèvres alors que je rejetai ma tête en arrière. En me laissant à l'orphelinat, geste sans doute déchirant, elle nous avait sauvé tous les deux. Elle avait été forte, et je ne doutais pas qu'elle m'aimait. Derrière chaque "abandon" de parents, se cachait une situation irrévocable et une déchirure de quitter la chair de sa chair, je n'en doutais pas.
J'entrai dans le salon et fondis dans les bras de les parents. Oui, je les aimais, comme l'avait dit Alex. Merci le monde de m'avoir donné un ami comme lui, je ne le méritai pas.
— Rom'... chuchota ma mère le nez dans mon cou.
— Je vous aime...
— Nous aussi Rom', répondit mon père.
Soudain une interrogation me vint.
— Pourquoi adopter ?
Mes parents se regardèrent, mon père detourna le regard et ma mère soupira en souriant.
— Ton père est stéril.
— Alors... François aussi ?
Ma mère hôcha la tête, une lueur inquiète sur son visage.
— Tu penses que l'on devrait le lui dire plus tôt qu'à toi ?...
Je secouai la tête, souriant doucement.
— Non, dîtes le lui quand vous seriez prêt vous. On ne le sera jamais nous.
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La fille à la jupe Orange
Short Story~ A contest short story ~ Romain, jeune collégien, à son jeune âge, n'a qu'une seule préoccupation : attirer l'intérêt et plaire à Éline, la plus belle fille de son collège. Amélie, un jeune bambin de un an et demi sur les bras, doit survenir seule...