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« Nous vivons dans un monde bien trop cruel, et si on arrêtait de croire à la magie, ça ne vaudrait plus la peine. Il faut croire en de belles choses pour être heureux. »

Dans la vie, certains s'acharnent à se faire du mal, se convainquent qu'ils ne font pas partie de ces gens qui méritent d'être heureux, simplement parce qu'ils ne savent pas comment l'être. Ils pensent qu'ils ne méritent pas une chance, qu'ils ne méritent pas d'être aimés, et même lorsqu'ils s'abandonnent à cette possibilité, la réalité ressurgit brusquement, sans prévenir, pour les frapper en pleine face, sans qu'ils ne voient rien venir. Elle les rappelle à l'ordre, leur montre qu'ils sont trop brisés, trop abîmés pour être réparés.

Riven faisait partie de ces gens-là, ceux qui ne croient plus au bonheur et qui ne s'autorisent qu'un seul bonheur : être les meilleurs, travailler avec acharnement, bien qu'isolés du reste du monde. Parce que, lorsqu'on t'abandonne, tu te poses des questions, tu te demandes pourquoi, mais la seule personne capable de te répondre est celle-là même qui t'a laissé derrière, sans se retourner. Alors tu trouves toi-même cette réponse si évidente : tu n'étais pas assez bien. Te surpasser, être le meilleur devient ton but ultime dans la vie, même si cela t'éloigne du monde.

Mais aujourd'hui, Riven ne voulait pas être seul. C'était vraiment fini avec Musa. La seule qui avait réussi à apporter une infime étincelle de lumière dans son sombre univers. Il l'avait quittée, une erreur de plus parmi tant d'autres, mais ce soir-là, il ne savait pas que c'était l'erreur de trop. Musa ne voulait plus se battre. Elle aussi, elle abandonnait... Elle l'abandonnait.

Partir gâcher le bonheur de Nabu sur Andros, avec Layla, pendant qu'il préparait ce qui serait sans doute l'un des plus beaux jours de leur vie, rien que pour parler de ses problèmes, n'était pas une option. Même pour Riven, c'était trop égoïste. Il composa le numéro de Brandon, mais tomba aussitôt sur son répondeur. Riven devina bien qu'il était débordé de travail, d'une part parce que Sky s'était absenté, et d'autre part, parce qu'il était le petit ami à temps plein de la reine des caprices.

Un instant, il songea à appeler Timmy, mais il devait sans doute être occupé à bidouiller quelque chose de brillant, et une conversation téléphonique où il aurait dû essayer de décrypter ce que disait Timmy n'aurait fait qu'augmenter sa frustration. Il appuya sur le numéro d'Helia, et au bout de la première sonnerie, il raccrocha sans même attendre qu'il réponde. Il préférait être enfermé dans un ascenseur avec Jason Queen que de subir ne serait-ce qu'une seconde à écouter les serments et niaiseries d'Helia. Il n'avait rien contre lui ; au contraire, Helia faisait partie de son cercle d'amis le plus proche, qui ne comptait vraiment pas grand monde.

Mais Helia était un éternel et incorrigible romantique, et c'était à l'une de ses soirées que tout avait éclaté. Il lui fallait du temps pour digérer cela, parce que Helia était la seule personne en dehors de lui sur qui il pouvait diriger sa colère. Il avait entendu Stella dire au loin, ce soir-là, que les œuvres d'Helia avaient été comme une illumination pour Musa. Pourquoi Helia avait-il organisé cette soirée ? Pourquoi y avait-il assisté ? C'était ces questions qu'il se posait pour échapper à la réalité, pour ignorer les vraies raisons qui les avaient conduits à cette soirée.

Riven passa une main rageuse, pleine de frustration, sur son visage, et son prochain geste fut impulsif, comme toujours : il renversa sa table. Il baissa la tête, contemplant les dégâts de son geste. C'est ce qu'il faisait de mieux, des dégâts. Son regard se posa alors sur un bout de papier, il reconnaissait déjà l'écriture tellement il l'avait fixée. C'était celle de la rouquine. Sans vraiment réfléchir, il composa le numéro et poussa un long soupir. La réponse ne se fit pas attendre : au bout de la troisième sonnerie, il entendit une douce voix agaçante à l'autre bout du fil.

Notre Chanson : Musa et Riven Où les histoires vivent. Découvrez maintenant