VI. Regrets

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- Merde mec ! Tu fous quoi là !

- Je nous sauve la vie !

Pâle, essoufflé et prit de nausées suite au sprint qu'il vient de piquer, Martin ressent à la fois le soulagement d'avoir atteint le véhicule mais aussi une profonde blessure de voir la silhouette frêle et forte à la fois disparaître peu à peu derrière eux. À la place du conducteur, James, la trentaine, fronce les sourcils sur ses yeux noirs, comme pour cacher la honte qu'il ressent après avoir abandonné cette jeune femme qui leur avait pourtant sauvé la vie. Les cheveux noirs en batailles sur sa tête de forme ovale et les dents serrées, James regrettait déjà son geste, mais pour lui une chose était sûre : ils étaient vivants, et il était hors de question de faire demi-tour pour une fille qui devait déjà être en train de se faire dévorer. Un peu dur d'esprit, le père de famille n'avait pas revu sa fille de quatre ans, qui, au moment de fuir, était avec la mère, divorcée de James. Forcément dans sa tête, les choses ont vite fait de mal tourner. Dernièrement il était sans emploi et passait ses journées au bar ou sur son canapé, buvant des bières. Heureusement, cette situation n'avait commencé que depuis une semaine, le laissant aujourd'hui dans un état physique acceptable pour une survie, sans pour autant être très musclé.

Martin, plus jeune, la vingtaine, était brun avec de beaux yeux verts qui lui avaient valu plus d'un regard charmé de la part des jeunes filles au collège ou au lycée. Avec ses bras musclés et son dos en V, il était plus impressionnant que l'homme assis à côté, sur le siège conducteur. Cependant, en étudiant dirigé sport, il avait toujours son esprit d'avant, lorsque tout était normal. Et cela avait le don d'exaspérer James, qui le considérait comme un enfant irresponsable. Martin devait bien l'admettre, s'il était toujours en vie, ce n'était que grâce à cet homme agaçant qui venait de commettre un acte horrible.

- Cette fille...

James ne prit pas la peine de réagir.

Le silence demeura dans le véhicule pendant plusieurs longues minutes. En fait, cela était fréquent, les deux homme ne se connaissaient pas avant. Mais un soir, alors que Martin tentait désespérément d'échapper à quelques zombies, il avait vu cette petite voiture noir en faucher deux avant de s'arrêter devant lui. La fenêtre côté passager s'était ouverte et James, déjà froid à ce moment, lui avait crié de monter "vite !"

Depuis, ils ne se quittaient plus. Entre temps ils avaient rencontré un vieux bûcheron du nom de Henry, celui-ci les avait accompagné près d'une semaine. Puis, un matin, au lieu de voir Henry se lever, il y avait une de ces créatures répugnante qui ne cherchait qu'à les dévorer. Le vieil homme avait l'air sympathique, pourtant il n'avait pas jugé utile de les prévenir qu'il avait été mordu au cours d'une excursion tout les trois. Évidemment, c'est James qui avait abattu le cadavre ambulant, Martin ne se sentant pas capable de briser le crâne de ce qu'il voyait encore comme étant Henry.

Bref, depuis, James avait beaucoup de mal à faire confiance à d'autres personnes. Et s'il faisait confiance à Martin, c'était probablement parce que celui-ci ne s'en sortirai jamais seul, qu'il avait besoin de James.

Maintenant calme, Martin se mordait la joue de l'intérieur en repensant au visage en détresse de la jeune femme derrière eux.

- Si on l'avait attendu, on serai mort avec elle, mon gars, dit James d'une voix qui se voulait rassurante.

- Ouai... articula difficilement Martin.

- Hé, ressaisi toi là.

- Toi ressaisi toi !

- Baisse d'un ton.

- Mais réfléchi un peu ! Il reste combien de types dans ce bordel d'après toi ?

- Écoute je compr...

- Sept milliard ? Non, il en reste plus qu'une poignée. On peut pas se permettre de penser qu'à nous !

Martin sentait ses joues s'enflammer, il sentait qu'il ne pouvait plus s'arrêter là. Mais James pris le relais :

- Et Henry ? Tu t'en souviens de ce gars qui aurait pu nous tuer ? Rêve pas gars, tout le monde pense pas comme toi, les gens veulent survivre, pas faire du copinage.

- Sauf qu'ils ne pensent pas tous comme toi non plus ! C'est pas un jeu là, on cherche pas à faire le plus de morts ! Si cette fille n'avait pas été là, on serait mort dans cette épicerie.

- Ok, vas-y, tu propose quoi ?

- Il faut être plus nombreux, s'installer, reconstruire quelque chose de concret.

- T'es sérieux ? T'as fumé quoi ?

Martin commençait à en avoir marre, plus la discussion progressait, plus le visage de James lui était désagréable.

- On est en stress permanent là, à chaque fois c'est pile ou face, autant on peut s'en tirer avec plein de provisions que le lendemain on peut se retrouver condamnés à mort dans une épicerie !

Martin resta plusieurs secondes à attendre une réponse mais James fixait la route, la bouche fermée. Martin soupira et regarda par la fenêtre, se demandant si cela servait encore à quelque chose de lutter. Puis, contre toute attente, James brisa le silence :

- Tu as raison...

Dans un crissement de pneu, la voiture tourna à 90 degré vers la gauche avant de reprendre sa course, plus rapide et confiante cette fois.

- On change de stratégie.

Une nouvelle lueur passa dans les yeux de James, qui semblait voir un nouvel horizon...





Humanité : Tome 1 - ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant