1/ "Je prierai pour que votre capsule n'atteigne jamais la Terre."

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En me réveillant, j'ai cette étrange sensation, ce doux sentiment éphémère, cette légèreté qui s'empare de moi en croyant que les récents événements n'ont été qu'un atroce cauchemar, que je vais me lever et poser mon regard sur le décors familier de ma chambre. Évidemment, cela ne dure pas longtemps, et encore une fois, la chute est brutale, douloureuse.

Les murs gris-bleu de ma cellule accueillent mon réveil. Les gardes n'ont même pas eu la décence de me coucher sur ma paillasse et je me vois contrainte de me relever péniblement du sol froid. Je suis frigorifiée, mon dos me fait atrocement souffrir, et la lumière aveuglante des néons n'aide pas à m'apaiser. Dans cette minuscule cage, il n'y a aucune fenêtre, aucun moyen de savoir quelle heure il est, si c'est la nuit ou bien le jour. J'y suis pourtant habituée : depuis presque trois mois, à chaque réveil, je suis dans cette nouvelle maison. Depuis un mois, mes seuls plaisirs résident dans mes allers et retours en direction de l'amphitéâthre où se joue la pièce de mon procès. A présent tout cela est terminé. Je ne reverrai probablement jamais ce parterre d'inconnus haineux, cette estrade qui accueillaient les érudits désignés pour statuer de mon cas, ni même la déception dans les yeux de ma famille.

Je me redresse difficilement, réprime un tremblement, et parviens à me traîner jusqu'au lit en fer. Objet froid et impersonnel, unique ornement de ma prison, faisant face à des toilettes argentées. Hormis ces deux choses, la pièce est vide. Une porte blindée fait office de barreaux, mais ne laisse filtrer aucune lumière.

Par une trappe située à sa base, on me fait glisser mes repas. C'est la seule façon pour moi de savoir à quelle vitesse les jours passent et savoir à quelle vitesse s'écoulent les heures. En règle général, elles semblent durer une éternité, alors qu'elles étaient si courtes quand j'étais chez moi.

Je baisse les yeux vers un plateau sur lequel on a jeté une infâme bouillie beige, ma ration du jour. Ici la distribution est automatique. Les prisonniers n'ont qu'une heure pour avaler la mixture avant qu'elle ne soit retirée. Il est donc impossible pour moi de savoir combien de temps j'ai dormi, si cela se compte en minutes, ou bien en jours. Ce n'est qu'en remarquant à quel point mes muscles sont anesthésiés que je comprends que la dose de calmant qui m'a été administrée était certainement suffisamment forte pour m'abrutir toute la nuit.

A contre coeur je glisse jusqu'a ma ration, obéissant aux plaintes de plus en plus insistantes de mon estomac, et dévore la purée jusqu'a la dernière bouchée et sans aucune manière. Alors même que je finis mon repas, un bruit de porte résonne. La trappe sur laquelle se trouve le plateau s'ouvre et l'aspire au loin tandis que j'avale sans savourer la fin de ma ration.

Je me souviens qu'au début, j'avais refusé d'avaler pareille nourriture. Pendant quatre jours, cette infâme purée n'avait pas franchi la barrière de mes lèvres, fermement scellées. Seulement, au matin du cinquième, ma faim avait pris le dessus et m'avait fait ramper comme si je n'avais été rien d'autre qu'un animal affamé. Voilà comment je me sentais au détour de ces longs mois de captivité : une bête. Il n'y avait rien d'humain dans leur façon de traiter leurs prisonniers en attente d'un verdict. C'est comme si ces quelques mois de captivité avaient effacé des années de bon traitement pour ne plus laisser que les mauvais souvenirs.

A nouveau ce son strident. La porte blindée s'ouvre et je vois apparaitre deux gardes, les visages toujours dissimulés sous des casques aux visières tintées. On dit que leur travail est étrangement similaire à celui des bourreaux de l'ancien temps, alors, comme eux, ils dissimulent leurs traits pour ne pas subir de représailles. Autrefois, quand je faisais partie de ceux qui n'avaient rien a cacher, je trouvais cela tout à fait normal, mais à présent je n'ai qu'une envie : leur sauter à la gorge pour leur arracher ces casques, symbole même de leur couardise face à une adolescente droguée et enchaînée.

OmegaWhere stories live. Discover now