18/ "La pluie de projectiles"

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Kali et Nyco m'avaient réservé un wagon près de la Seine pour la nuit. Une chambre somme toute sommaire mais avec le strict nécessaire : un lit, un fauteuil, une lampe et une guirlande ainsi que quelques babioles. J'avais commencé par m'intéresser à un yoyo, sans pour autant réussi à le faire fonctionner, puis un rubik's cube avant de m'énerver. J'avais enfin terminé ma ronde en observant les ténèbres qui envahissaient la forêt alentour.

Assise sur le couvre lit, je remarque que le soleil ne va pas tarder à se lever. Je bondis alors de ma place et sors discrètement de la station de métro. Les fouines dorment à poings fermés, Kali dans son wagon et Nyco affalé sur un des canapés. Je me déplace à pas de loup, franchit avec de grandes précautions les tourniquets du métro avant de gravir les escaliers qui vont me conduire jusqu'au Trocadéro. En courant à en perdre haleine, je longe ce dernier sans pour autant m'y arrêter et continue à suivre le lit de la Seine.

Lorsque je vois les premiers rayons du soleil éclairer le sommet des arbres, j'accélère l'allure et ne tarde pas à atteindre le pont Alexandre III. Eclairé par la douce lueur orangée de l'aube, la construction rayonne de toute sa splendeur d'antan. Trois chevaux ailés déploient leurs ailes cuivrées tandis que le quatrième forme une barrière entre la rive droite et la rive gauche. Non loin de là, dans les ruines du Grand Palais, et ce qu'il reste du petit, des éclats de voix me font sursauter. L'endroit doit être occupé par une bande de Paris. Je recule donc prudemment et rase les balustrade du pont pour rester le plus longtemps possible à couvert.

Un mouvement près du pégase couché sur son flanc attire mon attention. Je lève le nez et aperçoit deux silhouettes. Non sans une certaine hésitation et appréhension, je finis par me diriger vers eux. Myrah et Leho m'attendent, adossés au cheval, bras croisés sur la poitrine. La jeune femme ôte lentement le capuchon qui masque sa cicatrice et braque ses grands yeux sur moi. Je subis alors son examen sans ciller. Je ne veux pas montrer de faiblesses, devant ces criminels, cela aurait été risqué.

_ Tu les as trouvés ? Me demande Myrah tout bas.

Je réponds aussitôt d'une voix assurée :

_ Je les ai infiltrés.

Elle arque un sourcil, visiblement dubitative. Un coup d'oeil en direction de Leho puis elle reviens vers moi en plissant les paupières.

_ En à peine quelques heures ? Vraiment ?

_ Tu doutes de mes capacités ? Je rétorque vivement. Alors pourquoi m'avoir envoyé là-bas ?

_ Non on ne doute pas de toi, commence Leho pour me calmer. Seulement c'est bizarre que Kali te laisse aussi facilement entrer dans sa bande. Je suis certain que toi aussi tu as du trouver ça étrange. Après tout, c'est logique que tout le monde soit sur les dents ici. On ne peut faire confiance à personne...

Comme tu dis, je grince dans ma tête. Mais je me retiens de répondre d'un ton acerbe et ravale mes paroles désobligeantes.

_ Raconte, m'intime alors Myrah en faisant un pas en avant. Ils t'on emmené à leur camp ?

J'opine du chef tout en m'empêchant de dire qu'il est beaucoup mieux aménagé que le leur.

_ Et alors ? Continue-t-elle de plus en plus excitée par mes aventures. Est-ce que le tunnel est bouché ? Celui qui conduit au Labyrinthe ?

_ Le labyrinthe ? Je reprend sans comprendre.

_ Elle fait allusion aux couloirs du métro, explique Leho. Les bagnards appellent ça comme ça maintenant. C'est plutôt un véritable coupe gorge si tu veux mon avis.

J'hausse alors les épaules. Je n'ai pas vraiment fait attention au tunnel, mon regard étant plus concentré sur la vue et sur l'incroyable décoration de la station de métro.

_ Je n'ai pas eu le temps de...

_ Et leur nombre ? Me coupe Myrah. Ils sont combien ?

La rapidité de ses questions me décontenance quelque peu mais je parviens à garder mon calme et mon air impitoyable que j'avais travaillé tout le long du chemin.

_ Je n'ai vu que Kali et Nyco...

_ Son chien de garde pyromane, s'exclame-t-elle derechef. Et les autres ? Ils étaient où ?

_ Je ne...

_ Et leurs armes ? Où les planquent-ils ?

_ Myrah ! Hurle soudain Leho pour rappeler la jeune femme à l'ordre. Swan a du rester avec les fouines à peine quelques heures, laisse lui le temps de découvrir toutes ces informations pour nous. Elle a déjà infiltré leur bande, c'est un grand pas en avant, ne pressons pas les choses.

Mes yeux font la navette entre le visage parfaitement calme de mon ancien petit ami et celui crispé de la chef de groupe. Je n'aurai jamais pensé qu'elle était du genre à perdre aussi facilement son sang-froid. Quelque chose clochait... Si elle voulait tant que ça faire tomber les Fouines, ce n'était pas uniquement parce qu'elles les doublaient sur certaines missions de récupération de vivres. Il devait y avoir autre chose derrière. De plus, je pensais que Myrah avait le dessus sur tous les Obélix et Goliath de son groupe, mais sa relation semblait différente avec Leho. Plus d'égal à égal.

Ce dernier pose ses mains autours des épaules de la criminelle, puis fais mine de tourner les talons avant de se rapprocher de moi.

_ Fais attention s'il te plait, murmure-t-il à mon oreille, je ne veux pas que quelque chose t'arrive. On se revoit dans deux jours.

Puis, sur ces mots, il disparait avec Myrah derrière le pégase effondré. Désormais seule sur le pont, je laisse mon esprit réfléchir à ce que je viens de voir. Je n'arrive plus à savoir si Leho cherche à me protéger ou simplement se servir de moi comme il doit le faire avec tous ceux qu'il croise. Contrairement à ce que j'avais cru lors de nos premiers mois de relation, c'était l'un des plus grand manipulateur qui m'ai été donné de rencontrer. Malgré cela, je l'avais aimé à la folie. Avant et pendant de nombreuses trahisons et coups dans le dos, jusqu'a la plus terrible d'entre elles. Je ne pouvais pas m'octroyer le luxe de lui faire confiance, mais au fond de moi j'espérais quand même que les quelques années passées sur Terre l'avait changé.

Je fais demi-tour pour rentrer à Passy et me fige : devant moi, deux géants me font face, des torches à la main, un flingue et une épée dans l'autre.

_ Ici c'est chez nous, gronde l'un d'eux. Qu'est-ce tu fais chez nous ?

Je balbutie quelques mots tout en reculant. Je n'arrive plus à réfléchir, mes pensées sont uniquement bloquées sur le fait que je pourrais difficilement être plus malchanceuse. Alors que les deux taureaux s'apprêtent à charger dans ma direction, une nuée de flèches en métal vient s'abattre à leur pieds, les stoppant net dans leur élan.

Instinctivement, je me replie sur moi-même et couvre ma tête de mes bras tandis que la pluie de projectiles redouble d'intensité. A l'instar d'animaux apeurés, mes agresseurs reculent avant de contre-attaquer. Comme le propriétaire du fusil tire dans tous les sens pour riposter, une violente douleur me foudroie.

Je laisse sortir de ma gorge un cri strident alors que du sang commence à se déverser de ma blessure et maculer ma veste.

OmegaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant