Chapitre 1

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Ce matin là, Lucy se réveilla avec laboule au ventre. En effet, elle devait mourir ce jour là.

Chaque année, ils désignaient 2jeunes filles du même âge a offrir en sacrifice aux dieux. Enfinaux dieux... Quels dieux pourraient être assez cruels pour condamnerdeux jeunes filles qui n'ont absolument rien fait juste pour leur bonplaisir ? Elle ne les considérait pas comme les siens depuis bien longtemps,depuis que, par leur faute, elle avait perdu sa sœur aînée, Lola. Apartir de ce jour, elle avait compris qu'ils se fichaient absolumentde tout. « Enfin non, juste de nous, leurs «petitescréatures chéries dont ils prennent grand soin » »,pensait-elle souvent. Comment peut-on leur rendre un culte à eux quidétruisaient leurs familles, leurs rêves, leurs vies ? Quimaintenant ne souhaitait pas avoir un garçon plutôt qu'une filledans la peur de la perdre ? Et surtout que ressentaient lespersonnes qui perdaient à la suite deux de leur enfants oudevrais-je dire leurs deux seuls enfants ? Ses parentsressentaient cela. Ils savaient que la vie s'acharnait sur eux. Deuxfois le petit papier du tirage au sort les avait fait souffrir. Deuxfois seulement, mais deux fois de trop. Et par deux fois aucunerévolte. Par deux fois, aucuns cris, aucune protestation. Par deuxfois, des pleurs et des pleurs. Par deux fois un effondrement total,un manque de vigueur, une perte de volonté de vivre. Par deux foisdeux humains effondrés sous les yeux de leur petite filleimpuissante, se débattant sans succès contre cette terriblefatalité. Pourquoi? Demandez-leur ! Quevous répondraient-ils ? Allez savoir. «C'est pour lagloire des dieux » ou «C'est une fatalité qu'il fautaccepter avec joie, quel honneur ! » Enfin quelque chosedans le genre... Vous vous demandez peut-être qui se cache derrière ce "ils". C'est le gouvernement, ce sont lesprêtres et prêtresses. Ce sont les chefs de village. Et ce sont les dieux eux-même.

Cette année, donc, c'était elle quiavait été «joyeusement » élue pour se jeter «toutheureuse » dans la «glorieuse » Fosse des dieux.Cette immense crevasse était, selon les rumeurs, tapies de pieux acérésqui embrochaient les élues juste avant de toucher le fond. Mais elleétait tellement profonde que l'on ne pouvait pas réellement savoir.C'était peut-être une des seules choses qu'elle croyait à cesujet ; il valait mieux s'attendre au pire.

Deuxpersonnes doivent donc chaque année se jeter dans la fosse. Et bien,l'autre jeune fille devant se jeter avec Lucy dans cette fossemeurtrière était, par le plus grand des hasards, sa meilleuresamie. Comment pouvait-il en être autrement ! Pour elle, c'étaitcomme si l'on remuait le pieu enfoncé dans sa poitrine. Si cen'avait été qu'elle, peut-être l'aurait-elle accepté. Mais là,ce maudit tirage au sort les avait désignées toutes les deux. Où était la justice et la joie dans tout cela ? L'avaient-ils faitexprès ? Tout le monde dans la village savait qu'elles étaientcomme les deux doigts de la main. Mais malgré ça...

C'était la prêtresse qui faisait lestirages mais elle la soupçonnait de tricher. C'était bien trop louche !C'était bien trop injuste que le même jour on doive couper deuxdoigt d'une même main; bien trop injuste que ses parents, despersonnes exemplaires aient a subir deux fois cette épreuve... Cela lui faisait mal au cœur. Le jour de l'annonce, Julie, la meilleure amiede Lucy, s'était effondrée. Cette dernière était trop abasourdiepar ce qu'elle venait d'entendre. Les larmes lui montaient lentementaux yeux. Un cri voulait sortir de sa bouche mais il était bloquépar la boule qui s'était formée au niveau de sa gorge. De toutemanière qu'aurait-elle pu faire ? Qu'aurait-elle pu dire ?Elle tremblait. Et elle n'était pas la seule : ses parentstremblaient eux aussi. Qu'avaient-ils ressenti en apprenant lanouvelle ? Du désespoir ? De la désillusion ? De latristesse ? De la rage ? Qui sait.

«Lucy,il faut te préparer. » luidit une voix douce. Ellereconnut immédiatement la voixchaude et réconfortante de samère. Elle souffraitetLucyle voyait,même si elle le cachait.Ellese levalentement. Très lentement. Elleétaitcalme. Non, ellene l'était pas.Ellene ressentaitjuste plus rien. Elleavaitdéjà trop ressenti. Ellene pensaità rien, juste a selever.

«Lucy... » lui dit sa mèresur le point de pleurer tandis qu'elle se dirigeait comme un pantinvers la salle de bain. Ce fut comme un espèce d'éclair dans la tète de cette dernière. Elle se retourna et lui sourit.

«Tout va bien ! Net'inquiète pas !» dit-elle d'une voix faussement enjouée.Et elle alla donc dans la salle de bain. Elle se lava et restalongtemps dans l'eau chaude. De l'eau coulait sur son visage maiselle n'aurait pu dire si c'était des pleurs ou de la sueur due a lachaleur. Elle faisait le vide dans sa tête et se laissait emporterpar l'engourdissement progressif de son cerveau. Elle entendait lebruit répétitif de la goutte d'eau qui coulait du robinet malfermé. Elle ressentait le mouvement de l'eau contre sa peau dû auxrespirations régulières de son corps. Elle sentait le douce odeurde l'eau parfumé. Elle était coupée du monde. Elle se délectaitdu dernier instant de paix qu'elle pouvait avoir.

Mais comme tout moment a une fin, laboule qui lui serrait la gorge revint et elle fut obligée de revenira la réalité. Elle sortit donc de son bain et observa, le regardhagard, la robe blanche et pure qu'elle avait si souvent vue sur lesjeunes filles disparues durant les seize courtes années de sa vie.Comment pouvait-elle réaliser que c'était aujourd'hui à elle deporter la tenue sacrificielle ? Après quelques minutes, elle sedécida enfin à la revêtir. Elle alla trouver sa mère, laissantdes traces de pas mouillés derrière elle. Elle sentait l'eaudégouliner le long de ses jambes. Sa mère allait encore êtremécontente ; elle avait encore une fois trempé la maison.C'était une mauvaise habitude qu'elle avait prise et qui lui avaitvalu de nombreuses remontrances. Elle la trouva dans sa chambre,assise à son bureau, regardant quelque chose qu'elle ne pouvaitvoir, se trouvant derrière le mur devant elle. A quoi pensait-elle ?Sa pauvre et gentille maman. Que de peine avait-elle pour elle.

«Viens ici ma chérie »lui dit-elle. Elle s'assit donc sur la chaise et sa mère commença àla coiffer tendrement. Elle était d'une telle douceur dans sesgestes que malgré elle Lucy pleurait. Elle sentait que sa mèreaussi car ses gestes étaient saccadés. Lorsqu'elle eut fini, safille se leva et la serra dans ses bras. Elle essayait de tout sonêtre de la réconforter Mais comment faire ? Elle aurait aimélui dire que tout ce passerait bien mais elle savait que c'étaitfaux. Elle allait mourir un point c'est tout. Elles restèrentlongtemps comme cela, très longtemps. Puis la mère l'emmena devantla glace. Là, elle vit une jeune fille ni trop grande ni troppetite, à la peau blanche comme la neige et aux cheveux d'ébènequi, contrairement a Blanche-Neige, étaient longs, lâchés encascade sur ses épaules. Ses yeux légèrement en amandes étaientrougis par des anciennes larmes. Ils étaient gris pâles commel'aube d'un matin d'hiver. Ses lèvres étaient roses et pulpeuses.Sont nez était légèrement retroussé. La fille du miroir,  c'était elle.

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Voilà le premier chapitre! C'est la première fois que j'écris une fiction donc soyez indulgents! 

Au départ je l'avais écrite à la première personne du pluriel mais j'ai changé d'avis il y a quelques temps. 

Pour ceux qui liront ce chapitre merci de votre temps! 

Voilà voilà



La Guerre des OmbresWhere stories live. Discover now