La Guerre des Ombres

Chapitre 3

Il se tenait là, devant elle, petite humaine frêle et impuissante. Elle avait été sacrifiée, il le savait. En fin de compte, il trouvait cela presque amusant. Mais ilétait trop étonné pour pouvoir rire. Elle était vivante et ça,c'était la chose la plus incroyable qu'il avait pu voir au cours deson existence. C'était presque divin. Il rit sarcastiquement. Divin.Ce mot sonnait faux dans sa bouche. « Ce sont eux les démons,pas moi ! Pas nous ! Ce sont eux qui obligent des personnesà se sacrifier pour leur bon plaisir. » pensait-il.

Quand il les avait vues tomber toutesles deux, crier comme cela, et souffrir autant, il avait presque étéattendri. Les démons n'étaient pas sensés être comme cela. Leurréputation était de faire le mal en toute circonstance, pas des'attendrir devant de pauvres fillettes. Il se promenaittranquillement. Quand il les avait entendues, il s'était dirigévers elles. La première était blonde. Elle était empalée sur undes nombreux pics. Il pouvait lire la terreur dans ses yeux révulsésainsi qu'une terrible désillusion. Sa bouche était ouverte commepour laisser échapper son âme par un dernier soupir. Tombée sur le dos, elle étaitcambrée, la tête tournée vers le soleil. Sa robe blanche déchiréecontrastait avec le sang qui la tachait. Ses cheveux blonds cendréss'accordaient magnifiquement avec le tableau. Tout était d'une doucehorreur.

Il resta à la contempler ainsi pendantquelques minutes lorsque il se souvint qu'elle n'était pas seule. Ilquitta donc ce spectacle macabre pour en rejoindre un autre.

Il arriva sur les lieux de sa chute.Elle aussi était couverte de sang, elle aussi avait la bouche grandeouverte. Mais il y avait une différence. Sa bouche était grandeouverte pour chercher de l'air. Elle n'avait pas été empalée commesa semblable. Les dieux ne voulaient-elle pas d'elle ?

Illa vitentrouvrir difficilement les yeux. Inconsciemment, ilretenaitsarespiration comme pour lui laisser de l'air à elle qui en avait plusbesoin. Elle était crispée de partout et devait souffriratrocement. Étrangementilne s'endélectait pas. Ilétaitpris d'un sentiment nouveau. Était-cede la pitié? Ilne pensait pas que ce fût cela.Ou du moins il espéraitque non.Ses yeux étaient plus expressifs que n'importe lesquels. J'ai mal,sauvez-moi, achevez-moi, aidez-moi. Voici ce qu'ilcomprenait.Ses yeux entrouverts essayaient d'échapper à la lumière tropforte. Ils bougeaient à la recherche de quelque chose de plusfamilier. Elle levit. Une larme s'échappa de son œil comme une dernière espérance,unedernière requête.

«Sauve-moi ! »implorèrent ses yeux juste avant qu'elle ne perde connaissance.

Maintenant il était là, devant cecorps à moitié en vie qui ne demandait qu'à être soigné. Ilétait assis sur un rocher devant elle ne sachant que faire. Lasauver ? Lui un démon ? Quelle idée bizarre ! Il nesavait rien d'elle ! Et il avait une réputation à tenir. Et sielle était destinée à devenir un démon ? Serait-ce unsigne ? Dans ce cas là, c'était son devoir de l'emmener. Maiselle ne lui inspirait pas confiance. Ou peut-être n'avait-il pasconfiance en lui-même... Que devait-il faire ?

«Qu'est-ce qui te perturbe commeça ? » dit une jeune fille aux cheveux rouges comme lesang en le faisant sursauter.

«Ah tu es là ? Rien je l'observeagoniser lentement jusqu'à ce qu'elle meure, » répondit-il

«Pourquoi tevoiles-tu la face ainsi, Caleb ? A quoi ça te sert ? Faisce que ton instinct te dit de faire. Sauve-la ! »

«Maisje n'ai aucune raison ni envie de lui sauver la vie ! »s'écria-t-il

«Alors pourquoirestes-tu ainsi devant cette belle brune aux bois dormant ? »

«Jene sais pas... » avoua-t-il

«Sauve-là. Je dirai que je t'yai obligé. Tout le monde me croira. »

« Ouien effet... Despote ! S'exclama-t-il en riant légèrement. Jene veux pas spécialement la sauvermaiselle m'intrigue. Ils n'ont pas pris son âme. Je ne comprends pas.N'est-elle pas assez bien pour eux ? Elle est pourtant assezbelle pour leursattentes ! »

«Moiaussicelam'intrigue...Peut-être que tout est lié avec ça.Demandons-lui, peut-être qu'elle saura. »

«Bonne idée. »

C'est sur ces derniers mots qu'il pritla jeune fille dans ses bras et qu'ils s'envolèrent à l'aide deleurs grandes ailes noires.