Chapitre 2

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Lucy était au bord de la fosse. Elle avait déjà dit adieu a toutes les personnes qui lui étaient chères. La boule qu'elle avait en travers de la gorge avait triplé de volume. Elle se sentait mal, très mal. Elle avait envie de vomir, sa vue était légèrement embrumée. Elle avait peur,terriblement peur. Qu'y avait-il réellement après la mort ? En tout cas elle espérait seulement que cela ne serait pas trop douloureux...

Elle pouvait voir Julie qui priait calmement. Elle se demandait comment elle arrivait à être aussi sereine que cela. Ses cheveux dorés volaient dans le vent. Les rayons du soleil dansaient avec ses mèches. Elle était si belle...Lucy pouvait entendre des pleurs derrière son dos. Juste des pleurs. Elle se figurait sa mère dans les bras de son père en train de pleurer pendant que celui-ci, l'air grave, contemplait pour la dernière fois l'unique fille qui lui restait. Lucy pleurait elle aussi mais silencieusement. Elle ne pensait qu'à ce qui l'attendait.Cela pouvait peut-être paraître égoïste mais elle ne pensait qu'à cela. Comment penser a autre chose quand tout vous le rappelle ?Les pleurs, le ravin, la prêtresse, cette robe trop blanche, cette Julie trop sereine et ce ciel trop bleu pour une horreur de ce genre .

«C'est le moment. » dit la prêtresse sans la moindre émotion. Elle faisait presque rire Lucy à ce moment précis, si sérieuse mais ne comprenant rien de la situation ni de la douleur des familles. Elle la haïssait pour tout ce qu'elle faisait. C'était le mal ! Encapuchonnée dans une cape violette, couleur de mort qui lui allait si bien, on ne pouvait distinguer son visage. Hypocrite et malsaine était tout ce qu'elle était a ses yeux. Mais comment pouvait-elle être aussi insensible ?Elle ne comprenait pas. Peut-être ne pouvait-elle tout simplement pas comprendre. C'était ainsi.

«En ce beau matin de l'an 1639 de la Terre Bénie, sont sacrifiées en l'honneur de nos dieux bien aimés Hécaz, dieu du ciel, Cypra, déesse de la nature, Pyrens,dieu du feu et Hydrealie, déesse de l'eau, les heureuses élues Julie et Lucy. Puissent-elles honorer nos dieux de la meilleure façon possible et les servir maintenant et dans l'au-delà. Prenons un temps de silence pour accompagner leurs âmes à la béatitude du sacrifice. »

Blablabla blablabla... Que de belles paroles pour pas grand chose... Deux mortes, voilà tout ce qu'elle aurait sur la conscience. Ce temps de silence parut extrêmement court à Lucy. Tout le monde s'était tu y compris les pleurs incessant derrière son dos. Un poids s'enlevait petit à petit de sa poitrine,une douce chaleur s'y immisçait. Peut-être était-ce cela la force de la prière et de l'amour de proches. Trop vite cela fut fini. Trop vite le poids revint. Trop vite l'oracle dit cette phrase fatale : «Ô puissants dieux, acceptez ces offrandes. »

Elle regarda Julie, celle-ci fit de même. Et c'est ensemble, qu'étendant les bras, elle sautèrent dans le fosse des dieux.

Pourriez-vous imaginer la sensation d'une chute dans un gouffre sans fond ? Fermez les yeux. Une peur effroyable vous prend les entrailles. Vous avez beau crier, rien ne sort. Vous pouvez sentir le vent vous griffer la peau comme essayant sans succès de vous rattraper. Vous ouvrez les yeux. Vous voyez le sol, loin, très loin, qui pourtant s'approche bien trop vite tout en laissant à un vent traître le temps de vous broyer les os en vous projetant contre la paroi. Vous tournez sur vous même,vous cognant contre la roche coupante. Vous entendez un cri déchirant, un cri terrible qui vous glace le sang avant de comprendre que c'est le votre qui résonne. Enfin vous pouvez apercevoir les pics tranchants qui vous font face sur le sol. Vous réalisez l'horreur de la situation : mourir embrochée par un de ces vulgaires tranchants. Vous abandonnez tout espoir de vivre et vous refermez les yeux. Vous avez déjà trop souffert durant cette longue et interminable chute. Votre vie défile en entier derrière vos yeux clos. Vous vous dites que c'est pour le mieux et vous espérez presque mourir avant la fin. Vous êtes presque apaisé. Vous acceptez le destin.

Un choc. Retour brutal à la réalité. Une douleur lancinante lui parcourut l'échine. Elle était tombée sur le dos. Comment pouvait-elle encore être en vie? Personne ne peut survivre à une telle chute. Elle entrouvrit légèrement les yeux. Le soleil brillait trop fort. Elle ne distinguait presque rien. Sa vue était embrouillée. La seule chose qu'elle pouvait voir était une forme noire et obscure, un ange aux ailes d'ombre.


La Guerre des OmbresOnde histórias criam vida. Descubra agora