Le secret de Dumbledore

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Mars approchait et l'humeur du Maître des potions était en parfaite harmonie avec le ciel perpétuellement grisâtre et le crachin glacé qui frappait les vitres avec une constance décourageante depuis des jours, transformant les alentours du château en bourbiers. Ses recherches n'avançaient pas, et se replonger dans ses grimoires l'épuisait. Vaincre l'addiction que provoquait la Magie noire lui avait naguère demandé des efforts considérables, et sa plus grande peur était de rechuter. Bien que l'accoutumance la plus profonde soit plus provoquée par la pratique des sortilèges noirs, qu'il n'utilisait que lorsqu'il ne pouvait pas les éviter sans se faire remarquer, que par la théorie, celle-ci n'était pas non plus inoffensive. Il en avait autrefois fait l'amère expérience. Merlin en soit loué, Voldemort avait assez d'exécutants des basses œuvres dociles et enthousiastes pour que ses propres activités soient la plupart du temps limitées à l'espionnage et aux potions. Il dosait avec minutie ses temps de lecture, épuisant ses forces à contraindre sa volonté à résister au désir irrépressible d'aller toujours plus loin. A résister à l'emprise que les Arts sombres finissaient par exercer immanquablement sur l'esprit de ceux qui les étudiaient, et qui, lorsqu'elle échappait au contrôle, finissait par détruire toute humanité en eux... Et pestant sur le retard que cela lui faisait prendre. D'autant qu'il avançait à l'aveuglette, Dumbledore refusant obstinément de lui parler de cette partie de son 'travail' avec Potter.

Il comprenait le point de vue du vieil homme, et il savait que le refus de ce dernier de lui donner plus d'éléments n'était pas dû à un manque de confiance en lui. Il était assez logique pour reconnaitre le bien-fondé de son raisonnement. Malgré ses dons exceptionnels d'Occlumens, il n'était pas à l'abri d'une séance de torture de trop, ou trop forte, qui finirait par avoir raison de ses boucliers mentaux. Aucun des serviteurs du Seigneur des ténèbres ne l'était, il suffisait que le Maître soit de mauvaise humeur pour que sa colère s'abatte sur celui qui avait la malchance d'être près de lui à ce moment-là. Les plus chanceux avaient droit à un Avada Kedavra. Rapide, propre et net, les autres... D'autant qu'avec le travail de sape de Bellatrix, il était de plus en plus exposé à être un de ceux-là.

Il reconnaissait donc que Dumbledore avait raison d'être prudent et de ne pas 'vouloir mettre tous ses œufs dans le même panier, surtout lorsque ce panier était aussi souvent suspendu au bras du mage noir', comme il disait. Mais il en était tout de même irrationnellement blessé, et depuis quelques temps, leurs échanges s'en ressentaient.

Parallèlement à ses recherches, il surveillait toujours Draco, malgré les précautions prises par le garçon. L'adolescent lui avait même, sans le savoir, singulièrement facilité la tâche. Il avait en effet fini par démissionner de l'équipe de Quidditch dans laquelle il ne faisait plus de toute façon que d'éphémères apparitions, et profitait du temps autrefois consacré aux entrainements pour continuer son travail sur l'armoire. En conséquence, ses disparitions étaient désormais relativement planifiées, et Severus s'était plus d'une fois dissimulé dans la Salle sur Demande avant son arrivée, pour pouvoir suivre au plus près l'avancée des opérations.

Depuis qu'il avait réussi à faire transiter la pomme, il semblait piétiner sur place. Il avait fait plusieurs essais avec des oiseaux ou des souris, qui s'étaient à chaque fois terminés par la mort de l'animal. Les larmes du jeune Mangemort lorsqu'il ramassait délicatement les petits corps inutilement sacrifiés, les caressait avant d'aller -il l'avait suivi- les enterrer en cachette dans le parc, alors qu'il aurait pu s'en débarrasser beaucoup plus discrètement, lui avaient confirmé qu'il n'avait décidément rien à faire dans l'entourage de Voldemort. S'il éprouvait des remords après la mort de ses cobayes, jamais il ne pourrait tuer un être vivant de ses mains et de sang-froid, et encore moins un être humain. Il ne donnait pas cher de sa vie à brève échéance, et, conséquence directe du Serment qu'il avait prêté, de la sienne.

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceWhere stories live. Discover now