Alpha: La Forge de La Destinée

Chapitre 1 : Causes et Conséquences 1/6

Yaksha Dattatreya

Terre : Londres, 8h55.

-C'est votre dernière chance, Yaksha, lui susurra la voix désincarnée à l'oreillette. Si vous ne remplissez pas cette mission nous détruirons vos drones ainsi que votre fichier personnel. Vous serez radiés et comme le stipule votre contrat, vous disparaitrez.

L'homme au teint sombre écoutait attentivement les instructions qui emplissaient son crâne comme autant d'épreuves à surmonter pour espérer survivre.

Adossé à un fauteuil dépareillé, dans son petit appartement, à peine meublé dont la lumière vacillait depuis plusieurs semaines, il tentait de se donner le plus de contenance possible avant de répondre.

Et dire que quelques mois auparavant, on le contactait encore avec des véritables voix et non pas des messages informatiques transmis par des intelligences artificielles.

-J'ai compris, Contrôle, finit-il par éructer, masquant autant que possible sa rancœur. J'active immédiatement le protocole. Ce coup-ci je n'échouerai pas.

Il se gratta inconsciemment l'arrière de la nuque en évitant de toucher à la puce dont la présence était masquée par des cheveux longs et sales.

Un court silence, caractéristique du traitement de l'information par un serveur distant, spécialisé dans les tractations avec des gens...des gens comme lui...

La lumière faiblissait au plafond et jetait des ombres sur les murs craquelés, en particulier celle de sa silhouette légère qu'il traîna jusqu'au coin cuisine, pitoyable abreuvoir garni de quelques étagères où s'entassaient des boites vides ou périmées. Il chercha, en vain, une bouteille dans ce qui lui tenait lieu de réfrigérateur et finit par se rabattre sur un verre à moitié vide sans se soucier de la nature du liquide qu'il ingérait.

Une grimace plus tard, il tourna les talons et se dirigea vers le seul élément de ce taudis qui faisait sa grande fierté : le caisson sensoriel de commande des drones.

De la fenêtre il pouvait apercevoir les immeubles du quartier qui s'entassaient, boursoufflant le paysage de leur misérable présence. La crasse avait chassé la saleté, la pénombre le soleil, la misère l'espoir.

La voix féminine reconstituée coupa le cours de ses pensées :

-Nous vous envoyons les coordonnées de l'intervention. Agissez immédiatement.

Puis, plus rien.

Yaksha désactiva l'oreillette qu'il posa dans un cendrier, au milieu d'un tas de mégots qu'il n'avait même pas fumés, restes de sa dernière conquête, partie sans un regard en arrière, ne laissant pas même une odeur de parfum en fuyant.

Tout ceci lui importait peu, cependant, il commençait à sentir les frémissements de plaisir, préludes à sa connexion neuronale avec la machine.

Le caisson recouvert d'aluminium brossé et parfaitement entretenu tout au long de ces années de service ouvrit sa porte, lui laissant l'accès au coffrage interne, le cercueil, pour les initiés. Il y avait juste assez de place pour s'y placer verticalement et, tandis que la machine le sanglait automatiquement, des vérins attrapaient mains et jambes pour les emprisonner, il récita sa prière rituelle :

Je vous suis reconnaissant de l'amour que chacun m'avez démontré,

Maintenant, il est temps pour moi de voyager seul.

Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.

La confiance vous apportera paix et consolation.