Prologue : Cauchemars.

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«AAAAAAAHHHHHHHHH !!! ». Je me réveille en hurlant. Je suis en nage. De la sueur froide coule le long de mon dos. Mon pyjama est trempé, et mon front est parsemé de perles de transpiration. J'inspire profondément pour tenter de me calmer. Je me retourne vivement et vérifie que Lucie est bien là. C'est le cas. Son petit corps frêle forme une longue bosse sous sa couette épaisse. Ce n'était qu'un cauchemar... un simple cauchemar...J'ai peur. Je meurs de soif. J'ai chaud, trop chaud. Mon sweat me colle à la peau, et mon legging ne fait qu'un avec mes jambes. Je me glisse hors de ma couchette et descends le long de l'échelle qui nous relie, Astrid et moi. J'aperçois ses mèches de cheveux blonds en bataille dépasser de ses draps. Sa respiration est calme et tranquille, à l'inverse de la mienne qui est saccadée et bruyante, à cause de la peur du cauchemar. Je tourne la tête de l'autre côté. Jeanne est aussi dans son lit. Tout est normal. Le contact du carrelage frais me soulage. Sans bruits, je sors du dortoir. J'entrouvre la porte. Je respire l'air frais du couloir. Je le traverse rapidement, parce que Mme Jean ne doit pas être bien loin ; c'est son tour de garde. Je ne tiens pas à être punie publiquement, comme Orsay l'a été, le mois dernier.

Je frissonne en me remémorant son visage clair déchiré par la douleur. Elle était rouge. Bien trop rouge. Ses cheveux noirs de jai d'ordinaire si lisses et propres, ne formaient plus qu'une boule de noeud qui pendait lamentablement contre sa nuque. Elle était revêtue d'une tunique noire, comme toutes les condamnées à mort du camp. J'étais debout dans les gradins de l'amphithéâtre, au milieu de toutes les personnes présentes au centre, allant des enfants internés ici aux cuisiniers responsables des repas matinaux. Elle m'a regardé, du haut de l'estrade. Une dernière fois. J'ai senti son regard s'accrocher au mien, comme si c'était son dernier espoir. Pourtant, elle savait que je ne pouvais pas la sauver. Je sais me battre. Je suis agile et souple. Mais je ne pouvais pas rivaliser avec Mme Jean et tous les surveillants. On m'aurait tué. Je me devais de rester debout sagement dans ces gradins, à regarder patiemment ma camarade se faire flageller à mort sous mes yeux impuissants. Orsay le savait. Alors pourquoi ? On aurait presque dit que sa propre mort l'importait peu, qu'un évènement bien pire allait se produire. Elle m'a seulement hurlé : « Ma table de nuit, Amy ! », avant de s'écrouler, atteinte par une balle sencée mettre fin à ses souffrances. Je me demande bien ce que cela signifie.

Je me rends compte que plusieurs larmes ont coulé le long de ma joue. Encore. C'est la deuxième fois depuis qu'elle est morte. J'ai pleuré lorsque je suis rentrée dans ma couette, le jour de sa punition. Je ne pouvais pas me permettre de pleurer en public. Tout le monde compte sur moi ici. Moi en particulier. Je m'essuie vivement les joues du revers de la main. Mes cheveux sont emmêlés, me tombent devant les yeux et je n'arrête pas de replacer une mèche rebelle derrière mon oreille. Je dois avoir une tête à faire peur. Mes cernes seront encore plus marquées que les autres jours demain. Je remercie le manque de lumière à cet instant précis.

Je me retourne, croyant avoir entendu un bruit. Heureusement, je me suis seulement pris les pieds dans des fils électriques. Des fils électriques ? Que font-ils là ? Le bâtiment est impeccablement rangé. Tous les recoins sont inspectés en permanence par les Specials. Les Specials. Je frissonne. Ma fièvre de toute à l'heure s'est totalement évaporée.Intriguée, je décide de suivre ces câbles.

J'arrive devant une grande porte imposante. Je ne l'aie jamais vue. Malgré la pénombre, je distingue la poignée. C'est étrange. Je froncé les sourcils dans l'obscurité de la nuit. Si je n'ai jamais vu cette porte, c'est qu'elle est interdite. Le réglement interieur établi par Mme Jean stipule que personne ne doit s'aventurer en terrain inconnu sans être accompagné d'un Special. Peut-être que des nuages radioactifs sortent de la poignée si on la touche. Mme Jean serait capable de telles atrocités. Les fils doivent être chargés de transporter le gaz mortel qui asphyxie ceux qui s'aventurent un peu trop loin dans le bâtiment . Malgré la brume de sommeil qui enveloppe mon esprit, je commence à comprendre. Cette poignée est un piège. Elle est bien trop évidente. Si cette porte est vraiment interdite, elle ne peut pas s'ouvrir aussi facilement. Je fais donc demi-tour, le coeur battant. Je reviens dans le couloir principal, en prenant garde de ne pas toucher les fils. Mes pieds sont gelés. Je pousse la porte du dortoir et me faufile jusqu'à ma couchette. Je grimpe le long de l'échelle qui grince sous mon poids. Je réfléchis à ma petite escapade nocturne tout en me glissant sous la couette. Mes yeux me picote, et se ferment. Mon esprit s'évade alors et plonge dans un sommeil agité.

Les fils. La poignée. La table de nuit. Le regard d'Orsay...Les fils...La poignée...

Hi everyone! Je commence à peine!J'ai bien conscience de la longueur de ce prologue, ne vous en faites pas, le prochain chapitre sera beaucoup plus long!
Enjoy
Clem

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