chapitre 1

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l'horloge accrochée au mur pend maladroitement au bout d'une vis. elle me raconte l'heure, son langage est plutôt un brouillon sur lequel se perdent deux aiguilles. le trotteur de l'objet ne cesse de résonner dans la salle d'attente, je regrette de ne pas avoir pris mes écouteurs avec moi.

tic tac

les murs sont blancs, le sol est blanc, et même si les fauteuils sur lesquels nous sommes assis sont bleus, je n'arrive pas à percevoir autre chose que la fadeur des lieux.

l'odeur de l'hôpital hantent mes sens, font faner les bouquets de fleurs dans les chambres.

tic tac

mes yeux ne font que des allers et retours entre les coins de la pièce, mes pouces se tournent et mes pieds tapotent le sol d'un rythme presque irritant. un homme assis à ma diagonale lève parfois ses vieilles pupilles vers moi, et d'un regard vif, il sonde mes mouvements répétitifs et enrageants.

et à force de le regarder curieusement, il rabat ses mains sur ses oreilles et se met à contempler le sol immaculé de ses yeux devenus bien vides. et je commence à ressentir la panique m'envelopper encore plus lorsque je vois cette adolescente lire un magazine people, ses mains tenant fermement les pages de papier pendant que je me demande si elle a remarqué qu'elle les tenait à l'envers.

"park chanyeol" perce les tic-tac une voix féminine, attirant mon regard sur une dame à la blouse blanche, elle aussi immaculée de vie et pourtant si claire.

ma psychiatre croise mon regard, et d'un geste de la tête, elle m'invite à la rejoindre dans son cabinet. puis, contre mon gré, je laisse mes pas recouvrir les siens avec la noirceur accrochée aux semelles de mes baskets.

"comment vas-tu aujourd'hui, chanyeol ?"

et s'en suivent des questions du même genre, toutes aussi ennuyantes et inutiles que les autres. comme lors des contrôles que je faisais quand j'étais encore au collège, je n'arrive pas à répondre. mon cerveau se fige, mes mains se crispent, et de la même manière qu'une musique que l'on aurait laissé tourner en boucle, je répète: "je ne sais pas".

ses lèvres bougent trop vite, mes yeux et mes oreilles n'arrivent plus à les suivre. elle déverse tout un tas de paroles qui frappent considérablement mon insouciance. puis au final, seules ses derniers mots réussissent à unir le flux de neurones déréglés qui me restent: "cette lettre contient toutes les informations dont je viens de te faire part. tu pourras relire tout ça calmement chez toi, et avec tes parents".

elle me tend une enveloppe que je fourre directement dans les poches de ma veste, puis elle commence à écrire le nom de ses médicaments sur mon ordonnance qui rejoindra bientôt sa compère.

"à la prochaine fois chanyeol". sans lui répondre, je me lève de cette chaise au dossier emmerdant, ne prenant même pas la peine de refermer la porte derrière moi.

je revois cette fille étrange dans le couloir, et ce monsieur à l'humeur changeante. et mes paupières se referment, gonflant mes organes d'adrénaline. la nuit ne va pas tarder à tomber, alors je laisse mes pieds traîner contre le goudron qui borde l'hôpital. le ciel s'est recouvert d'une couverture bleu marine, elle amortira la nuit lorsqu'elle chutera sur le pays.

les étoiles ne scintillent même pas, elles préfèrent se cacher derrière les fumées de gris. les voitures me frôlent, mes yeux sont fermés lorsque je traverse la route.

quand je rentre enfin chez moi, je dépose les papiers importants sur le meuble d'entrée et cesse de faire attendre le confort de ma chambre plus longtemps.

mon dos s'écrase sur le matelas, et je laisse mon corps s'enfoncer dans les couvertures, mes yeux se fondant dans le crépuscule qui s'offre en spectacle derrière les volets.

mes doigts attrapent le join qui traîne dans un cendrier, et je n'attends pas plus longtemps avant de consumer son éternité avec la flamme d'un briquet.

la nicotine me brûle, la douleur est minime. la drogue enveloppe mes pensées, j'autorise mon corps à vibrer sous les facettes de la nuit.
et quand minuit arrive, j'ouvre la fenêtre.
l'air pollué s'engouffre en moi, il fait chavirer ma tête, fait flageoler mes os ridicules.

j'imagine le soleil se battre contre la lune, lui infliger sa lumière resplendissante, ses artifices les plus flamboyants, tandis que la lune, elle, lui flanque ses sacrifices les plus sanglants.

la mousse me fait suffoquer et le bain me donne chaud, je le déteste.

puis lame contre peau, larme dans l'eau. c'est une répétition dans l'écho de la nuit.

ASYLUM (baekyeol) - en réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant