Chapitre 6 : Merlin

1.1K 139 5
                                    

Son esprit divaguait. Cela faisait près de cent ans qu'il n'avait pas trouvé de corps convenable. Et il venait de tuer son dernier hôte. S'il avait pu jurer, Merlin l'aurait fait. Or là, il ne pouvait tout bonnement pas. Son existence précaire l'agaçait profondément. Depuis que son propre corps était mort, il n'avait jamais réussi à en retrouver un de semblable. Au départ, son esprit était encore affaibli de son combat contre Lug. Il avait d'ailleurs mis presque 500 ans à s'en remettre.  Cela n'aurait pas été si long si cet imbécile de Gwydion était resté à ses côtés. Mais ce fou avait préféré faire cavalier seul, et Merlin n'avait pas eu les capacités de l'obliger à le suivre, comme par le passé. C'était d'ailleurs à cause de lui que son âme ne s'était pas éteinte avec son corps. Se sentant vieillir, il avait tout fait pour trouver quelque chose qui le rendrait immortel. Sorts, potions, poudre de fée, rien de tout cela ne pouvait lui donner ce qu'il souhaitait. Il s'était préparé à ce que la mort vienne cueillir son esprit, mais elle ne prit que son corps, dont il fut chassé. Dans les premiers temps, il avait pu emprunter celui de petits animaux, mais à mesure que son esprit recouvrait sa force, ses hôtes s'affaiblissaient et finissaient par mourir. Il avait donc dû se rabattre sur plus gros, plus fort. Mais il était arrivé au point où le seul animal assez grand et assez fort pour le supporter était le cerf. Le cerf ! Quelle mauvaise blague ! Comme si Cernunnos allait le laisser contaminer l'esprit de ses fils. Depuis sa prison de métal, le bougre avait encore assez de pouvoir pour lui barrer la route !

Un loup passa devant lui. Il saisit l'occasion et plongea dans le corps du canidé. il détruisit purement et simplement l'esprit et prit sa place. Enfin, il redevenait solide. Merlin hurla de plaisir, dans son nouveau corps. Malheureusement, il n'avait que peu de temps avant que ce dernier ne meure, mais c'était mieux que rien. Il avait déjà essayé de prendre le contrôle d'un être humain, mais d'une part leur esprit était bien plus difficile à détruire que celui des animaux, et les druides, à son grand étonnement, parvenaient à localiser la magie noire dans le corps des hommes. Ils n'avaient pas deviné qui se cachait derrière l'énergie sombre qu'ils avaient chassé du corps humain qu'il avait colonisé, mais Merlin avait trop peur d'être démasqué. Il préférait encore son atroce situation à l'affrontement direct avec les druides.

Merlin tourna la tête. Son odorat de loup avait senti de la viande fraiche. Il s'élança vers la proie potentielle, tandis que le soleil déclinait, au-dessus des arbres. Il ne tarda pas à la repérer : un lièvre si maigre qu'il se demandai s'il y avait réellement de quoi manger autour des os fins. Mais il avait vraiment faim. Il bondit et se lança dans une courte course-poursuite avec l'animal. Il finit par l'attraper par le dos. Ses mâchoires puissantes broyèrent la colonne vertébrale du gibier et le goût di sang lui éclata en bouche, chaud et métallique. Quel délice ! Merlin se réjouis en dévorant son repas. cela faisait un moment qu'il n'avait pas avaler de nourriture, et la sensation n'était que trop agréable. Quand il ne resta plus rien de la pauvre bête, il leva sa tête de loup vers la lune. Elle semblait identique à celle du fameux soir où il avait ôté la vie au dieu suprême. Une sorte de grimace satisfaite se peignit sur son museau, ce remémorant ce délicieux moment.

Soudain, l'air vibra. Ses yeux s'écarquillèrent. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti un tel pouvoir. C'était impressionnant que de sentir une énergie pareille. Il se mit à courir dans la direction de l'éclat de magie qu'il ressentait, tel un fou. Mais l'intense énergie disparu aussi vite qu'elle était apparue. Au même instant quelque chose se brisa en lui.

Alors, il sut ce qu'il se passait. La forêt fut emplie d'une douce énergie. les animaux dressèrent la tête, là où ils sentaient la présence de leur grand maître, et même les arbres semblèrent frémir de joie.

Cernunnos.

On l'avait libéré. Merlin hurla de rage. Impossible ! C'était impossible ! Son sort ne pouvait pas avoir été brisé ! Il avait tout fait, tout ! Pour que jamais ce jour n'arrive. Il avait même caché le médaillon à la vue des hommes. C'était impossible que quelqu'un le trouve, et qu'en plus, il le libère ! Le loup se mit à faire les cent pas. Si Cernunnos était libéré, il te tarderait pas à en être de même pour les autres dieux. Il ne fallait pas que cela arrive, surtout pas ! Il devait recouvrer la totalité de ses forces, et faire ce qu'il n'avait pas pu accomplir mille ans plus tôt : assassiner ce foutu cerf. Et cela passait obligatoirement par la colonisation d'un corps humain. Il devait en trouver un suffisamment loin des druides. A sa connaissance, il n'en restait presque plus. En tous cas, beaucoup moins que depuis la dernière fois qu'il avait essayé. Peut-être arriverait-il à passer inaperçu, jusqu'à ce qu'il tue le dieu. Une chouette passa au-dessus de lui. Il sauta du corps du loup, qui s'effondra, et bondit dans celui du rapace, écrasant l'esprit en place. Il n'avait pas beaucoup de temps. Le volatile ne tiendrait pas longtemps, compte tenu de la rage qui animait le magicien. Il fusa vers la grande ville, à l'Est. C'était là qu'il avait le plus de chances de trouver un humain assez fort pour le contenir. le paysage nocturne défila sous ses ailes mouchetées. Il ne s'arrêta pas pour regarder la vue. Ses ailes lui faisaient un mal de chien, mais il n'avait pas le choix, il devait se dépêcher. Il voyait déjà les lumières qui éclairaient le ciel nocturne.

Soudain, il s'arrêta. Un esprit avait attiré son attention en particulier, dans un petit village, à proximité de la ville. Il plongea vers la petite maison au toit d'ardoises noires et aux volets verts. Il se posa sur le rebord de la fenêtre. Intéressant. Très intéressant même. L'esprit du garçon blond aux intenses yeux noirs affalé dans son lit devant un jeu-vidéo dégageait une aura particulière. On aurait dit ... oui, on aurait dit qu'un druide lui avait lancé un sort. Une sorte de protection, mais elle semblait faible et diffuse. Elle ne devait même pas être intentionnelle. Peut être qu'un tout jeune druide avait fait cela. Toujours était-il que s'il parvenait à l'absorber, son pouvoir gagnerait encore un peu en puissance. Et puis, si le garçon côtoyait le druide en question et qu'il était inexpérimenté, Merlin pourrait facilement voler son pouvoir.

Cela n'allait pas être facile de détruire l'esprit de ce garçon, mais le jeu en valait la chandelle. Il s'élança, quittant le corps de la chouette et passa à travers la vitre, invisible. Il s'introduisit dans le corps du garçon. Bizarrement, celui-ci n'opposa aucune résistance, et alla se cacher sous la fébrile protection. Celle-ci avait beau paraître extrêmement faible, Merlin n'arrivait pas à la percer.

L'amour. Ce ne pouvait être que cela. La seule magie qui lui résistait. Tant pis. Il se réconforterait avec le petit druide, dont il absorberai tous les pouvoirs. Merlon se frotta les mains. Enfin, il retrouvait un corps d'humain. Il se délecta de cette agréable sensation et commença à fouiller dans les souvenirs de son malheureux hôte, à la recherche d'information qui lui permettraient de ne pas griller sa couverture. Il chercha un nom, une famille, et la personne qui aurait pu placer cette protection d'amour. Il finit par trouver la seule prétendante à cet exploit : la petite amie. Son cœur bondit dans sa poitrine. Ces yeux ! Ils ressemblaient tant à ceux de sa promise, Léana, morte près d'un millénaire plus tôt. Le souvenir douloureux de la belle druidesse aux longs cheveux blonds que le vent printanier faisait virevolter revint dans sa mémoire. Il pensait avoir réussit à l'oublier. Ce n'était visiblement le cas. Merlin détailla un peu plus le visage de la jeune fille : un nuage de tâches de rousseur parsemait son nez et ses pommettes, et une crinière rousse entourait ses joues rondes. Un nom monta alors à son esprit.

Gwenaëlle.

***

Et voilà, un petit chapitre de plus ! Il tranche un peu avec les autres, je sais, mais j'espère que ça vous plaira quand même :) Voilà voilà ! Bisous !


Kenavo !



Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)Where stories live. Discover now