Chapitre 3

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 Cinq jours passèrent depuis ma rentrée. J'avais définitivement adopté Alice et sa bande comme amis. Pendant toute la semaine, j'avais discrètement passé mon temps à chercher la dénommée Lauren du regard, finissant même par attirer l'attention de mes amis, me demandant ce qu'il n'allait pas. J'avais prétexter mon angoisse dû au changement de quotidien et ils m'avaient cru. Toujours était-il que je n'avais pas croisé la brune ténébreuse aux yeux verts étincelants, à mon plus grand regret je devais l'avouer.

 Bref, nous étions samedi. Et je devais me rendre donc avec mes amis pour une soirée bowling et cinéma. Il était 18h quand je partis de la maison et me rendis au centre commercial, et rejoignis le groupe. Nous passâmes une excellente début de soirée, et j'avais quand même terminée deuxième sur cinq ! Mais je n'étais pas spécialement réjouis, moi qui d'habitude aimais bien gagner. Alice le remarqua.

- Ca va pas ? T'as pas l'air dans ton assiette en ce moment.

 Je quittai mes pensées et fit mine de sourire en secouant la tête.

- Tout va bien ne t'inquiète pas.

- Nostalgie?

 Je hochai la tête prétendant qu'elle avait raison et que ma vie d'avant me manquait. Seulement ce n'était pas ça. Et j'avais beau essayer de trouver la véritable raison je ne la trouvai pas. Pourtant mon arrivée ici s'était plus que bien déroulé. J'étais tombée sur une classe sympathique, des amis formidables, et la ville était vraiment charmante. En somme, je n'avais pas vraiment de raison de me sentir mal comme je l'étais. Mais je n'arrivai tout simplement pas à combler cet espèce de vide en moi. C'était comme si tout était gris et que je ne savais pas si je devais rire ou non. Tout semblait se dérouler au ralentis autour de moi.

 La salle était plongée dans l'obscurité partielle et était remplie de jeunes qui riaient aux éclats, puisqu'on était samedi soir. Les bruits des jeux vidéos et des billards ne cessaient de s'activer. Mes oreilles se mirent alors à bourdonner. Mais en sortant, elles se calmèrent. Nous rejoignirent alors le cinéma qui se trouvait en face et allâmes voir un film d'action plutôt pas mal, bien que je ne fus pas spécialement concentrée.

 La soirée se déroula donc parfaitement. "Sauf" peut-être à un moment donné pendant le film, où Romain avait posé délicatement sa main sur la mienne. Je n'avais pas osé retirer la mienne alors nous étions restés comme cela jusqu'à la fin. A la sortie, il chercha mon regard de ses yeux marron mais je fis mine de ne pas m'en apercevoir. J'appréciais beaucoup Romain, mais il était beaucoup trop brusque et extraverti pour moi. Et puis je n'étais tout simplement pas attirée par lui. Enfin, peut-être que si je continuai à faire l'imbécile et ne pas comprendre son jeu, il abandonnera...

 Quand je fus de retour à la maison, ma mère toujours éveillée dans le salon lisait un livre.

- Tu ne m'attendais pas quand même ? fis-je.

- Pas du tout, je n'arrivais pas à dormir.

 Mais je savais que j'avais raison. Elle voulait toujours rester éveillée tant que je n'étais pas rentrée de soirée. Je souris et lui laissai penser que je la croyais, puis montai dans ma chambre me mettre au lit.
Le lendemain matin au petit-déjeuner, ma mère me demanda comment s'était passée ma soirée, tout en me versant du café dans mon bol.

- C'était très sympa, on s'est éclatés.

 Mon ton enjoué sembla la convaincre, et elle fût ravie de cette réponse, et du fait que je me sois déjà bien intégrer.

 En vérité je ne m'étais pas intégrée, c'était les autres qui l'avaient fait. Moi je n'allais jamais vers les autres, quand je ne les connaissais pas. J'ignore pourquoi d'ailleurs. Peut-être parce que ça ne me dérange tout simplement pas la solitude : personne avec qui être obligée de faire la conversation, personne à qui expliquer pourquoi on "fait une tête d'enterrement". Bref, la liberté ! Mais avoir des amis était tout de même évidemment positif et rassurant, même si moi je n'étais pas non plus du genre à trop me confier.

 Le lundi matin je ne commençai qu'à 10h30. Je me rendis alors au lycée en bus, écouteurs dans les oreilles. Je me rendis devant ma salle de cours, traversant les couloirs déserts où régnait un silence de mort. De temps à autre on percevait la voix d'un professeur en passant devant une classe, mais j'étais en avance donc je ne croisai personne non plus, comme si j'étais le seul être vivant dans le bâtiment. Je montai les escaliers du rez-de-chaussée lorsqu'une voix se fit légèrement entendre à travers ma musique pop. N'ayant pas compris ce qu'on avait pu me dire, je me retournai en ôtant mes écouteurs et croisai le regard de la magnifique brune à l'allure élancée. Soudain, je ressentis des espèces de chatouillis dans le ventre, et la température semblait avoir augmenté de dix degrés. Elle me regarda de bas en haut et me rejoignit à ma hauteur.

- Je t'ai attendue samedi soir, dit-elle d'une voix neutre mais toujours rauque.

 Je mis du temps à répondre et baissai les yeux. J'avais oublié sa proposition ! Je m'étais perdue dans mes pensées lorsque j'étais avec mes amis, et le vide que j'avais ressenti était peut-être dû à ça; mon inconscient savait que j'avais oublié l'éventuel rendez-vous avec Lauren ! Quelle idiote... C'était la première fois que je posai un lapin à quelqu'un, et je m'en voulus aussitôt. Prise de culpabilité monstrueuse, je balbutiai:

- Oh non... Je... J'avais oublié... En fait j'avais déjà un truc de prévu ce soir-là. Je suis vraiment désolée !

 Elle me toisa. Je ne sus dire si elle était en colère ou pas. Son visage et son regard étaient impassibles et ne laissaient rien transparaître. Elle finit par lâcher un "c'est pas grave" puis tourna les talons et commenca à redescendre. Mon esprit se tourna encore et encore, ne sachant quoi dire. Puis, du haut de l'étage je me penchai à la rembarde et lui lança:

- Vendredi prochain on peut y retourner si tu veux ? Pour me faire pardonner.

 Elle s'arrêta et leva les yeux sur moi. Elle était encore plus impressionnante d'en bas. Elle haussa les épaules puis répondit à ma grande surprise :

- On verra.

 Puis elle quitta mon champ de vision.

 Je souris bien malgré moi, car pourtant cette réponse n'était pas du tout un oui. Honnêtement je ne savais pas ce que je faisais à vouloir traîner avec cette fille mystérieuse que je n'arrivais pas à cerner.

 Puis Alice et Léane apparurent de l'étage où je me trouvai.

- On t'a entendu discuter avec Lauren, fit Léane toujours sur son ton presque agressif.

 C'était sa manière de parler naturelle, et bien qu'au début cela faisait bizarre, on s'y habituait et il ne fallait pas le prendre personnellement.

- Tu ne devrais vraiment pas traîner avec elle, ajouta Alice d'une petite voix.

 Je haussai les sourcils signe que je ne comprenais pas.

 Mes deux amies se regardèrent et c'est finalement Alice qui m'expliqua :

- Il y a des rumeurs sur elle qui disent qu'elle aurait tué son ex petit-ami.

Everything has changedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant