Chapitre 28-2

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Je perçus un soupçon d'approbation et d'admiration dans le son de sa voix qui me fit plaisir, même si j'aurais préféré que ce soit pour d'autres raisons. Le véhicule ralentit pour finalement s'arrêter et les trois hommes en descendirent. Nous entendîmes leurs pas s'éloigner. Je guettai jusqu'à ne plus les entendre du tout, puis je me redressai autant que je le pouvais et me mis à tirer de toutes mes forces sur mes menottes dans l'espoir d'arracher l'anneau du sol. J'eus beau m'acharner jusqu'à m'en faire saigner les poignets et finir toute tremblante sur le sol, l'anneau ne bougea pas d'un pouce. Worth avait suivi mes efforts d'un air résigné mais n'avait rien dit pour m'en dissuader. Je pense qu'il se disait qu'au point où nous en étions, autant tout essayer. Je me résignai et me rallongeai sur le sol pour soulager mon épaule. J'avais beau avoir toujours mal, elle allait quand même beaucoup mieux. D'un coup, Worth sembla reprendre ses esprits et, avec une lueur paniquée dans son seul œil valide, me demanda dans un souffle :

— Qu'est-ce que je fais quand ils vont me demander de me transformer ?

— Dites-leur que vous êtes trop blessé pour ça. Que votre corps a besoin de repos et de nourriture pour pouvoir être suffisamment régénéré pour une transformation. S'ils vous croient, ça nous fera peut-être gagner un peu de temps.

— Un peu de temps pour quoi ? Personne ne sait où nous nous trouvons et vous êtes peut-être très douée à votre façon, mais contre trois hommes armés, ça m'étonnerait que vous fassiez le poids !

— Jude est là.

Il était tout près. Cela faisait presque une trentaine de minutes que je captais sa présence par intermittence, mais seulement quelques-unes que je le sentais à nouveau dans ma tête... et il n'était pas content ! Ses sentiments étaient si confus et si nombreux que j'avais du mal à faire le tri et à en tirer quelque chose de cohérent.

— C'est vrai ? Comment pouvez-vous le savoir ?

— Je le sais, c'est tout. Il est là pour nous tirer d'affaire mais... il faut qu'il revoie son plan initial.

Je fronçai les sourcils sous l'effort nécessaire au décodage de toutes les émotions et informations qui me parvenaient. C'était nouveau pour moi et complètement diffèrent de mon lien avec Féline. J'eus un petit pincement au cœur en pensant à elle, seule dans un environnement hostile. J'espérai qu'elle allait bien. Des bruits de pas étouffés nous parvinrent de l'extérieur et nous nous tendîmes tous deux instinctivement en attendant la suite des évènements.

La porte latérale s'ouvrit sur deux nouveaux venus. Je comprenais mieux la frustration de Jude. Il avait beau être bon, il ne ferait jamais le poids contre sept hommes armés. Je ressentis comme une vague chaude et réconfortante traverser mon esprit. Quoi qu'il arrive, il sera là et ne laissera pas tomber.

Nous fûmes de nouveau transbahutés sans ménagement d'un endroit à un autre. Cette fois-ci, ils ne prirent même pas la peine de nous bander les yeux et nous conduisirent sur un chemin de terre en direction d'une grange délabrée qui semblait seule, perdue au milieu des bois. Ici c'était sûr, personne ne nous entendrait crier ! Lorsqu'ils ouvrirent les portes, des effluves nauséabondes de corps mal lavés et de sang plus ou moins frais nous frappèrent de plein fouet. Je tentai de retenir ma respiration et le haut-le-cœur qui y était associé, puis nous pénétrâmes en enfer.

Féline. Tome 1 Where stories live. Discover now