2 ~ Hippie

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- Debout les garçons, vous allez être en retard ! crie ma mère depuis le bas de l'escalier.

Comme tous les matins, j'entends Georges se précipiter dans la salle de bain. Quant à moi, j'ai pris la décision de ne plus me presser, puisque je perds toujours à la bataille de la douche. Je prends mon temps pour m'habiller et croise Ben dans les escaliers. Il est en pyjama, les yeux gonflés de sommeil et les cheveux ébouriffés.

Quelques minutes plus tard, après avoir attrapé un toast et bu un verre de jus de fruit, je sors de la maison en courant, rejoint le trottoir en enfile mes écouteurs, empruntant le même chemin qu'Elle, la veille. Et comme chaque matin, j'observe les fenêtres des maisons, espérant l'apercevoir qui m'observe derrière la vitre. Comme chaque matin, il n'y a personne et je suis tout seul.

En vingt minutes, je suis au centre. Ça irait plus vite en bus, mais je préfère marcher, ce qui me permet d'écouter la musique plus longtemps avant d'en être privé pendant cinq longues heures. Une fois devant le bâtiment, je me dirige directement vers le bureau de Gus. On pourrait me prendre pour un idiot, mais c'est notre lieu de rendez-vous et je peux en profiter pour observer le parc voisin en gardant l'espoir de la voir arriver un jour, Elle.

Je crois que ça va finir par devenir son prénom.

- Aspen, tu es en retard, fait Gus quand je rentre dans la salle.

Nous avons l'habitude de nous retrouver à huit heures pétantes. Gus, mon psychologue, est super à cheval sur les horaires. Une minute de retard et il se retrouve de mauvais poil.

Je m'excuse rapidement, salue les plantes et jette mon sac à l'autre bout de la salle.

- Qu'as tu fais, hier soir ? Demande mon psy.

Il est gentil, Gus, et j'essaye de lui parler, mais je n'arrive pas toujours à tout exprimer. Il y a des jours sans, faut faire avec.

Gus est le seul qui est au courant qu'Elle existe dans ma vie. Lui seul connaît mon obsession pour Elle car lui seul est capable de ne pas me juger là dessus.

- Je l'ai observé. Juste observé. Elle chantait encore une chanson inconnue.

Il m'interroge du regard.

Comme d'habitude, je fais ce qu'il me demande, parce que le thème est encore clair dans ma mémoire.

Je fredonne la mélodie entendue la veille. Lorsque je finis, je rouvre les yeux et aperçois Gus qui rigole, plié en deux derrière son bureau.

- Qu'est ce qu'il y a ? Je demande, honteux, persuadé que c'est moi qui le fait rire ainsi.

- Je commence à bien aimer cette fille de par ses goûts musicaux.

Je croise les bras en faisant une moue boudeuse.

- Rah, ça va, je râle. Elle a bien le droit d'écouter de la musique ! Tu as trouvé la chanson, Gus ?

Il acquiesce, enfin calmé.

- C'est un morceau des années soixante dix qui s'appelle Jolene. Ton amie a vraiment des goûts très pointus. Elle parle d'une fille qui a peur qu'on lui vole son homme.

- Ce n'est pas mon amie. Elle ne sait même pas que j'existe, je ne peux m'empêcher de rectifier, la moue défaite.

Gus hausse les épaules et lève les yeux au ciel.

- C'était une métaphore, Aspen.

Je ne réponds pas, occupé à regarder un nid d'oiseaux suspendu au rebord de la fenêtre en me disant que je devrai penser à informer mon frère Georges sur le fait qu'il fait partie des 45% d'américains qui croient que le soleil n'est pas une étoile.

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