La curiosité est le pire ennemi de notre esprit... (1)

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Le soleil inondait la pièce. Celle-ci, d'ordinaire propre et rangée, ressemblait à présent à un champ de bataille comme si un ouragan était passé par là. Des vêtements, du maquillage, une trousse de toilette et d'autres accessoires recouvraient le sol. Une valise mauve, un sac à main et un ordinateur y reposaient calmement. Une adolescente à la silhouette élancée était recroquevillée un peu plus loin sur le lit. Au soleil, ses longs cheveux châtain clair prenaient une couleur rousse cuivrée. Kelya fixait le mur, perdue dans ses pensées. Ses parents auraient déjà dû être là. Ils avaient pourtant dit qu'ils viendraient la chercher vers treize heures, il était quatorze heures et comme d'habitude elle attendait encore. Son oncle avait bien tenté de la faire sortir de son lit à plusieurs reprises, mais rien à faire, elle râlait et refusait de se lever, ressassant  avec amertume cette nouvelle promesse bafouée.

À six ans, ses parents l'avaient confiée à sa tante et depuis, ils ne lui avais accordé que peu d'attention.  . Son oncle eut beau lui expliquer la situation, l'adolescente n'arrivait pas à comprendre ni à leur pardonner leur absence et cela même s'ils prenaient régulièrement des nouvelles. A ses yeux, ses parents réfutaient son existence, la considérant comme un accident. Elle jalousait secrètement ses amis et leur petite vie de famille parfaite emplie de douceur. À leur contact, Kelya se noyait dans cette atmosphère chaleureuse, elle qui d'ordinaire était enfermée dans un monde dénudé de sentiments. Sa vie monotone semblait si décalée face à la joie bruyante de leurs foyers qu'elle n'ouvrit pas tout de suite le dernier mail de ses parents, effrayée d'être une nouvelle fois envoyée dans un camp de vacances, symbole d'oubli et de solitude. Sans nouvelles, ses parents la contactèrent pour lui annoncer le programme des vacances. Pour changer, ils partaient tous les trois à Los Angeles, la laissant sans voix. 

Un "non" catégorique fut sa seule réponse, meurtrie par leurs mensonges à répétition. Déconcertée par leur détermination, elle avait fini par accepter. Cependant, elle avait été claire : s'ils annulaient, elle ne voudrait plus jamais entendre parler d'eux. 

Enthousiaste de partir à Los Angeles, elle l'était moins quant au déroulement des vacances. Elle ne comprenait pas comment ils avaient pu vivre leur vie sans elle, sa rancœur la rongeait encore et toujours. Dans ces conditions, la jeune fille s'efforçait à penser à autre chose, tentant d'oublier l'angoisse qui la dévorait. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu'ils annuleraient au dernier moment. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle avait défait sa valise peu avant quatorze heures. À quoi bon la faire si c'était pour la défaire ensuite !

Le téléphone sonna, ce qui la sortit de sa torpeur. Elle dévala les escaliers, se dirigeant vers le salon. Puis, resta planté là, dans le couloir, n'entendant que des bribes de conversation. Quand son oncle raccrocha, elle pénétra dans la pièce.

_ Laisse-moi deviner, leur avion n'a pas pu décoller ? demanda-t-elle sèchement.

Elle ne voulait surtout pas montrer ses sentiments, pas maintenant.

_ Non, ils seront là dans 10 minutes, on doit les attendre devant la maison, répondit-il doucement.

_ Ah ok !

_ Ne fais pas cette tête, deux mois ça passe vite et puis, c'est toi qui a choisi la destination. Alors, profite au lieu de rechigner. Pense plutôt à la valise que tu dois faire !

En réalité, Kelya était soulagée, mais elle se garda bien de le montrer, en rajoutant même un peu.

_ L'année prochaine, ils ne m'achèteront pas avec le voyage de mon choix, je n'irai pas !

_ Malgré ce qu'ils ont fait, ils restent tes parents et tu as beau dire le contraire, tu leur ressembles beaucoup, s'amusa-t-il.

Kelya ne répondit pas, préférant lui lancer un regard noir.

_ Un jour, tu comprendras Kei, lui dit sa tante. En attendant, va chercher tes affaires qu'on aille les attendre.

La jeune fille se précipita dans sa chambre, manquant de tomber dans les escaliers. Elle fourra dans sa valise les affaires, qu'elle avait lancées dans sa chambre un peu plus tôt et dû ensuite s'asseoir sur celle-ci pour la fermer. Son oncle la rejoignit, saisissant sa valise alors qu'elle enfilait en toute hâte son gilet et une paire de sandales.

Une fois dehors, ils traversèrent l'allée, s'arrêtant à côté du portail. Kelya, se sentant faible, s'appuya contre le muret en pierre et plus elle attendait, plus le stress montait.

***

             Une berline noire sortit à toute vitesse de l'autoroute. Au volant, le chauffeur s'énervait contre ses agents via son oreillette. Assise derrière la vitre Adénora, l'impératrice d'Aspar ne se doutant de rien, était bien trop occupée à se tordre les mains dans tous les sens, stressée.   

_ Tu ne pourrais pas arrêter s'il te plait ! Tu sais très bien que j'ai horreur des os qui craquent, finit par lâcher l'homme assis à ses côté.

_ Pardon.

Adénora fixa son mari quelques secondes avant de lui demander timidement : "et s'il lui arrivait quelque chose, ima..."

Croisant son regard, elle se tut.

_ Que veux-tu qu'il lui arrive ? Nous avons assez préparé ce voyage avec nos agents. Kelya sera en sécurité avec nous

La discussion était close. L'impératrice n'insista pas. Même si Adénora était considérée comme sûre d'elle, têtue et ferme, elle savait aussi s'incliner. De plus, elle savait pertinemment que c'était trop tard. Ils ne pouvaient pas revenir en arrière. Elle regarda donc par la fenêtre, espérant se changer les idées. 

Célérius et Adénora avaient toujours été d'accord sur le déroulement des évènements.

 Ils devaient être présent le jour des quatorze ans de Kelya. Ils voulaient pouvoir lui expliquer en douceur. Ce voyage à trois s'était imposé comme un moyen de détente avant le grand saut dans l'inconnu et le stress. Leur vie à tous allait être bouleversée : la presse se déchainerait, le risque de perdre Kelya serait plus grand et les terroristes prendrait l'avantage, ce qui inquiétait l'impératrice. Elle connaissait la popularité de sa fille "disparue" dans les médias même si peu de journalistes en parlaient publiquement, surtout depuis l'incident concernant certains de leurs confrères un peu trop curieux aux yeux de la royauté. 

Quant à l'imperator, il était tout aussi inquiet que sa femme. D'un côté, il avait peur d'avoir perdu sa fille à jamais et de l'autre, le futur était si confus.  S'ils ne s'étaient pas trompés, Leur monde et Kelya ne survivraient peut-être pas au destin. Pour autant, il ne regrettait en rien d'avoir donné une enfance normale à sa fille. La protection de celle-ci passait avant tout et Célérius devait admettre qu'il était bien plus facile de la protéger sur Terre que sur Astor. Sur la planète bleue, tout avait été simple. Bientôt, Kelya serait avec eux, après huit ans de séparation, ils allaient enfin reconstruire leurs famille, ce qui le réjouissait. Kelya était encore vivante et Thèmisclode, Zavanna et Drakos n'avaient pas réussi à mettre la main sur elle. Célérius fut brutalement sorti de ses pensées par les cris énervés de sa femme...


Note: Je vais publier un lexique qui sera placé en fin du roman, comme cela vous aurez la définition des mots inventés. :) Voilà et n'hésitez à me dire vos impressions.

Les enfants du GwallWhere stories live. Discover now