La survivante

Chapitre 1, l'arrivée.

Premier jour, 10h28, Bâton-Rouge.

Pendant des années, j'avais pensé à ce moment, l'instant même où Elijah Mikaelson poserait ses yeux sur moi. Deux scénarios différents étaient possibles : numéro 1, il ne me reconnaîtrait pas, et je devrais donc me rappeler à son bon souvenir, ou, numéro 2, il me reconnaîtrait tout de suite, et nous pourrions alors directement parler du problème auquel il doit faire face et pour lequel je suis venue le rejoindre à la Nouvelle-Orléans. Le chauffeur du car fit un énième arrêt, afin qu'il puisse aller soulager sa vessie, et j'en profitai pour aller moi-même me refaire un brin de toilette. Dans un peu plus d'une heure, je serai dans le quartier français. Mais surtout, dans un peu plus d'une heure, je reverrai cet homme que je n'ai pas revu depuis près de quinze années, depuis qu'il m'a sauvé la vie. Je n'ai jamais su pourquoi il l'avait fait, pourquoi il m'avait prise sous son aile, protégée et soignée. Peut-être qu'aujourd'hui, j'allais enfin obtenir les réponses qui me troublaient. Peut-être qu'aujourd'hui, Elijah Mikaelson allait me regarder et me dire « Cassie, je suis heureux de te revoir ». Tout du moins, je l'espère.

12h02, Nouvelle-Orléans.

- Mesdames et messieurs, nous venons d'arriver à la Nouvelle-Orléans. J'espère que vous avez fait un bon voyage et que nous vous reverrons à bord de nos lignes de bus.

L'air chaud de cette fin de printemps m'oblige à retirer ma veste une fois ma valise récupérée. Le soleil brille, ce qui n'est pas étonnant puisqu'il fait souvent beau dans cette ville. Le trajet n'était pas des plus plaisants je dois dire et donc, je suis heureuse d'être enfin arrivée. Je file directement à mon hôtel, afin de déposer mes affaires, puis je décide d'aller me promener dans la ville, commençant directement par la rue principale. Qui sait, peut-être que je croiserais Elijah ? Il faut dire que je ne connais pas encore Niklaus ou Rebekah. J'en ai entendu parler, bien sûr, mais je ne les ai jamais vus.

Assise sur une terrasse, je regarde autour de moi pour m'imprégner de l'ambiance si particulière de cette ville. Les gens vont et viennent : certains entrent dans des magasins de « magie » en riant, d'autres marchent simplement en portant des colliers de perles, ou dansent au son de la musique d'un guitariste qui joue à quelques mètres de là. Cette ville bouge beaucoup, et il est très difficile de ne pas se laisser emporter par la bonne humeur générale. Je termine mon verre lorsque je le vois sortir d'une immense bâtisse. Elijah. Mon cœur bat la chamade. J'ai attendu ce moment si longtemps ! Il est là, à quelques mètres de moi. Il regarde rapidement autour de lui puis se met en marche. Instinctivement, je laisse un pourboire sur la table et me mets à le suivre. Je ne sais pas où il va, mais je me dis que j'aurai bien vite la réponse. Il tourne au coin d'une rue et j'ai à peine le temps de le voir à nouveau qu'il a déjà disparu au coin d'une autre rue. Je presse le pas pour ne pas le perdre de vue, ne pensant pas du tout à être discrète. Nous marchons ainsi pendant quelques minutes et je me rends compte que nous sommes en train de nous diriger vers le cimetière de la ville. Sympa pour se retrouver après tant d'années ! Je reste légèrement en arrière alors qu'il pousse la grille et entre. Il connaît bien son chemin apparemment car il n'hésite pas avant d'entrer dans l'une des cryptes. Est-ce que je dois rester dehors pour attendre qu'il ressorte ? Ou alors est-ce que je repars ? Je n'ai même pas le temps d'y réfléchir que soudainement, je sens une présence derrière moi.

Je me retourne vivement pour voir qui est là, près de moi, et je me retrouve face à face avec Elijah. Mon cœur se met à battre plus vite et plus fort et je vois à son regard qu'il l'a entendu grâce à son ouïe de vampire. Je suis si heureuse de le revoir que j'en oublie qu'il ne m'a sûrement pas reconnue. Je souris bêtement alors que lui se contente de me fixer de ses petits yeux. Non, il ne m'a pas reconnue, tout du moins, je n'en ai pas l'impression. Il reste silencieux, et immobile. Je remarque alors qu'il est légèrement tendu. Il s'attend sûrement à ce que je prenne la parole, ce que je fais après m'être raclé la gorge.

- Bonjour Elijah. Il sait que je l'ai suivi. Il sait que c'est lui que je cherche, alors autant ne pas mentir.

- Je ne me souviens pas que nous ayons été présentés, il me répond lentement, comme à l'époque, à qui ai-je l'honneur ? Il me fixe toujours, ce qui commence à me mettre mal à l'aise et du coup, je commence à être tendue. Il a les sourcils froncés, comme s'il réfléchissait, ce qui fait que mon sourire un peu bête s'efface de mon visage.

- Cassie... Haggerty. Nous nous sommes... son regard change, ses sourcils se lèvent, et son regard s'ouvre en un signe de surprise. Il se rappelle enfin de moi. Nous nous sommes connus il y a bien longtemps. Je remarque qu'il se détend. Il me regarde de haut en bas, ce qui me fait un peu rougir, puis se met à me sourire.

- Cassie ! La petite sorcière de Savannah. Tu as bien changé ! Cette remarque m'arrache un sourire. Et oui, j'ai bien changé en quinze ans, je ne suis plus une petite fille désormais. Tu m'avais bien dit qu'un jour, nos chemins se recroiseraient et que tu aurais l'occasion de me sauver. C'est pour ça que tu es par ici ?

- Pour être honnête, oui. J'ai senti un grand danger. Malgré l'évocation de ce grand danger, je me détends à mon tour.

- Et bien tu es toujours aussi directe à ce que je vois. Que se passe-t-il ? Il continue de me dévisager, essayant de retrouver la petite fille qu'il avait sauvée. Je pense que c'est lorsqu'il a regardé dans mes yeux qu'il l'a vue cette petite fille apeurée qu'il a sortie de l'incendie de sa maison. Cette petite fille a pourtant bel et bien disparu avec le temps.

- Que dirais-tu d'en discuter ailleurs que dans ce cimetière ? Il me regarde pendant deux secondes sans rien dire, puis me propose de me retrouver une heure plus tard au Rousseau, un petit bar où l'une de ses amies travaille. Il me dit que nous serons tranquilles pour discuter là-bas. Je préfère ne pas lui demander ce qu'il fait dans un cimetière au beau milieu de l'après-midi, et je file, le laissant un peu tranquille.

Alors que je m'éloigne le cœur battant, je repense à ce soir-là, il y a quinze ans. Je ne peux pas m'empêcher d'y repenser de temps en temps. Puis, je me demande comment je vais aborder avec lui le sujet de ma venue à la Nouvelle-Orléans. Que sait-il de sa tante Daliah ? Est-il au courant que Freya, sa sœur, est toujours en vie grâce à Daliah ? Je l'espère, car je n'aimerais pas être celle qui le lui apprendrait.