Les Fées

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Dans une petite ville d'Écosse, dans la petite rue des Combats, vivait une veuve d'une cinquantaine d'années, Mme Mac'Miche. Elle avait l'air dur et repoussant. Elle ne voyait personne, de peur de se trouver entraînée dans quelque dépense, car elle était d'une avarice extrême. Sa maison était vieille, sale et triste ; elle tricotait un jour dans une chambre du premier étage, simplement, presque misérablement meublée. Elle jetait de temps en temps un coup d'œil à la fenêtre et paraissait attendre quelqu'un ; après avoir donné divers signes d'impatience, elle s'écria :

« Ce misérable enfant ! Toujours en retard ! Détestable sujet ! Il finira par la prison et la corde, si je ne parviens à le corriger ! »

À peine avait-elle achevé ces mots que la porte vitrée qui faisait face à la croisée s'ouvrit ; un jeune garçon de douze ans entra et s'arrêta devant le regard courroucé de la femme. Il y avait, dans la physionomie et dans toute l'attitude de l'enfant, un mélange prononcé de crainte et de décision.

madame mac'miche.

D'où viens-tu ? Pourquoi rentres-tu si tard, paresseux ?

charles.

Ma cousine, j'ai été retenu un quart d'heure par Juliette, qui m'a demandé de la ramener chez elle, parce qu'elle s'ennuyait chez M. le juge du paix.

madame mac'miche.

Quel besoin avais-tu de la ramener ? Quelqu'un de chez le juge de paix ne pouvait-il s'en charger ? Tu fais toujours l'aimable, l'officieux ; tu sais pourtant que j'ai besoin de toi. Mais tu t'en repentiras, mauvais garnement !... Suis-moi. »

Charles, combattu entre le désir de résister à sa cousine et la crainte qu'elle lui inspirait, hésita un instant ; la cousine se retourna, et, le voyant encore immobile, elle le saisit par l'oreille et l'entraîna vers un cabinet noir dans lequel elle le poussa violemment.

« Une heure de cabinet et du pain et de l'eau pour dîner ; et une autre fois ce sera bien autre chose.

- Méchante femme ! Détestable femme ! marmotta Charles dès qu'elle eut fermé la porte. Je la déteste ! Elle me rend si malheureux, que j'aimerais mieux être aveugle comme Juliette que de vivre chez cette méchante créature... Une heure !... C'est amusant !... Mais aussi je ne lui ferai pas la lecture pendant ce temps ; elle s'ennuiera, elle n'aura pas la fin de Nicolas Nickleby,que je lui ai commencé ce matin ! C'est bien fait ! J'en suis très content. »

Charles passa un quart d'heure de satisfaction avec l'agréable pensée de l'ennui de sa cousine, mais il finit par s'ennuyer aussi.

« Si je pouvais m'échapper ! pensa-t-il. Mais par où ? comment ? La porte est trop solidement fermée Pas moyen de l'ouvrir... Essayons pourtant... »

Charles essaya, mais il eut beau pousser, il ne parvint seulement pas à l'ébranler. Pendant qu'il travaillait en vain à sa délivrance, la clef tourna dans la serrure ; il sauta lestement en arrière, se réfugia au fond du cabinet, et vit apparaître, au lieu du visage dur et sévère de sa cousine, la figure enjouée de Betty, cuisinière, bonne et femme de chambre tout à la fois.

« Qu'est-ce qu'il y a ? dit-elle à voix basse. Encore en pénitence !

charles.

Toujours, Betty, toujours. Tu sais que ma cousine

est heureuse quand elle me fait du mal.betty.

Allons, allons, Charlot, pas d'imprudentes paroles ! Je vais te délivrer, mais sois bon, sois sage !

charles.

Sage ! C'est impossible avec ma cousine ; elle gronde toujours ; elle n'est jamais contente ! Ça m'ennuie à la fin.

Un Bon Petit DiableWhere stories live. Discover now