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Après le départ de Jennifer, je reste encore quelques minutes assises sur mon lit à laisser divaguer mes pensées. Puis je me lève péniblement et me dirige vers la penderie. Il y a des milliers de tenues toutes exactement à ma taille (ce qui m'effraie un peu étant donné qu'avant cet après-midi, personne ne pouvait être au courant des résulats du tirage au sort), de toutes les couleurs et de toutes les formes. J'en remarque une, mise en valeur car elle est seule sur son crochet. C'est une jupe longue à motif traditionnel du quatre ( des formes géométriques blanches et noires) avec un chemisier. On a glissé un petit papier rose dans le col de celui-ci, je le déplie et lis une écriture soignée à l'encre mauve : 

S'il-te-plaît...

Athénais.

Je pousse un soupir et passe la tenue. A cet instant, je me rends compte que je suis totalement étreintée. Prise d'une soudaine léthargie, je me résous à laisser mes cheveux tombants sur mes épaules au lieu de les attacher en chignon et me dirige vers la salle à manger.

* * *

Je suis la dernière à arriver à table. Lorsque je passe la porte coulissante, tous s'arrêtent de parler pour me dévisager. Je recule ma chaise afin de m'asseoir. Je sens le regard plein de mansuétude de  Mags, celui moqueur de Finnick et le froid indescriptible de Nullah. Terriblement gênée je fixe mon assiette, taciturne. Un certain malaise se créé à table. Heureusement au moment ou celui-ci devient pesant, Athénais se décide enfin à le briser. 

- Nous filons approximativement à pas moins de 300 Km/h impressionant non ?  

Mais personne ne daigne de lui répondre. Nullah se contente d'un sourire poli, Finnick se passe la langue sur les lèvres en regardant dans le vague et Mags mange si vite que je me demande si il lui arrive de respirer. Un muet me sert un plat de pommes rôties au four accompagnées d'une pièce de viande de couleur brune. Curieuse, j'en prends un morceau en écoutant d'une oreille distraite le monologue d'Athénais qui a reprit. 

C'est la deuxième fois que je mange du boeuf. La dernière fois, j'avais douze ans. Mes parents avaient été invités à dîner chez le maire du quatre, un homme gras et rougeaud. A l'époque j'avais trouvé ça dégoûtant et avait délaissé les trois-quart de mon assiette (chose qui n'avait pas manqué d'agacer ma mère qui m'avait dit en rentrant que je lui avait fait "la honte de sa vie"). Mais la viande du maire était une viande de basse qualité, provenant du fin fond du district onze, sèche et insipide. Celle ci est juteuse et si tendre, que je n'ai même pas besoin de me servir de mon couteau pour la couper. A présent, je n'écoute même plus les soliloques d'Athénais, pleinement concentrée sur mon repas. Il faut dire que ca change du poisson. Je jette un coup d'oeil à Nullah qui semble lui aussi partager mon point de vue : il sauce le jus rosâtre avec un petit pain blanc.

Pour le dessert, nous avons droit à une tarte au caramel. J'en prend une bouchée avant de repousser mon assiette, repue. A cet instant innatendu, Nullah prend la parole pour la première fois depuis la rediffusion de la Moisson.

- Quelles sont nos chances de survies maintenant ?

- Nulles. Répond Finnick.

-Dans ce cas, réplique Nullah loin de se laisser démonter, fais en sorte qu'elles augmentent.

- Tu es prié de me vouvoyer petit. 

- Donnez- nous des conseils. Je renchéris. 

Ma voix est rauque, je parle pour la première fois du repas. Finnick se tourne vers moi et me dévisage, avec un sourire en coin.

 - Chaque chose en son temps ma belle. 

Il me caresse la joue ; Je tressaille et me crispe sur ma chaise incapable de bouger, tellement je suis surprise. Il se penche à mon oreille et chuchote :

-On verra ça demain en tête-à-tête trésor.

Sur-ce il se lève de table non sans m'adresser un clin d'œil et éclate d'un rire tonitruant en quittant la salle à manger. 

- Ne tinquiète pas, il plaisantait, me dit doucement Mags en souriant.

Gênée et écarlate, je quitte à mon tour la table sans un mot. Au moins j'aurais retenu une information essentielle lors de ce dîner : dorénavant je dois à tout prix me méfier de Finnick et ne plus me laisser distraire par ses tours de charmes.


Annie Cresta | les 70e Hunger GamesWhere stories live. Discover now