S.E.A - Tome 02 : Par delà les mers

Chapitre 02 : tendre réminiscence

Un bruissement de feuilles tinta à ses oreilles, le réveillant doucement. Encore ensuqué par le sommeil, Ash s'étira pour se réveiller, et bailla à s'en décrocher la mâchoire. Mais ce fut sa perte d'équilibre et la frousse monstre qu'il ressentit par la suite à l'idée de tomber qui acheva de le réveiller en ''douceur''. La branche d'arbre sur laquelle il s'était endormi n'était pas très large, et l'oubli du lieu où il avait décidé de piquer un petit somme avait failli lui coûter une chute et une honte monumentale. Il vociféra bon nombre de jurons anglais avant de descendre de l'arbre sans grande difficulté, et d'épousseter les nombreuses feuilles qui lui étaient tombées dessus durant sa petite sieste. Cette habitude d'aller dormir dans les arbres lui collait décidément à la peau ... Il aimait bien ça. C'était, selon lui, bien plus ... reposant. Il y avait bien plus de calme que dans sa chambre, et surtout, ici au moins, personne ne venait le réveiller à coup de tarte à la chantilly. Ash leva la tête vers le soleil éblouissant qui ornait le ciel bleu azur en se demandant quelle heure il pouvait bien être. Soudain il sentit son téléphone vibrer dans la poche de sa veste, et reconnu à la petite musique un message de Ciela :

« De : Cielama ~ <3 (FUTURE WAIFU)

Hey Ash ! On est en ville avec Nancy, tu veux venir ? »

Ash fronça les sourcils haussa les sourcils : comment ça, « Cielama ~ <3 (FUTURE WAIFU) » ?! Les jumeaux avaient ENCORE joué avec son portable ! Bon sang de bonsoir, il était encore bon pour changer de mot de passe ...

- C'est la quatrième fois en deux mois bande de carottes écervelées ! marmonna-t-il en tapant une réponse à sa petite amie.

Puis, il regarda autour de lui, tentant de se repérer dans le labyrinthe forestier qu'était le parc. Où s'était-il endormi déjà ?

* * * * *

- Hum ... En Colombie peut-être ? Non, trop humide, comme le Paraguay.

Avec un grognement ressemblant plus à un soupir d'exaspération, Marika railla le pays d'Amérique du Sud de sa liste. Elle leva la tête. Son coin de chambre était devenu ni plus ni moins qu'un bric à brac son nom. Son lit et son bureau étaient recouverts d'Atlas et de cartes, et des multiples morceaux de papier où étaient marqués des noms de différents lieux potentiels tapissaient le sol de la chambre. Nancy avait eu l'extrême gentillesse de ne pas s'en formaliser. Elle lui avait même proposé de l'aide à deux reprises, mais la fausse japonaise avait toujours refusé. Ceci était sa quête à elle. Marika se laissa tomber sur un coin de son lit vide de cartes et de livres géographiques, avant de fermer les yeux, lessivé. Elle en avait assez. Un peu de repos lui ferait du bien. Elle qui d'habitude n'aimait pas forcément la géographie, voilà qu'elle en soupait depuis presque plus de sept jours. La raison ? Un sourire timide et une paire d'yeux émeraudes passa en un éclair dans son esprit. La voilà, la raison. Son fiancé, Philios Caerris. Marika se recroquevilla sur elle même, un peu mélancolique. Aux yeux de la plupart des gens, elle était Marika Haru, une japonaise Element de ténèbres de quinze ans en première année de lycée, un peu étrange sur les bords. Mais elle était en réalité Almarica Reïsha, dite l'Alchimiste, petite sœur de Fenror Reïsha, et membre des Huit Guerriers Légendaires. Les Huit Guerriers Légendaires n'étaient ni plus ni moins que huit Elements surpuissants qui avaient, durant la Dernière Guerre d'Eneria, repoussé l'armée de Bellum le Sanglant, roi despote et meurtrier, ainsi que légèrement ''toqué'' et accessoirement, son frère aîné. Philios était lui aussi un de ces fameux guerriers, mais il avait perdu tout honneur et gloire le jour où il avait assassiné son futur beau frère et meilleur ami, Fenror. Le second frère d'Almarica. C'était d'une ironie mille fois cruelle. Sauf que contrairement à ce que stipulaient les légendes, Philios n'avait en aucun cas tué son frère. Il le lui avait confirmé lui-même il y a de cela six mois, la nuit du 26 décembre. Mais cela n'avait rien changé au fait que, à l'époque, elle avait été anéantie en apprenant que son tendre frère adoré avait été assassiné par celui qui aurait dû devenir son mari. En l'espace de quelques heures, elle avait perdu les deux hommes les plus importants de sa vie. Alors, cherchant des réponses à ses questions, et en apprenant que Philios n'était même plus sur le continent d'Eneria, elle avait volé de l'eau de jouvence, en avait bu, s'assurant une immortalité certaine, avant de s'en aller, tout en se jurant de ne revenir dans son pays natal que le jour où elle aurait mis la main sur celui qui aurait dû partager sa vie. Certaines légendes lui prêtaient une fin désespérée, d'autres disaient qu'elle avait fini par se reconstruire une vie ailleurs, mais toutes s'accordaient pour dire que Almarica l'Alchimiste avait fini par disparaître dans les limbes de l'Histoire. En réalité, elle n'avait pas arrêté de chercher Philios durant plusieurs centaines d'années. Mais alors qu'elle l'avait enfin retrouvé, celui-ci s'était enfui, en l'ayant même attaquée. Mortifiée, ce jour là, elle avait tout arrêté. Elle avait cessé de courir après des chimères. Lentement elle avait reprit le chemin de chez elle ... mais avait constaté avec horreur que son chez elle n'était plus. Il ne lui restait plus rien. Rien du tout. Anéantie, réduite en un automate de chaire sans âme ni émotion, Almarica s'était jetée d'une falaise ... Avant de se réveiller sur une plage, quelques temps plus tard. Les eaux l'avaient transportée sur une île. Ahurie à l'idée d'avoir survécu, Almarica prit cela pour un signe des Dieux, et décida de rester sur l'île. C'est en l'explorant qu'elle trouva la grotte des Portes, qui faillit lui causer une crise cardiaque. Depuis, elle s'était juré de protéger l'île et ce lieu sacré, dont elle comprit le sens en lisant les marques qui recouvraient la porte. Puis, les jours se succédèrent aux nuits, et de très nombreuses années passèrent ... Almarica les passa en autarcie, dans la grotte. Elle aurait pu, et dû, devenir folle, à rester seule aussi longtemps, mais elle ne l'était pas réellement. Beaucoup d'animaux résidaient sur l'île, et elle passait son temps à s'occuper d'eux. Ceux-ci l'avaient d'ailleurs, assez étrangement, pleinement acceptée. L'Enerienne avait toujours eu un bon feeling avec les animaux, mais cet élan d'affection général lui avait semblé être un cadeau des dieux. Puis, un jour, alors qu'elle se baladait sur la plage, elle trouva une petite fille, allongée sur le sable, le corps à moitié dans la marée montante. Affolée, l'Element des ténèbres l'avait tirée de l'eau, et ramenée en catastrophe dans la grotte, avant de s'occuper d'elle, priant pour sa survie. Et lorsque celle-ci s'était éveillée ...