Neophobia

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Depuis toute petite, j'ai un problème avec la rupture. Tout ce qui est nouveau.

Ça a commencé quand j'avais un an et demi, lorsque ma mère a repris le travail. Je n'acceptais pas l'idée de sortir de mon petit confort, de changer mes habitudes. Alors, comme je n'étais qu'un bébé, j'ai montré mon mal-être d'une façon assez évidente.

On était incapable de me nourrir. Je refusais ne serait-ce même que goûter la nourriture qu'on me proposait. Ç'aurait été bénin si ça n'avait duré qu'un temps, après tout tous les bébés ont une phase similaire. Cependant, ce blocage alimentaire a persisté chez moi.

Cela fait maintenant 15 ans que je suis incapable de goûter ce que je ne connais pas. Si on me propose un aliment que je n'ai jamais goûté, je vais répondre par réflexe que je ne l'aime pas et ne vais pas le manger, et je vais m'enfermer dans cette idée. Je suis prisonnière de ça, et malgré tous mes efforts je n'arrive pas à m'en sortir. J'arrive à goûter certaines choses, mais à chaque fois je n'aime pas ce que je goûte.

Alors ce problème m'a empoisonné la vie. A la cantine, où on ne pouvait pas choisir ce que l'on mange. Dans la famille, ou chez des amis. On m'a constamment jugée sur le fait que je ne mangeais pas ce qu'on me donnait sans se demander ce que ça cachait.
Les parents d'amis m'appréciaient... Jusqu'à ce qu'on passe à table. Pour eux je devenais alors la petite fille mal élevée qui ne fait aucun effort à table, alors que c'étaient eux qui ne faisaient aucun effort pour me comprendre.

Personne ne cherchait à m'aider, si on exclut mes parents. Et fatalement, j'ai commencé à avoir peur des autres. Il y avait déjà une forme d'exclusion au sein de ma classe parce que j'étais plus jeune que les autres, et qu'ils me trouvaient prétentieuse à cause des bonnes notes que je décrochais sans effort. Mais ce blocage avec la nourriture m'isolait encore plus.

Le repas, c'est sensé être un moment de partage, quelque chose de convivial. Pourtant, je ne pouvais jamais y participer. J'ai tellement souhaité être capable de manger comme les autres, mais rien à faire. Mes efforts sont vains avec ce problème.

Et maintenant, j'ai peur. Jusqu'à présent j'ai réussi à rester avec les mêmes personnes, qui m'acceptaient malgré ce problème, mais dès le mois de septembre je vais devoir m'installer dans une ville que je ne connais pas et fréquenter de nouvelles personnes.

J'angoisse. Ça me rend malade. Je ne sais pas quoi faire. Je commence à mener une vie d'adulte mais mes problèmes d'interaction avec les autres et ce blocage sur la nourriture m'en empêchent. Je n'arrive pas à devenir réellement indépendante, je suis forcée de me raccrocher à mes problèmes.

J'ai du mal à faire confiance aux autres, et je n'ai pas confiance en moi. Il a suffi d'un seul ami qui me trahisse pour que tout s'effondre. Et je doute fort de pouvoir reconstruire cette confiance sur des bases solides.
Quand mon anxiété prend le dessus, je deviens parano. Est-ce que l'on m'apprécie vraiment? J'en doute, après tout qui peut apprécier quelqu'un comme moi...

Je me déteste d'être comme ça, car je dois forcément faire souffrir quelqu'un en ne donnant ma confiance à personne. Je ne sais même pas ce que je fais de cette confiance puisque je ne crois pas en moi-même. Elle doit être complètement inexistante chez moi.

Je dois réapprendre à vivre.

Je ne sais pas ce que cette première année de fac va donner, mais j'ai peur.

Je ne veux plus avoir peur.

Je suis perdue. Je ne supporte pas cette vie mais je n'ai aucune motivation à la changer. Aidez moi.

Datura ou le Rantbook Inutile.Where stories live. Discover now