Interlude : Ron

1.4K 169 6
                                    

Harry se réveille, une douleur cuisante en travers de la joue. La lumière du soleil l'éblouit. Il fait chaud, dans sa petite chambre sous les combles, et des courbatures lui labourent le dos. Il a dormi assis. A son bureau, tout habillé. La reliure du livre de droit qu'il lisait encore la veille lui est rentrée dans la peau, d'où la douleur au visage. Il doit avoir une sacrée marque.

Encore vaguement hébété, Harry redresse la tête et ses oreilles bourdonnent, comme lors d'un lendemain de cuite. Si seulement c'était ça... Sa migraine est revenue. Elle l'a harcelé toute la nuit jusque dans son sommeil, et son cerveau l'a transcrite en cauchemars de torture et de mort. De quoi a-t-il rêvé ? Il ne s'en souvient plus. Il préfère peut-être ne pas s'en souvenir. Mais une chose est sûre : il y avait Malefoy. Et Ginny.

Se redressant complètement, Harry prend le risque de s'étirer de tout son long sur sa chaise branlante. Il meurt de faim, et il a besoin d'une douche. Combien de fois ce mois-ci s'est-il endormi sur ses bouquins, sans même prendre le temps de manger, ni de se traîner jusqu'à son lit ? Trop de fois pour qu'il puisse les compter.

Consultant sa montre, Harry tente vainement de se remettre les idées en place : six heures... Si encore il s'offrait le luxe de rater les cours. Mais non, son cerveau ne lui fera jamais cette grâce. Harry dort rarement plus de quatre heures par nuit. Et pourtant, malgré les cernes, malgré l'épuisement, Harry n'en voudrait pas davantage.

Quand il rêve, Harry voit des choses qu'il voudrait ne pas voir. Des souvenirs. Des amis morts depuis si longtemps maintenant. De la souffrance, et tout le mal qui doit se produire loin de lui... Harry voit Drago Malefoy dans sa cage en métal le jour du procès au Ministère. Il voit sa terreur et son regard pourtant résigné... Il voit le corps de Pansy Parkinson mutilé en pleine rue par une foule d'anonymes fous furieux. Il voit les visages autrefois si parfaits d'Astoria et Daphnée Greengrass, figés dans la mort de la main de leur père, juste avant que celui-ci ne se pende... Il voit Lucius Malefoy égorgé dans sa cellule, probablement sous les yeux de son fils... Et à présent, il voit Narcissa Malefoy. Harry a vu les photos de l'enquête, il les a vues... Narcissa Malefoy qui s'est ouvert les veines dans la salle de bain luxueuse d'un hôtel cinq étoiles. Narcissa qui n'a pas laissé un seul mot...

Pour autant qu'Harry puisse en juger, elle a dû économiser des mois pour s'offrir cette unique nuit. Après le procès, sa famille avait perdu tous ses biens, toute sa fortune. Mais Narcissa avait travaillé et attendu des mois durant pour s'offrir cette chambre. Pour retrouver ne serait-ce qu'une nuit l'existence qu'elle avait vécue des décennies durant, et qui s'était effondrée sous ses pieds... Pour s'y ôter la vie, seule et loin de tous ceux qu'elle aimait.

Le coût de la chambre laissait deviner qu'elle avait mûri son projet pendant des mois. Qu'elle y avait songé durant tout ce temps, depuis la mort de Lucius, peut-être bien... Brusquement, cela donne à Harry l'envie de vomir. Il comprend le geste de Narcissa. Il le comprend et il le regrette, plus qu'il ne peut l'exprimer. Il se rappelle encore de la voix de cette femme murmurant à son oreille, dans la Forêt Interdite, pour lui demander si Drago était toujours en vie... Il a senti son parfum, ce jour-là. Un mélange de roses et d'amandes amères.

Oui, Harry a la gorge qui se serre et il voudrait vomir, même s'il n'a rien mangé. Mais ce qui le déchire surtout, c'est la peine que Malefoy doit ressentir. La douleur qui a dû le crucifier sur place à cet instant, lorsque les gardiens d'Azkaban lui ont apporté la nouvelle...

Malefoy est soumis à des mesures de sécurité extrêmement strictes entre les murs de la prison. Il n'a pas le droit aux visiteurs, pas le droit d'échanger de courrier, rien, aucun contact avec le monde extérieur. Sauf en cas de décès d'un proche. Alors seulement, Malefoy reçoit une missive qui l'informe et exprime de brèves condoléances. C'est tout.

SunlightWhere stories live. Discover now