5 - La ferme, Crétin..

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Les jours suivants se passèrent à une lenteur agonisante, et toujours dans cette monotonie écœurante qui donnait envie à Camila de se rendormir à peine quelques secondes après s'être réveillée.

Au moins, lorsqu'elle dormait, elle pouvait se réfugier dans ses rêves, passer un peu de temps avec Elle, loin de la frustrante banalité de sa réalité.

Camila ne connaissait pas Son nom, elle ne savait pas vraiment à quoi Elle ressemblait, ni pourquoi elle Lui faisait tant confiance. Mais le fait était qu'elle trouvait Sa présence très rassurante, et gratifiante.

Pour chaque journée à laquelle elle survivait vaillamment, elle n'avait qu'à fermer les yeux une fois confortablement blottie dans son lit pour s'emparer de sa récompense, pour se retrouver nez à nez avec Elle, et en profiter pendant tout le reste de la nuit, jusqu'à ce qu'une nouvelle journée ne fasse son apparition, l'arrachant ainsi à son bref instant de bonheur.

Ces rêves avaient commencés près de 3 ans auparavant, au moment où la jeune Camila de 14 avait commencé à se rendre compte ce qui la différenciait des autres adolescentes.

A l'époque, comme n'importe quelle fille de son âge, elle passait son temps à regarder des films, des séries hautes en couleurs, qui exposaient toujours les mêmes scénarios.

Mais là, tandis que toutes ses amies fantasmaient innocemment sur les héros, toujours de beaux garçons, grands, musclés, drôles, gentils et plein du courage: le parfait cliché du «gentil». Camila, elle, ne pouvait pas s'empêcher d'être attirée par le «méchant», en général un homme mentalement dérangé, sadique, qui ne reculait jamais devant rien pour parvenir à ses fins.

Toutes ses amies rêvaient d'épouser un gentil, elle, rêvait d'être au coté d'un grand méchant, et de dominer le monde avec lui.

Toutes ses amies dévoraient l'écran avec un grand sourire, sachant que de toute façon, au bout du compte, c'était leur gentil héros qui allait finir par remporter toutes ces batailles. Camila, elle, ne faisait que jeter des coups d'œil craintifs, tout en espérant secrètement, que, pour une fois, ce soit SON héros, qui remporte la victoire.

C'était aussi à la même période que Camila s'était rendue compte de son aversion certaine pour la «normalité». 

Tout d'un coup, tout s'était mis à lui paraître fade: les mêmes gens qui faisaient toujours la même chose, en même temps, au même endroit, avec les mêmes règles, les mêmes principes, la même morale.

Personne ne se demandait jamais si, pour une fois, ce ne serait pas mieux de secouer le système, et de faire quelque chose de différent, quelque chose qui ne serait pas juste «banal» et «normal».

Personne.

A force, Camila n'avait plus l'impression que de voir des moutons qui évoluaient autour d'elle, marchant en file indienne en attenant qu'on leur dise ce qu'il fallait faire

Alors, écœurée par la monotonie du monde, et désespérée de voir un jour un quelconque changement s'opérer, la jeune Camila, encore fragile et un peu naïve,  avait finit par tomber dans une sorte de dépression, qui l'empêchait d'être heureuse.

Pendant des dizaines de semaines, elle avait eu du mal à se lever le matin, du mal mal à aller en cours et à se nourrir à la cantine, du mal à rentrer chez elle, ou même à en sortir.

Elle avait simplement eu du mal à vivre.  Et cet état s'était empiré de jours en jours

Puis un soir, alors qu'elle était rentrée d'une longue journée passée dans l'ennui au collège, elle s'était réfugiée dans son lit, sans manger le repas que lui avait préparé sa mère, sans souhaiter bonne nuit à son petit frère, sans se changer en pyjamas, elle s'était endormie en pleurant sans bruit, veillant toujours à rester assez silencieuse pour ne pas alerter sa famille.

BANAL (Camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant