Chapitre II : Deux frères

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Les deux frères traversèrent à nouveau une partie des plantations de la famille pour arriver sur la petite bosse de terre. Malgré la taille de leur minuscule perchoir, ils avaient une vue dégagée sur l'ensemble des lieux qui constituaient l'environnement de toute leur vie. Derrière eux, les lumières rassurantes de leur maison et, plus loin, celles du village, transperçaient les ombres des forêts et des prés plongés dans la nuit. Face à eux, la gigantesque silhouette sombre d'une montagne se devinait, camouflant une partie du ciel étoilé.

Arrivés au sommet de la butte, Firo et Gao commencèrent leur rituel en se laissant tomber sur la terre sèche. Leurs regards à présent dirigés vers l'éternité céleste, ils pouvaient y contempler les serpents rougeoyants de la Fournaise s'y mouvoir entre des millions de pointillés blancs. C'était pour cette raison que les jeunes frères appréciaient tout particulièrement cet endroit : en y venant à cette heure tardive, à cette époque du cycle météorologique, la magie qui semblait animer le ciel était un terreau fertile pour leur imagination débridée. En quelques instants seulement, leur esprit dériva dans des méandres de rêveries. Même si les lambeaux écarlates qui dansaient au-dessus d'eux étaient synonymes de brasier et de destruction, les enfants ne ressentaient en ces instants qu'un profond apaisement. Leurs muscles se détendirent, leur respiration se fit de plus en plus lente, et leurs sens s'éveillèrent.

Ces moments de plénitude et de calme, Firo les chérissait tout particulièrement. Cela lui permettait de poursuivre en pensées ses voyages et ses explorations, malgré la nuit tombée, et sans redouter de se faire gronder. Et, souvent, c'était également l'occasion de discuter à cœur ouvert avec son frère. Lui parler de ses ressentis, des émotions qu'il avait vécues, de ses interrogations, de ses doutes et de ses peurs. Sans tabou, sans jugement, sans moquerie. Les deux frères pouvaient tout se dire, ils savaient qu'ils avaient en tant qu'interlocuteur une oreille à l'écoute et un être charitable pour leur répondre et leur prodiguer des conseils.

Perdu dans le fil de ses songes, Firo se remémora peu à peu les événements de la journée. Soudain, un sentiment de culpabilité surgit en lui et commença à l'habiter, parasitant ainsi les bonnes émotions que lui procuraient jusque-là le reste de son environnement. Ne pouvant s'en détacher, il se tourna alors vers son cadet :

« Gao, je voulais te dire... murmura-t-il en cherchant ses mots. Je suis désolé pour tout à l'heure.

— Pourquoi ? demanda le jeune frère en ravalant un bâillement.

— Eh bien, de t'avoir mentionné quand on s'est disputés avec papa. C'était pour me défendre, mais je n'ai pas envie que tu aies plus de travail ou même que tu sois puni à cause de moi.

— Oh, ça ! Ce n'est pas grave, ne t'en fais pas. Je pense même que papa aura oublié quand on sera revenus. »

Rassuré par la compréhension de Gao, Firo essaya de se replonger dans son état de béatitude et de sérénité, laissant à nouveau son esprit dériver sous le couvert des lueurs de la Fournaise. Tout à coup, un petit bruit, tout près de son oreille, vint le déconcentrer. Comme si un rongeur mâchouillait son repas juste à côté de sa tête. Mais le petit animal, Firo le connaissait bien.

« Pourquoi tu rigoles ? questionna-t-il en ayant reconnu le rire étouffé de son frère.

— Pour rien... répondit Gao, avant de compléter. Je viens juste de me rappeler une anecdote.

— Laquelle ?

— Eh bien, vu comment t'a disputé papa ce soir... Ça m'a rappelé l'histoire de la géode, tu te souviens ? »

À ces mots d'apparence pourtant anodine, les deux frères éclatèrent de rire à l'unisson. Leur hilarité vint rompre pour de bon le calme serein de la nature autour d'eux, mais c'était un faible prix à payer pour cet instant de pur bonheur.

13 Dragon Riders (1.01) : Un Nouveau Dragonnier, Partie 1Onde histórias criam vida. Descubra agora