Démoniaque

* Mords-moi *

Ses lèvres sont comme je les ai rêvées. Il nous a fallu des années avant de transformer l'amitié en amour. J'ai attendu ce moment depuis que je suis revenu en enfer. Je sais que c'est risqué, que je ne devrais pas m'attacher à elle plus que je ne le suis déjà. Mais je me sens comme obligé d'être près d'elle, de la toucher, de la faire sourire. Ses nouveaux pouvoirs me mettent énormément en danger ; ils nous mettent tous en danger. Mais si l'amour n'était pas plus fort pour une fois ? Pourquoi cette fois-ci ne différerait pas des autres ? Et si on arrivait à vaincre la malédiction qui nous semble s'être accrochée à nous ?

Elle ne répond pas tout de suite puis commence à bouger les lèvres et à prendre mon visage en coupe. Le baiser devient de plus en plus fougueux et nos gestes sont loin d'être tendre : ils sont limite bestiaux. Je m'éloigne en sentant un liquide chaud s'incruster dans nos lèvres.

Je la regarde, confus et vois des larmes de sang ruisseler à nouveau sur les joues pâles. Ça ne va pas recommencer... Elle a gardé ses mains sur mon visage.

- Mords-moi, elle m'ordonne.

Je secoue la tête vivement. Il est hors de question que je fasse ça. Les morsures d'un démon sont assez incontrôlables et je risque de ne plus pouvoir m'arrêter si je commence à la mordre, au risque de pouvoir la tuer. Elle commence à haleter et ses iris tourner au noir.

- Fais-le ou je serais capable de te tuer. Je ne me contrôle plus ou alors très peu.

Je vois qu'elle me supplie du regard et je suis obligé de le faire. Je me penche vers son cou qu'elle me présente et enfonce mes dents dans sa peau. Ça fait des années que je n'ai pas eu le goût du sang en bouche et avoir le sien me force à me contrôler encore plus pour ne pas perdre pieds et aller trop loin. J'entends qu'on nous appelle à travers la porte du salon mais je l'ignore. Elle s'accroche tellement fort à mes épaules que je sens ses ongles s'enfoncer dans ma peau. Elle se détend au fur et à mesure jusqu'à s'effondrer sur moi, ce qui me stoppe instantanément. Je ne me suis jamais autant concentré pour mordre quelqu'un.

Je la pose en position assise sur le canapé au moment où Tony ouvre la porte en grands fracas suivi de tout le reste de la bande. Quand il voit la trace sur le cou de Clara et le sang sur mes lèvres, il s'approche de moi et m'empoigne le col du tee-shirt.

- Pourquoi tu l'as mordu ?!

- Elle allait me tuer si tu veux savoir ! C'est elle qui m'a supplié de la mordre car elle ne se contrôlait plus. Elle a réussi à se battre quelques secondes parce que...

Je laisse ma phrase en suspens. Je n'ai pas envie de mourir si j'annonce ce qu'on était en train de faire tous seuls dans un salon avec la porte fermée à clefs. Je sais que nous ne sommes plus des enfants et que nous sommes libres de faire ce que nous voulons mais avec l'annonce de l'état de Clara, notre situation devient plus compliquée que prévue.

- Parce que ? m'encourage Mélania.

- On s'est embrassés.

Je me retourne vers Clara, surpris. Elle ne sait pas ce que je sais, donc pour elle ce n'est pas plus gênant que ça de le dire à tout le monde. Jusqu'à ce que je croise le regard de Devil, qui est accoudé à l'embrasure de la porte du salon. J'entends d'un coup sa voix remplie d'amertume dans ma tête.

Tu comptes attendre qu'elle découvre toute seule que tu vas devoir la tuer ou tu la laisses lentement nous tuer un par un ?

Je tourne la tête vers Clara qui parle avec Jessica. Elle a l'air d'aller un peu mieux mais elle a toujours le regard dans le vide jusqu'à ce qu'elle lève les yeux vers moi.

- J'ai réussi à me battre contre mes pouvoirs car on s'est embrassés.

À ce moment précis, je repense à toutes les fois où sa peau est entrée en contact avec la mienne, la sensation de chaleur et de bien-être m'envahir quand je la vois, l'explosion de sensations contre ses lèvres. Elle est ma compagne. La bague a beau être à Devil, cela ne fait pas forcément de Clara son être aimée. Elle lui a juste procurée des pouvoirs, qui au passage, l'on transformée en créature horrible.

Ça n'était arrivé qu'une fois ; avec Satan. Il a offert une bague à une humaine mais son âme-sœur n'était autre que sa sœur. Oui, c'est incestueux mais c'est la légende.

Devil a un regard que je qualifierais de frustré. Oui, c'est le mot. Il me lance un regard dégoûté avant de partir au sous-sol. Mélania, Alia et Jessica sont près de Clara en lui demandant si tout va bien une dizaine de fois, dont elle lui répond que oui en souriant sincèrement. Oh que ce sourire m'avait manqué. Et le reste des garçons essayent, j'ai bien dit essayent, de rester indifférents à ce qui se passe. Je vois Tony qui ouvre la bouche pour répliquer quelque chose mais se ravise d'un coup.

Moi ? Je suis heureux.

[Clara]

Après avoir répété pour la centième fois au moins aux filles que je vais bien, je me lève et me dirige vers la salle de bains pour nettoyer mon cou. Je m'arrête dans l'escaliers pour regarder les photos qui se trouvent sur le mur. Chaque image représentant Théo souriant me fait sourire à mon tour.

Je me sens beaucoup mieux qu'avant. Je me sens plus forte, plus puissante mais aussi consciente de mes actes. J'avais l'impression d'être une marionnette et c'était horrible. Je ne contrôlais plus ma colère et j'étais complètement différente de ma vraie nature. Je n'ai jamais eu l'habitude d'être arrogante à ce point et je pense que je l'ai assez été pour toute ma vie.

J'ouvre la porte et me place devant le lavabo. Je passe de l'eau sur mon visage et quand je m'apprête à faire de même avec mon cou, je sens des bras m'entourer la taille.

- Ça va, princesse ?

Cette voix. Je saurais la reconnaître entre mille. Je regarde le miroir et ne vois que mon reflet.

- Théo ?

- Oui, mon ange ?

- Tu n'es pas obligé de ne pas faire apparaître ton reflet, je sais que c'est toi.

Je le sens resserrer son étreinte et à plonger sa tête dans mon cou. Instinctivement, je penche ma tête sur le côté, ce qui le fait sourire encore plus.

- Qu'est... Qu'est-ce que tu fais ? Je bégaye.

Il ne me répond pas et redresse la tête quelques secondes plus tard. Je regarde mon cou et vois une magnifique marque violette.

- Tu es définitivement à moi maintenant.

Attendez, quoi ?