Chapitre 18 : Le Sacrifice de la Sorcière

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À genoux sur le sol, Léopoldine finissait de tracer son pentacle quand Florentin arriva. À vrai dire, elle fut extrêmement rapide. Il avait eu tout juste le temps de vérifier que sa famille était en vie, saine et sauve, et de monter les escaliers qu'elle l'avait déjà achevé.

C'est donc à quatre pattes qu'il la découvrit, les fesses tournées vers lui.

-Ma chérie, tu me perturbes.

Elle se redressa en se frottant les mains, sourcils froncés. Il voletait toujours dans les airs, l'air un peu piteux.

-Comment ça, je te perturbe ?

-Non, rien. Dis-moi, plutôt... je suis désolé, Léopoldine. C'est juste que... j'ai eu tellement peur pour toi...

N'osant le regarder plus longtemps à cette taille, elle hocha la tête. Puis elle se rendit à son établi : elle trancha, détailla, écrasa ses ingrédients à une vitesse spectaculaire. Sourcils froncés, Florentin l'observait depuis le grimoire, tous prés. Un cercle couvrait tout le sol de la chambre, dont les meubles avaient été repoussés sur le côté. La marmite chauffait à gros bouillons, et sa fiancée était d'une concentrée d'une façon démesurée.

-Je ne vais pas disparaitre dans la seconde, Léopoldine, fit-il doucement.

Sur quoi elle planta son couteau dans la table, pour lui adresser une œillade assassine.

-Tu as eu peur de me perdre ? Moi j'ai toujours peur de te perdre, Florentin !

-Chérie...

-Non ! Il n'y a pas de chérie qui tienne ! Pose-toi au centre du cercle, ou je te jure que tu ne me toucheras pas durant les dix prochaines années !

Il se le tint pour dit. Assis en tailleur sur le parquet, il surveilla avec attention les pieds de son épouse. Vingt minutes plus tard, elle versait un brouet immonde dans une tasse, puis dans un dé à coudre, qu'elle posa devant lui.

-Bois !

Bon. Inutile de discuter, elle refuserait d'entendre quoi que ce soit. Il avala donc le liquide, et s'étouffa à moitié avec. Jarnicoton ! Il n'avait jamais gouté un truc aussi immonde ! Entre deux toussotements, il perçut la voix de Léopoldine, sans en comprendre les paroles. Du Thébain.

Agenouillée devant lui, les yeux clos, les mains sur le sol, elle parlait à toute vitesse. En humant l'odeur du sang, Florentin fronça les sourcils.

-Chérie ?

Il se redressa au centre du cercle, le gout de la potion oublié. Elle s'était entaillé les paumes ! Son sang se rependait sur la craie du pentacle, colorant les particules blanches. En quelques secondes, tout fut tinté de rouge rubis.

-Léopoldine !?

Par tous les saints ! Que faisait-elle !? Affolé, il voulut s'élancer vers elle. Au lieu de quoi, il percuta une barrière invisible. Magie ! Horrifié, il frappa ce rempart, à s'en blesser les jointures. Il hurla son nom, mais elle ne répondait toujours pas.

Furieux, il tenta de s'envoler. Une force invisible le clouait au sol.

-Jarnicoton !

Non ! Non ! Il ne savait pas ce qu'elle accomplissait, mais elle semblait se vider de ses forces. Son teint devenait pâle à une vitesse spectaculaire, la chair sur ses bras semblait fondre, comme si la maigreur la prenait soudain.

Elle allait mourir, à ce rythme !

Les secondes s'écoulèrent à une lenteur torturante. Il ne cessa de l'appeler, mais rien n'y faisait. Enfermé dans le pentacle, il était impuissant !

Enfin, elle ouvrit les yeux. Elle l'observa, un instant... et s'affaissa sur le sol.

-Non !

Il se précipita une nouvelle fois en avant. À peine conscient qu'il parvenait enfin à passer, il se jeta à genoux à ses côtés.

-Léopoldine ? Léopoldine ! Réponds-moi ! Tout va bien ?

L'espace d'un instant, les yeux écarquillés, il contempla le visage pâle de son épouse. Qui émit un râle en entrouvrant les paupières.

-Florentin... Fatiguée...

Sur quoi elle ferma de nouveau les yeux. Fatiguée ? Elle était fatiguée !? Oui. Elle commençait à ronfler doucement. Estomaqué, rassuré, furieux et soulagé, Florentin contempla un instant le plafond avec un profond soupir. Vivante. Elle était vivante. Dieu merci !

Ce ne fut qu'une fois sa femme dans ses bras qu'il réalisa.

Il était de nouveau à taille normale.

Elle avait réussi...


3. La Cuisse DoréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant