Chapitre 4

2.1K 173 100
                                    



Nico, Infirmerie du Pensionnat, Vendredi 3 Décembre.

     La vérité. C'est une chose que l'on est souvent obligé d'avouer. On la redoute, on veut l'oublier, l'effacer mais quoi que nous fassions elle refait surface. Et parfois dans les moments les plus inattendus.

      Le lendemain matin, Will et moi dormions encore lorsqu'une voix se fit entendre.
- Y'a quelqu'un ? Docteur Dioscure ? Vous êtes là ?
      C'était une voix féminine sans aucun doute, mais qui ?
On était en train de se redresser pour s'asseoir quand Drew, une fille de la médiation, entra. En nous voyant, elle poussa un petit cri et sortit instantanément.
- Nan, Drew, attends !
      Will se leva, enfila un tee-shirt et sortit.
     Non ! Non, non, non, non, non ! Pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu'à chaque fois que j'étais heureux, il m'arrive un truc ? C'est trop demandé d'avoir une vie normale ?
      J'étais heureux avec ma mère. Elle meurt.
      Ma sœur prenait conscience de ma différence et l'acceptait. Elle meurt.
     Je réussissais a avoir de vrais amis. Quelqu'un apprend mon secret et le répète.
    Parce que je savais que Drew n'était absolument pas comme Jason. Je savais que elle, le dirait.
     Will est revenu, l'air troublé.
- Je l'ai pas rattrapé, désolé.
- C'est pas grave, t'y es pour rien.
- Si. C'est moi qui suis venu te voir hier soir à cause de ma stupide phobie.
- C'est bon, je te dis. C'est pas grave.
      C'était bizarre, mais je ne lui en voulais pas. D'habitude, j'étais hyper rancunier mais là, rien.
Will partit s'habiller dans la pièce d'à coté. Je me fit la remarque que malgré la chaleur étouffante de cette nuit, il avait gardé son haut. D'ailleurs à un moment j'avais été tenté de l'enlever pour vérifier mais je n'avais pas osé. J'avais des secrets et je n'aimerais pas qu'on viennent fouiller dedans alors je n'avais pas le droit de la faire avec les autres.
       Une fois habillé, je sortit pour allé en cours, Will était avec moi.
        Dans les couloirs, Drew parlait frénétiquement avec ses amies du cours de design, lesquelles gloussaient comme des dindes.
         Je crois que les gloussements faisaient partie des raisons qui m'avait poussé à aller voir ailleurs.
        La matinée fut une catastrophe.
Cours d'anglais, les élèves nous regardaient en se cachant en chuchotant.
Cours de maths, les élèves ne se gênaient plus pour nous regarder ouvertement.
Cours d'histoire, ils nous montraient du doigts et nous évitaient.
         En fin de matinée, ils s'écartaient sur mon chemin dans les couloirs. Bien plus qu'avant. Les chuchotements sur mon passage ne faisait que s'accentuer et enfler. J'en entendais certains. « Lui ? Un gay ? Je ne m'en serais jamais douté, heureusement que Drew l'a compris », « Il paraît qu'il a été retrouvé dans le lit de Solace. », « Pour Solace je me posais la question. Il est si peu viril, en plus on ne l'a jamais vu avec une fille. Par contre di Angelo, c'est plus choquant. Mais c'est vrai que je ne le voyais pas non plus avec une fille. Trop effacé. », « D'après toi, lequel a fait le premier pas ? », « Ca fait combien de temps qu'ils sont ensembles ? ». C'était choquant que je sois gay ? Will n'était pas viril ? J'étais trop effacé ?
         Pff ! C'était n'importe quoi ! D'accord, moi je l'étais, mais sans doute pas Solace. En plus, on avait juste dormi côte à côte, ça ne prouvait rien.  

       A midi, je m'étais assis seul à une table. J'étais en train d'écraser rageusement mes petits pois avec ma fourchette lorsque j'entendis :
- Laisse les tranquille, les pauvres ne t'ont rien fait que je sache ?
     Reyna se glissa à mes côtés et posa son plateau sur la table.
- Houlà ! T'as la tête d'un mort-vivant ! Tu vas bien ? Tu veux retourner à l'infirmerie ?
- T'es pas au courant ?
- De quoi ?
     Je donnai un coup de couteau rageur à mon steak.
- Hier soir, y'avait de l'orage et Will en a une peur bleue. Alors on a dormi ensemble. Mais ce matin, cette peste de Drew vient voir Apollin et après nous avoir vu, cours faire ce qu'elle fait de mieux : lancer des rumeurs. Du coup, tout le pensionnat pense que je sors avec lui.
- Euh...non, j'étais pas au courant. Et tu compte faire quoi ? ajouta-t-elle d'une petite voix.
- Je sais pas encore. Sans doute prendre mes distance avec Will quelque jours. Le temps que les rumeurs cessent.
- Tu vas pas.....fuguer ?
       Elle avait dit ça si bas et si vite que j'eus l'impression que c'était une voix dans mon esprit qui avait parlé.
- Non, t'inquiète.
       La pensée m'était quand même venu à l'esprit, cependant.

         L'après-midi passa si lentement que j'avais la sensation que le temps ralentissait. Handy passa les deux heures d'anthropologie et de nécromancie, à me parler des différentes morts qui existaient. Habituellement, c'était un sujet qui me fascinait mais là, je voulais juste sortir de ce cours, de cette salle de classe pour aller dehors. N'importe où mais dehors pas entre quatre murs.
       La cloche sonna enfin, mettant fin au supplice.

       La semaine passa aussi lentement que les heures de cours. Et la suivante aussi. Décembre s'installa. Cela faisait deux semaines que j'évitais Will et j'avais remarqué que lui aussi m'évitait. Dans les couloirs, dans la cour, en classe... C'était même pire qu'avant. Il ne me disait plus bonjour, ne me saluait pas non plus de la main, à peine si j'existais. Au début j'avais ressentis un pincement au cœur de ne plus le voir. Mais je m'y étais résolus. Personne ne m'aimait. Personne n'arrivait à m'apprécier. Reyna s'était trompée.
       Malheureusement pour moi, les rumeurs avaient disparu mais pas totalement. Pour Will, tout avait été démentit lorsqu'on avait appris qu'il sortait en fait avec Lou Ellen depuis un mois. Ils ne l'avaient pas dit car ils ne pensaient pas que c'était nécessaire.
        Moi par contre, les gens commençaient réellement à se douter que j'étais gay.
        Ma colère ne faisait que grandir lorsque les chuchotement s'amplifiaient sur mon chemin. Lorsque je voyais Will et Lou Ellen, main dans la main.
       Le froid s'étant bien installé, plus personne ne sortait. Pendant les deux dernières semaines, j'en avais profité pour être seul. Même Reyna ne supportait pas ce froid. Un froid glacial qui vous fendait l'âme et le cœur, vous faisait rougir les joues et gelait vos doigts au points que vous ne pouviez plus les bouger. Un froid que seul les morts supportaient.
        Je pouvais resté des heures sans bouger au pied du grand peuplier. Juste là, tranquille à réfléchir.
         La nuit, je ne dormais plus du tout. Je montais au grenier, me changeais et partais en ballade toute la nuit. Je ne supportais plus la présence de Will dans la même pièce que moi même si cette pièce était la chambre. Qu'il soit là tout près, mais si loin à la fois, me faisait mal à la poitrine. J'avais l'impression d'étouffer. Rien à voir avec la douce chaleur qui m'envahissait lorsqu'il avait dormi près de moi.
       J'avais aussi arrêté de manger ou du moins je mangeais un minimum.
        Avec la fatigue, mes cernes s'était creusées, avec le froid ma peau avait blanchie, avec la faim je m'étais amaigri. Mais je m'étais renforcé aussi. Le manque de nourriture et de sommeil ne m'affectait pas plus que mon apparence. Je ne m'évanouissais plus et je ne dormais plus en cours.
       Kali s'en était inquiété mais à chaque séance je lui assurais que tout allait bien et comme les examens d'Apollin l'avait prouvé, elle ne me posait plus trop de question.

     Le 17 décembre. Humeur massacrante. J'étais dans le parc à broyer du noir.
     Je sortais de maths lorsque :
- Allez ! Vas-y ! Vas lui demander !
- Pourquoi moi ?
- T'es la plus jeune et la plus innocente, il ne te fera rien.
- Justement dans tous les livres et tous les films les vampires mangent toujours la plus jeune et la plus innocente.
- Fais pas ta gamine.
      Un groupe de fille de design, se disputait dans le couloirs. L'une d'elle, une petite blonde, se détacha et vint dans ma direction.
- C-C'est v-v-vrai que-e t'es-t'es...
     La pauvre avait tellement peur qu'elle butait sur tous ses mots. Je lui dis alors, pour m'amuser :
- T'inquiète, je boit pas le sang de n'importe qui. Je voudrais pas m'empoisonner. Avec toutes les cochonneries que les gens mangent de nos jours, votre sang doit être bourré de produits chimiques.
     La fille poussa un petit cri et sembla sur le point de tourner de l'œil. Drew, qui était là depuis le début, s'approcha avec les autres. Elles ne prêtèrent absolument pas attention à la blonde et m'encerclèrent.  - Écoute-moi bien. Vampire ou non n'est pas le problème. Le problème c'est que t'es gay.
- Wouahou ! Eh bah dis donc ! Pour quelqu'un censé faire de la médiation, on peut dire que t'es vraiment très nulle. Maintenant, fais-moi plaisir et fous le camp.
- Non, reprit Drew. Je vais rester là et tu vas m'écouter.
       Reyna s'approcha, je lui fit signe de partir. Elle hocha la tête, n'intervint pas mais resta.
- C'est toi qui vas m'écouter, lui dis-je. Tu commence vraiment à m'agacer et-
- On s'en fiche, lança une fille. Ce qu'on le veut vraiment savoir c'est si t'es gay !
- Non.
- Quoi non ?
- Vous ne le saurez pas.
- Donc tu l'es ?
- Et où est le problème, si je l'étais ?
- Il n'y a aucun problème mais qu'on donc les hommes de plus que nous pour tu les regardes eux et pas nous ?
- Je sais pas. Et puis je crois que tu peux répondre à la question. Sauf si t'es lesbienne.
- Non, bien sûr que non. Je ne suis pas lesbienne.
- Donc ce qui te dérange chez moi c'est que je sois homo.
- Tu viens d'avouer !
        Un sourire triomphant s'étala sur son visage. Et merde.
- D'accord je suis gay. Ca te va ?
      Un silence s'installa dans le couloirs. Je n'en m'étais pas rendu compte mais je m'étais m'y à crier. Tout le monde me regardait.
- Quoi ?! Ca pose un problème à quelqu'un ?
      Reyna venait à peine de poser la question que déjà, les élèves se remettaient à discuter, à fouiller dans leur sacs et à s'animer. Je me mis à marcher vers le parc, mes larmes menaçant de couler à chaque instant. Je les refoulais et essayais, comme à chaque fois que je voulais pleurer, de muer ma tristesse en colère. J'y parvins sans mal car quelqu'un m'arrêta avant que je ne franchissent la porte. Will.
- Ca va ?
       La colère me submergea entièrement. Deux semaines qu'il m'évitait. Deux semaines qu'il m'ignorait. A la base, toutes les rumeurs étaient parties à causes de lui. Parce qu'il avait peur de l'orage. Et il me demandait si ça allait ? Après deux semaines ?
- Solace laisse moi tranquille, grommelais-je entre mes dents.
      Il garda sa main serré autour de mon bras.
- Non, pas tant que tu ne m'auras pas dit ce qui ne vas pas.
- Laisse-moi tranquille !
      Le silence régna de nouveau dans le couloirs. Aucun profs en vue. Sûrement en réunion et tant mieux. Je ne préférais pas qu'ils se mêlent de mes affaires. Ils étaient capable d'appeler mon père et je ne voulais pas que mon père apprenne pour moi.
      Je dégageais vivement mon bras et m'enfuis dans le parc.
        C'est comme ça que je me suis retrouvé à broyer du noir sous le peuplier. Je me levais. Je savais ce que j'allais faire. Déjà aller à l'écurie. Hazel et Percy s'y trouveraient sans doute et je pourrais leur dire avant que la rumeur n'arrive à leurs oreilles.

      L'écurie était un vaste bâtiment en bois remplie de box et de paille. L'air sentais les copeaux de bois, le crottin et le cheval mouillé.
       Hazel était en train de bouchonner un bel étalon crème nommé Arion. Juste à coté d'elle, Percy s'occupait de Blackjack, une jument entièrement noire.
- Hum, hum.
       Le visage d'Hazel s'éclaira.
- Nico ! Ca va ? Qu'est-que tu fais ici ? C'est pas que je veux pas te voir, hein, mais c'est juste que d'habitude tu viens jamais, t'aimes pas les chevaux et ....
- Il faut que je vous dise un truc, la coupais-je.
      Percy et Hazel délaissèrent les deux chevaux pour se tourner vers moi. Blackjack et Arion renâclèrent de concert.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Percy.
- ...
- Allez, me dit Hazel, on est tes amis, on est la pour t'écouter, frérot.
       Le terme frérot me fit sourire d'un sourire triste, comme si je m'apprêtais à la décevoir. J'avais la chance de l'avoir pour sœur et je ne voulais pas la perdre. Bizarrement, la colère avait disparue. Je n'en voulais plus au monde entier. Ni à Will. Ni à Drew. Ma rage et ma haine avaient laissé place à de la tristesse, de la mélancolie. Je savais ce que je devais faire.
      La pluie commença à tomber en même temps que mes larmes qui se décidèrent à sortir. Maintenant que tout était terminé, mes larmes sortaient. Innombrables. Elles ne s'arrêtaient pas, elles ne faisaient que couler. Interminablement. Silencieusement. Ma gorge se noua.
- Nico ? Qu'y a t-il ?
      Hazel se rapprocha mais je l'arrêtais d'un geste.
- Il se passe que maintenant tout le pensionnat est au courant.
- Au courant de quoi ?
      Même Percy était sérieux, ce qui ne faisait pas partit de ses habitudes.
- Que je suis gay. J'aurais dû vous le dire plutôt, je sais. J'ai longtemps été amoureux de toi, dis-je en regardant Percy. Mais c'est fini mainenant. 
      Mes larmes avait continué, intarissables. La pluie aussi. Je me retournais et sortis de l'écurie.
- Nico ! Reviens !
     Hazel se tenait à l'entrée et me regardais partir en courant. Ses larmes aussi coulaient. La dernière image que j'eus d'elle fut Percy qui essayait de l'empêcher de me rejoindre.


        La pluie se mêlait aux larmes et la boue éclaboussait mon uniforme. Je passai récupérer mes habits, les mis dans un sac et ressortis tout ça en passant par les toits comme à mon habitude. Je l'ai dit : je sais ce que je dois faire. Je dois partir. Fuguer. Loin, très loin.
      Mes pas me conduisirent à l'embarcadère. Il n'y avait personne hormis un vieil homme qui recousait ses filets. C'était Nérée. Prof à la retraite plus aucun élève ne lui parlait sauf moi.
- Où va tu donc, Nico ?
     Mes larmes s'étaient enfin arrêtées et j'espérais qu'il ne verrait pas mes yeux rougis.
- Je fugue.
- J'espère que t'as prévu un imper alors, parce que la météo prévoit de la pluie toute la semaine.
- T'inquiète pas pour moi, c'est pas la première fois.
- Je sais. Mais es-tu sûr que c'est la bonne solution ?
- Tu ne connais pas les raisons qui m'y poussent.
- Ce ne serait pas parce que tu n'es pas comme eux ? Parce que tu n'es pas hétérosexuel ?
      Sa remarque me laissa bouche bée. J'en oubliais même la pluie qui coulait dans mon dos et sur mes cheveux tandis que lui, il était bien à l'abri sous son porche.
- Tu sais cela fais plus d'un an qu'on discute et j'ai vécu assez longtemps pour comprendre ce que les gens ne disent pas. Tu n'es pas obligé de partir.
- Si. Je n'ai pas ma place ici, je ne l'ai jamais eu.
      J'entendis, soudain, des voix m'appeler. Reyna, Hazel, Jason, Franck, Léo, Annabeth Thalia, Calypso...Même Will. Non. Je devais partir. Il le fallait.
      Je commençais à partir lorsque Nérée me dit :
- Je ne leur dirais pas où tu es parti. Tu dois trouver ta voie par toi-même.


       Lorsque je sortit de l'enceinte de l'école mes larmes se remirent à couler. Mais je devais avancer et surtout partir. Mettre le plus de distance possible entre Will et moi.
      La vérité avait détruit le peu que j'avais et celle que je cherchais n'était toujours pas réapparue : celle sur la mort de ma sœur. Je voulais la retrouver à tout prix 

L'Ange et le SoleilWhere stories live. Discover now