Catherine

1 0 0
                                    

Assise sur un banc, Catherine lisait. Elle lisait comme si sa vie en dépendait, comme si son monde dépendait de celui décrit dans les lignes du livre. Elle était dans sa bulle. Plongée dans l'histoire, elle flottait au milieu des mots. Son esprit dérivait sur les milles et une tournure, imaginant un royaume médiévale fait de magie et de dragon.

Assise sur son banc, Catherine était ailleurs.

Dans son monde à elle, celui décrit dans le manuscrit qu'elle tenait dans les mains, elle était cette incroyable guerrière au cœur froid. Oui une belle guerrière sans pitié qui tuait pour de l'argent. Gracieuse et impitoyable voilà les mots qui étaient dans toutes les bouches quand on l'apercevait. Silence voici Enola! La guerrière au cheveux corbeau et au yeux bleus glacés, si vous croisez son regard gare à vous ! Il paraît qu'elle manie le sabre et l'arc comme personne. Défiant les grands de ce monde qui pensent qu'une femme de doit pas avoir sa place sur un champs de bataille. Seule face au monde, elle avance le regard fier et noble. Avec son port de tête digne d'une reine, Enola est digne d'incarnée l'espoir de toutes femmes voulant devenir une guerrière. Enola La guerrière au

"Maman! Maman!"

Catherine revint dans le monde qui l'abritait. Elle soupira. Qu'il était difficile de retourner dans la réalité après avoir rêvé être une guerrière aux talents immense et à la personnalité forte.

"Oui mon ange ?"

"Est ce que je peux aller parler au vieux monsieur ? " Lui annonça tout sourire le petit diablotin blond en désignant un vieil homme assis sur un autre banc du parc.

Catherine leva les yeux vers cet échange. C'était un dialogue entre une mère et son fils. Les deux, tous les deux blonds, s'étaient levés pour se diriger vers le vieil homme. Catherine les suivis du regard. Ils étaient mignons tous les deux, se tenant la main.

Catherine s'imagina alors une toute autre scène : la mère et l'enfant se dirigeant vers un soleil couchant, mains dans la main. Puis, il pouvait y avoir en fond une musique douce à la guitare et les rires de l'enfant.

Elle secoua la tête, retournant une deuxième fois dans la réalité qui l'abritait. Catherine, elle le savait, se perdait beaucoup trop dans les limbes de son esprit. Elle pouvait passer une voire deux heures, à contempler une fleur quelconque, sans penser à rien. Catherine s'imaginait alors une myriade d'histoires toutes plus farfelues les unes que les autres.

Elle adorait se perdre ainsi et imaginer différentes vies à toutes sortes de personnages. C'était extraordinaire de sentir alors la rage, la peur, l'adrénaline que pouvaient ressentir ses héros. Catherine vivait à travers eux, s'extirpant de sa réalité trop morne. Ses personnages étaient un morceau d'elle. Un morceau qu'elle imaginait avec ses sentiments.

Parfois, le regard dans le vide, Catherine faisait défiler d'invisibles histoires. Elle avait besoin de se perdre pour mieux créer. Quelques fois, Catherine écrivait les folles histoires qu'elle s'inventait mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle ne savait pas pourquoi mais rien ne venait. Elle était venue dans ce parc dans l'espoir de trouver un souffle d'inspiration. Mais rien. Sa Muse l'avait abandonnée. Catherine ne savait pas vraiment pourquoi. Peut- être parce qu'elle n'arrivait plus à accéder à cet état d'esprit qui lui permettait d'écrire. Peut-être que c'était à cause de ses insomnies. Peut-être parce qu'elle n'éprouvait plus ce besoin urgent d'écrire.

Catherine soupira. C'était ce qui lui faisait le plus peur : ne plus pouvoir écrire. C'était son défouloir, son ring à elle. Grâce à l'écriture, elle pouvait se sentir puissante, importante, brillante, intelligente, attrayante. Elle pouvait imaginer quelle parole elle pouvait dire sans s'emmêler dans ses mots. Même si Catherine ne trouvait pas sa plume excellente, elle continuait. Les mots étaient, pour elle, son seul talent. Elle n'était qu'une fille un peu enrobée, mal dans sa peau. Ses yeux bleus et sa tignasse blonde ne la différenciait pas des autres. Enfin, si elle se différenciait seulement quand les autres se moquaient d'elle à cause de son poids. C'est dans ses instants que Catherine aurait aimé que les mots lui viennent aussi facilement que lorsqu'elle était face à son ordinateur. Elle se détestait dans ses moments-là. Elle était faible et les faibles ne survivait pas longtemps en ce bas monde. Alors Catherine se cachait derrière ses livres, ces mondes inventés par d'autre qui peu à peu construisait le sien.

Catherine le savait, elle ne pourrait pas toujours faire l'autruche en restant dans son monde de mots. Mais elle s'en sentait incapable. Pourquoi changer puisque ça a toujours été comme ça ? Rien ne la forçait à changer, à part ce puissant sentiment qui parfois lui brûlait le cœur quand elle se sentait impuissante. Ce sentiment, Catherine en avait assez. Assez de ne pas arriver à s'exprimer sans bredouiller. Assez de pas savoir comment réagir lorsqu'elle était face à ses pairs. Alors elle lisait à corps perdu. Les livres lui faisaient oublier qui elle était au profit d'héros formidable. Ils lui apprenaient même parfois des répliques - qu'elle était incapable de ressortir lors des moments opportuns-.

Catherine ferma les yeux, inspira et expira. Elle sentait que les larmes lui montaient aux yeux. Ça aussi, elle en avait assez ! Pourquoi était-elle la seule à pleurer comme une madeleine pour rien ? Ses yeux se mouillaient aux moindres petits désagréments, à la moindre petite accroche. Son nez aussi la trahissait en se mettant à couler abondamment. Contrairement à ses héros qui ne pleuraient jamais, Catherine était une faible. Une faible qui, de surcot, ne savait pas du tout se défendre face aux lions qui peuplaient ce monde. Une petite gazelle qui avait perdu son troupeau et qui n'avait plus la force de lutter contre ses prédateurs.

Pourtant de son point de vue, Catherine se pensait parfois forte. Parfois la rage venait colorer ses yeux bleus les rendant glacés, selon ses parents. Catherine n'y croyait pas, elle savait très bien qu'elle n'effrayait personne quand elle se mettait en colère. Elle était aussi effrayante qu'un chihuahua c'est dire ! Mais de toute façon Catherine préférait l'ombre à la lumière. Dans la nuit, elle se lâchait enfin, devenant la personne que les codes sociaux lui interdisant. Elle était une créature de la nuit, belle et désirable. La nuit, elle se déhanchait au son d'une musique entrainante, enivrée par la vie et la boisson. Ses longs cheveux blonds suivaient ses mouvements ensorcelants. Ses mains parfois, en rencontraient d'autres posées sur ses hanches. Quelquefois, si le propriétaire n'était pas un gros lourd en rut, elle lui accordait une danse parfois deux. Et si elle était de bonne humeur leur danse se finissait chez l'un des deux. Oui elle avait le pouvoir la nuit.

De retour au parc, de nouveau, Catherine soupira. Elle n'était pas à l'aise le jour. La lumière révélait tout, absolument tout. Elle détestait ça. Les ombres dues au soleil renforçaient ses bourrelets beaucoup trop existant de son point de vue. Catherine tâta son ventre. Il était beaucoup trop mou, débordant sur son jean. Pourtant elle faisait attention à ce qu'elle mangeait ! Elle se privait même certains soirs pour pouvoir rentrer dans ses maudits pantalons. De temps en temps, elle passait de longues heures dans les toilettes. Le goût âcre qui restait dans sa bouche n'était pas plaisant, mais elle se rassurait en se disant qu'elle se rapprochait de son idéal. Catherine devait le faire sinon elle finirait grosse et laide. Elle se fichait bien de l'avis de son médecin qui lui disait de manger, il n'y connaissait rien. Elle était grosse un point c'est tout. La preuve son ventre avait encore des bourrelets disgracieux. Catherine devait maigrir.

Elle se replongea dans son livre, pour oublier. Oublier que son corps était ingrat et affreux. Au moins dans ses livres, l'héroïne était belle et bien proportionnée.


Un petit mondeWhere stories live. Discover now