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De nature froide et menaçante, Jeon Wonwoo n'attirait que les mauvais œils. Tous le respectaient et l'adulaient en public, puis crachaient dans son dos une fois sûr qu'aucunes oreilles indiscrètes traînaient aux alentours. Il avait une grande influence sur les autres sans même le savoir. Les gens s'écartaient pour les laisser passer. Pour cette raison, il n'avait pas vraiment d'amis. Il s'agissait plus de personnes du même type qui s'étaient mis à traîner tous ensemble. Non pas qu'il les méprisait ou quoi que ce soit, mais leur "amitié" se basait sur de banales causeries, rien de plus. Ils ne se confiaient pas les uns aux autres, ils se contentaient de marcher tous ensemble dans les couloirs et se faire dévorer du regard par les élèves, ou manger à la cafétéria en riant sur des bêtises et se racontant des ragots.

Et de ce fait ; la solitude détruisait Wonwoo de l'intérieur. Bien qu'il ne laissait absolument rien paraître, il s'affaiblissait toujours un peu plus, se consumant à petit feu. Il en avait perdu le sommeil et l'appétit. Il ne montrait jamais ses sentiments, et ses "amis" ne se rendaient compte de rien, ni ses parents d'ailleurs. Et lui même non plus, n'en était pas conscient. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il lui manquait quelque chose. Quelque chose d'essentiel.

Il regardait par la fenêtre, et se demandait pourquoi le ciel était si gris et si fade ses derniers temps. Mais aussi pourquoi la pluie ne daignait pas tomber ; lui qui adorait ça. Son menton dans la paume de sa main, Wonwoo soupirait de temps à autre, mais pas une fois il ne prêta attention au cour se déroulant sous ses yeux au même instant. Son absentéisme agaçait son professeur au plus haut point. Même s'il y était habitué. Il posa donc lourdement le manuel sur son bureau, et se racla gorge assez fort pour la classe entière l'entende ; dont Wonwoo.

-Monsieur Jeon, mon cour ne vous intéresse pas ?

Le principal concerné lâcha un long soupire et ne détourna pas le regard de l'extérieur.

-Pas vraiment non.

Le professeur déglutit, ne s'attendant pas à autant de franchise et aussi peu d'intérêt. Il prit une feuille d'exclusion dans le tiroir et y inscrit le nom de Wonwoo. Il la tendit à l'élève désigné pour ce genre de chose, et dévisagea le brun.

-Prenez vos affaires et dégagez de mon cour.

Wonwoo prit son sac sur son épaule et se leva nonchalamment, jetant un regard vide d'émotion au professeur. Il quitta la salle en fourrant ses mains dans les poches, et marcha dans les couloirs déserts, suivie de près par le délégué de classe qui regardait Wonwoo d'un air effrayé. Celui ci laissait divaguer son regard un peu partout, toujours en arborant ce visage impassible.

Ils ne tardèrent pas à arriver à destination ; au bureau de la CPE en l'occurrence. Wonwoo attendit devant la porte vitrée et tapait du pied sur le sol. Il regarda à l'intérieur du carreau le délégué parler avec l'un des surveillants, sûrement de lui d'ailleurs. Les adultes ici connaissaient relativement bien le brun, un peu trop même. Ses yeux balayèrent la pièce, et tombèrent sur un élève assez grand, cheveux noirs ébènes, une carrure athlétique bien qu'il soit très fin. Même de dos, ce garçon puait la perfection. Il devait sûrement être nouveau, puisqu'un surveillant semblait lui expliquer tout un tas de chose à propos du lycée. Et puis Wonwoo ne l'avait encore jamais vu.

-Je vais pas l'aimer celui là.

Il avait chuchoté en grinçant des dents. Ce bâtiment contenait déjà bien assez de personne physiquement superficielle ; une de plus ou une de moins n'affecterait pas grand chose, certes. Mais Wonwoo éprouvait une sorte de rage injustifiée. Il serra les poings, et fusilla du regard le jeune homme avec tant d'intensité, qu'il aurait pu lui perforer le coeur. Ce dernier dut certainement le sentir, puisqu'il frémit de tout son long, une espèce de puissant frisson lui parcourant l'échine. Il se retourna, et ses prunelles s'ancrèrent dans les siennes. Wonwoo déglutit et se sentit défaillir. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, et il ressentait comme une sorte de stress sur le coup. Il avait l'impression de se perde dans les iris de son vis à vis, et ne parvenait plus à réfléchir normalement. Perdu était le mot pouvant le qualifier à cet instant précis. Wonwoo secoua la tête et s'adossa contre le mur, brisant ainsi ce contact visuel. 

La porte du bureau s'ouvrit doucement, mais Wonwoo garda la tête baissée, de peur qu'il s'agisse du nouvel étudiant. Il reconnut la voix de son camarade de classe, et se redressa, rassuré.

-Alors ? J'ai quoi, une heure de colle ?

-N-Non... Ils ont dit que ça ne servirait à rien de t'en donner une. Mais t'es exclus pour le reste de la journée.

Wonwoo soupira de soulagement et souris légèrement au délégué, qui lui fut plus qu'étonné.

-D'accord, merci.

Le brun tourna les talons et sortit rapidement. Il descendit les marches de bétons à l'extérieur, et prit ses écouteurs de sa poche pour les visser dans ses oreilles, et se couper du monde. Sur le chemin, il se mit à réfléchir. Il se sentait bizarre depuis tout à l'heure, comme s'il était malade. Sa respiration était irrégulière, et il entendait ses battements de cœur résonner dans sa boîte crânienne. Son corps tremblait, et sa colonne vertébrale frissonnait au moindre courant d'air. Il avait chaud mais pourtant froid. De la fièvre peut être, c'est ce qu'il persistait à penser. Mais au fond il savait bien qu'une quelconque maladie n'avait rien à voir là dedans. La seule qui le collait depuis presqu'un an, c'était la dépression. Même s'il ne l'acceptait pas.

Une fois chez lui, le brun retira ses chaussures à l'entrée et se dirigea directement vers la cuisine.

-Bonjour maman..

Sa mère lui sourit et embrassa la joue de son fils. Il l'enlaça en retour et lui sourit aussi sincèrement qu'il pu.

-Bonjour mon chéri. T'as passé une bonne journée ?

-Mh, comme toujours. Et toi, ça va ton dos..?

Ne souhaitant pas inquiéter son fils, elle déposa un baiser de manière affective sur son front et caressa délicatement sa tempe.

-Ne t'inquiète pas pour ta vieille mère, pense d'abord à toi Wonwoo.

Celui ci lâcha un léger soupire et regarda tristement sa mère. Il savait que ça ne servirait à rien de répondre quoi que ce soit, bornée comme elle est, alors il monta dans sa chambre, et déposa son sac dans un coin, espérant ne plus avoir à y toucher jusqu'au lendemain. Il s'allongea sur son lit, et fixa un point invisible de son plafond.

Ses larmes coulèrent sans un bruit sur ses joues creusées, et finirent leur course jusque dans son cou. Il les chassa du revers de sa manche, comme chaque soir, et ferma les yeux pour faire le vide de son esprit. Ne penser à rien, laisser place au néant. Il ne voulait pas se laisser intimider par la douleur morale qu'il ressentait. Et surtout, il n'en pouvait plus de se soulager sur sa peau. D'être contraint de laisser couler son sang pour ne pas laisser couler ses larmes. De devoir souffrir à l'extérieur pour ne pas être consumé par sa souffrance intérieur. C'était pesant pour lui, toute cette pression. Chaque fois il se retenait corps et âme pour ne pas craquer. Et chaque fois. C'était purement et simplement inutile. Alors la routine refaisait surface, et ses larmes se mêlaient à son sang, ainsi que sa douleur physique et morale. Wonwoo savait qu'il finirait par tout lâcher, un jour ou l'autre. Et ça l'effrayait, rien que de penser à laisser ses parents derrière lui. Mais ses nerfs tremblaient continuellement, menaçant de tout abandonner. Alors le brun patientait, essayant toujours et encore de ne pas penser à cette mauvaise flamme qui le brûlait, et à celle le maintenant en vie qui s'était éteinte. Du moins, comme il le croyait.

Troublemaker | meanieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant