9 décembre : à pas de velours

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-Florine ! Mais... que se passe-t-il ? Pourquoi pleures-tu ? Entre à l'intérieur de la maison ! Il fait nuit et il gèle.

Clarence me serre contre elle et me guide jusqu'à sa chambre en prenant soin d'éviter le troupeau de personnes dans la salle-à-manger.

-Voilà qui est mieux ma belle ! Tiens, enroule-toi dans ce plaide, sèche tes larmes et raconte tout à ta meilleure amie.

Nous étions toutes les deux aussi proches, sinon plus, que deux sœurs. Mais, cette fois-ci, toute son amitié ne suffirait pas à éponger ma souffrance. Elle comprit très vite que je n'allais pas lui confier la raison de ma peine et décida de parler d'un sujet qui lui semblait être joyeux.

-Aujourd'hui, tu ne dois pas être d'humeur triste, mon frère va se marier et nous allons faire une fête du tonnerre !

Un orage se forma dans mon corps, mon cœur frappa brutalement et rapidement contre ma poitrine, mon souffle s'accéléra et un torrent d'eau jailli de mes yeux. Je ne contrôlais plus mon climat interne, ce qui inquiéta encore plus Clarence.

-Eh ! Du calme ma chérie, j'essayais de te réconforter, mais apparemment, je suis complétement à côté de la plaque ! Parle-moi, s'il-te-plaît !

J'hésitais encore un instant et le silence devenant trop pesant, je me confiais.

-Je suis... amoureuse !

Elle agrandit ses yeux en arcboutant ses sourcils, leva ses bras et dirigea ses paumes vers le plafond. C'était sa manière à elle de m'exprimer son incompréhension et surtout de m'inciter à poursuivre mon explication, ce que je fis de suite.

-Mais... c'est impossible ! Dans quatre heures, ma vie ressemblera à un cauchemar !

Je ne parlais plus, je criais, j'hurlais ma souffrance comme pour l'expulser de mes tripes. Mon amie mit quelques secondes avant que l'information chemine jusqu'à son cerveau, mais quand celle-ci pénétra dans sa boîte à penser, elle forma un rond avec sa bouche et émit un son d'étonnement.

-Mon frère ? Tu es... de mon frère ?

Elle était tellement surprise, qu'elle n'arrivait même pas à le verbaliser. Pour ma part, la honte supplanta la tristesse et mes larmes se métamorphosèrent en soupirs d'impuissance.

-Ne m'en veut pas ma sœur de cœur, depuis le jour où ton frère est rentré un soir d'halloween, dans ma chambre à pas de velours pour poser ses mains sur mon ventre et tenter de me faire peur, je ne pense qu'à lui. Je sais qu'il est fiancé, qu'il va se marier même, mais je suis follement éprise de lui secrètement depuis un an.

Les vannes de mes glandes lacrymales étaient à nouveau ouvertes à fond. Quant à Clarence, je la sentais partagée entre me consoler et fuir loin de cette situation sans issue. Je n'eus pas le temps de savoir quel serait son choix, que la porte de sa chambre s'ouvrit.

-Vous êtes ici les filles ? Tout le monde vous attend en... Florine ? Tu as les yeux rouges, mais... quel est le problème ?

Oh non, pas lui ! Pas ce regard océan, pas ces lèvres qui hantent mes rêves, pas ce parfum qui allume en moi un brasier dans mon bas ventre, non, non...

-C'est compliqué Romuald... répondit ma sauveuse.

Je ne savais plus où me mettre et prise de panique je pris la poudre d'escampette. Je courus dans la rue à en perdre haleine et malgré le froid qui me mordait les joues, je continuais ma course folle. Au bout de vingt bonnes minutes de marathon, je me stoppais, penchais le haut de mon corps vers l'avant et posais mes mains sur mes genoux pour me maintenir en équilibre. Par grandes goulées, je remplissais mes poumons de l'air qu'ils réclamaient, quand je sentis une pression sur le bas de mon dos. Je pivotais sur moi-même avec la peur au ventre et en voyant qui se trouvait près de moi, je relâchais de suite la pression.

-Çà va Flo ?

Oh mon dieu ! Ce type était un appel à la débauche. Sa voix grave, son petit air inquiet qui lui donnait une allure d'enfant démuni devant une situation embarrassante, me faisait littéralement fondre d'envie. Je répondais à sa question à l'aide de mes yeux, en le suppliant d'y lire tout l'amour que j'avais pour lui. Et là, une chose complétement inattendue, voir irréelle se produit, il avança sa main vers ma joue, la posa délicatement et moi, sentant la chaleur qu'elle dégageait, je me lovai au creux de celle-ci. Des secondes s'égrainèrent sans qu'aucun de nous n'osent bouger un cil, puis dans un moment de folie révélant mon état de détresse, j'osais lui parler.

-Romuald... tu... enfin je...

Décidément, la présence de cet homme me rendait incapable de prononcer une phrase correctement construite. Il fallait que je me ressaisisse, sujet+verbe+complément, ce n'était pas sorcier bon sang ! Et puis zut... Je plongeais mes yeux dans le bleu des siens pour tenter d'y lire un signe m'indiquant le feu vert, je pris un clignement de cils pour tel et expliquais à l'aide de ma bouche posée sur la sienne, pourquoi j'étais si abattue moralement. Mon corps tremblait de peur d'un rejet de sa part, mais ce ne fut pas le cas, après un quart de seconde de surprise, il glissa avec fougue, ses doigts dans mon épaisse chevelure rousse, me colla tout contre son torse et répondit avec avidité à mon baiser. Des larmes de bonheur, cette fois-ci ruisselèrent sur mes joues, mais la joie fut de courte durée, la raison réintégra ma tête en me susurrant : « ce n'est pas bien, arrête ça tout de suite ! ». A contre cœur, je me dégageais de ses bras et attendais qu'il m'explique ce qu'il se passait entre nous. Certes, moi j'avais succombé au désir que je contenais en moi depuis un an, mais lui, pourquoi avait-il répondu à mes avances avec autant de passion ? N'était-il pas promis à une autre femme dans quelques petites heures ? Je scrutais son visage avec tellement d'insistance qu'il fut obligé de se livrer à moi. Il me fixa avec le regard embué, prit ma main dans la sienne et se lança.

-Tu... tu n'es pas lesbienne ?

Alors là, je m'attendais à tout, mais je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé une question pareille. Ma première réaction, surement nerveuse, fut un éclat de rire un peu hystérique je dois dire, puis à la vue de son minois assombrit, je creusais pour comprendre.

-Mais pourquoi donc penses-tu que je suis attirée par les femmes ?

-C'est... c'est Clarence qui me l'a dit quand...

-Quand...

-Quand je la bombardais de questions sur toi ! Flo... tu m'as séduit à l'instant même où j'ai posé mes yeux sur toi, mais...

-Romuald... je suis ce qu'il y a de plus hétéro, mais ta sœur ne m'a jamais vu avec des garçons et elle est persuadée qu'ils ne m'attirent pas. Le fait qu'elle y croyait m'arrangeait, car comme cela je pouvais rêver de toi sans qu'elle ne se doute de rien. La vérité est... que je voulais échanger mon premier baiser avec le seul homme qui comptait pour moi.

-Tu veux dire que...

-Oui, je veux dire que tu es mon premier baiser...

Son regard s'illumina de milliers d'étoiles, la neige choisi ce moment romantique pour tomber en virevoltant, ce qui m'offrait un tableau idyllique. Il s'approcha de nouveau et englouti mes lèvres avec les siennes, nos langues se taquinèrent et effectuèrent une danse endiablée. Je ne savais ce qu'il allait se passer dans les minutes à venir, mais je voulais juste oublier, oublier que l'amour fou qui chamboulait ma vie en mettant tout sans dessus-dessous, bientôt apporterait une énorme vague de souffrance.


S'aimer en One Shot (Terminé)(Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant