Chapitre XVI

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19 juin 1865

Je me regardais une dernière fois dans le grand miroir de ma chambre.

Vêtue d'une crinoline blanche, offerte par Levi, avec de délicats motifs vert représentant feuilles et branches, les épaules dégagées et des volants sur le haut de ma robe, ma tenue est parfaite pour une pique-nique en plein air. Agrémenté d'une ceinture vert émeraude qui souligne ma taille et d'un chapeau ayant cette même couleur de ruban, cette robe est sans doute une des plus belles qu'il m'ait été donné de porter pour une sortie en plein air.

Je ne peux m'empêcher de me sentir resplendissante. Quelle dommage de devoir tâcher cette si belle robe...

On frappe à ma porte :

- Wilhelmina ? Etes-vous prête ?

Sans répondre, je traverse ma chambre et me dirige vers la porte. Je l'ouvre et me retrouve nez à nez avec Levi. Je lui sourit aimablement, heureuse de voir son regard admirateur.

- Nous pouvons nous mettre en route, dis-je.

Il me tend son bras, je le prend et nous descendons ensemble les escaliers jusqu'au hall. Nous sortons dehors en direction de la calèche, le soleil brille, cela promettait d'être une magnifique journée.

Levi m'ouvre la porte et m'aide à monter. Je m'installe et le remercie puis nous commençons notre chemin vers ma maison, et par la même occasion, celle de ma mère.

Grace au Ciel, ce ne sera pas long, nous n'habitons pas loin. D'ailleurs, toutes les bonnes familles de Londres habitent dans ce même quartier.

Il nous faut à peine dix minutes de route et déjà nous avançons le long de l'allée bordée de peupliers qui traverse le parc de notre manoir familial. Plus nous approchons de notre demeure, plus nous pouvons apercevoir un nombre impressionnant de calèches et d'invités.

Chaque invité descend de sa calèche devant les marches du perron de la maison où se tient ma mère qui, en bonne hôtesse, salue, accueille et complimente chacun. Juste devant nous je vois la famille Dieshton descendre et complimenter ma mère sur sa fête.

Un sourire mauvais se dessine alors sur mon visage : que va-t-elle dire en me voyant ? Elle ne pourra rien faire contre moi, elle se compromettrai elle et la famille. Si seulement elle pouvait mourir d'étonnement... Je n'aurai pas à me salir les mains.

Je ressens une légère secousse, la calèche redémarre. Elle s'arrête devant les marches de la maison. Ma mère, d'abord souriante en voyant Levi, pâlit brusquement quand son regard croise le mien.

Figée, elle ne dit rien.

Je descend, souris et la provoque :

- Vous ne vous y attendiez pas, n'est ce pas, Mère ? Je suis heureuse que ma surprise soit réussie, quelle chance ai-je eu de pouvoir rentrer à temps pour votre anniversaire !

Blanche comme la mort, elle est incapable d'articuler le moindre mot. Prenant les devants, je m'avance vers elle pour l'embrasser.

Posant ma joue contre la sienne, j'en profite pour murmurer à son oreille un discret "Nous devrions parler tout à l'heure", puis m'écarte.

Je me recule et m'éloigne en compagnie de Levi vers le jardin et les diverses tables mises à l'extérieur pour le pique-nique.

- Votre mère était extrêmement surprise, dit-il, je suis heureux de constater que personne n'avait révélé votre secret !

- Personne n'aurai eu d'intérêt à le faire, répliquais-je, imaginant d'avance la punition que j'aurai mis en œuvre pour la personne qui aurait osé faire une telle chose.

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