Panthophobia

1.2

Je saisis un plateau et le fais glisser le long du comptoir de la cantine tandis que la grosse dame avec son affreux filet me tend une assiette de salade.

Je me tourne vers Finn, situé juste derrière moi dans la file.

« Mec. Tu connais le gars assis là-bas, avec son livre ? dis-je tout en pointant du doigt le gars d'il y a deux jours.

- Qui ? L'attardé qui passe son temps à lire ses bouquins partout où il va ? Ouais. C'est Isaac Thorne.

- Fais-moi un débriefing avec ton super talent de commérage. »

Il hausse un sourcil et me regarde, méfiant, alors que nous allons nous poser à notre table habituelle.

« Ça t'intéresse ?

- Pas forcément, mais je sais reconnaître le talent, dis-je en tentant de le prendre par les sentiments. »

Il me sourit, fier de lui et me renseigne tranquillement, l'air de prendre sa requête très au sérieux.

« Isaac Thorne, 19 ans, soit comme nous, vit sur le campus et a choisit comme options la littérature et la photographie. Il est célibataire - tu m'étonnes, rigole-t-il, vu sa gueule.

- Tu ne connaîtrais pas le numéro de sa chambre, par hasard ?

- Chambre 93, pourquoi ?

- Rien de spécial. Une histoire de stylo. »

Il me regarde sans comprendre avant de s'enfiler quelques fourchettes de salade.

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L'amphithéâtre dans lequel j'ai cours de littérature est pratiquement vide. Une personne est assise et semble dessiner tranquillement.

De loin, je la regarde et m'installe à ma place habituelle. Je sors Les Hauts de Hurlevent par Emily Brontë et me mets à le lire pour la énième fois.

Les pages défilent devant mes yeux et, malgré ça, je n'en vois pas une tant j'ai la tête ailleurs.
De l'endroit où je me trouve, je fixe la personne assise quelques rangées plus bas.

La personne – un gars, très certainement – se retourne vers moi et me laisse le temps de la détailler. Mâchoire carrée, pommettes rosées, cheveux bruns, sourire timide et sourcils froncés.

Je lève les yeux au ciel avant de renfoncer ma casquette sur le haut de mon crâne et de me remettre à ma lecture.
Malheureusement, une vague de réflexions me submerge et noie tout ce qui se passe autour de moi.