Chapitre 4

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Je suis choquée, je me sens vide à l'intérieur. Fahed vient dans ma direction, son sourire s'efface en voyant mon état affreux. Je ne peux ni pleurer ni hurler. Un sentiment assez terrible me brise le cœur, je n'arrive pas à entendre les voix qui m'entourent, des pensées incompréhensibles dominent mon esprit. J'espère être dans un cauchemar car ce que ma mère vient de m'annoncer ne peut être qu'un mensonge intenable. C'est impossible que mon père soit mort, il était avec moi hier, il souriait, il était heureux. Il m'a promis de rester toujours à mes côtés.

Je laisse Fahed derrière moi, il m'interpelle mais je l'ignore, je marche rapidement, je ne vois rien et n'entends rien, le monde est assez sombre à cet instant. Je démarre ma voiture et pars sans réfléchir ou sans même pleurer.

La porte de notre maison est ouverte, j'hésite un instant avant d'entrer, j'ai peur d'assumer la réalité. Je reste immobile au seuil de la porte, il y a beaucoup de monde ici, ils sont tous habillés de noir, ce noir qui représente ma vie à cet instant. Je cherche ma mère du regard, je l'aperçois assise sur une chaise, celle de mon père, celle qu'il était habitué à mettre dans le jardin pour lire ses bouquins ou préparer ses audiences. Ma mère pleure calmement, elle est pâle et je ne l'ai jamais vu dans cet état. Ma sœur Alya est juste devant elle, dans notre salon où nous faisions toutes nos réunions de famille qui n'auront certainement plus aucun goût après cette journée. Ce salon était à gauche de la porte d'entrée, il était ouvert sur notre cuisine où j'aperçois le mari d'Alya, Adam qui tient son fils Yanis sous ses brats et je peux deviner qu'il pleure aussi. En regardant tous ces gens qui sont ici je m'assure que je suis la dernière à savoir.

Alya lève son regard et m'aperçoit, ses yeux vert me rappellent le regard de mon père, ses cheveux sont attachés d'un chignon. Ma sœur qui est habituée à se maquiller -même trop parfois- n'a maintenant aucune goutte de maquillage. Elle se lève rapidement et me serre dans ses bras plus fort que jamais. Je sens une immense tristesse, comme si on venait de m'arracher une partie de mon corps, mais le plus difficile est que je n'arrive pas à pleurer, je n'arrive pas à transformer ce chagrin en larmes. Je pars m'asseoir au salon avant que Zineb arrive et me prenne à son tour dans ses bras. J'ignore les mots qu'elle me dit. Mes yeux levés au ciel: je réfléchis...

Mon père ne sera plus là pour me dire que tout va bien, pour me rappeler le code de la route à chaque fois que je vais conduire, pour m'embrasser sur le front chaque matin et me souhaiter une bonne journée, pour me dire qu'il est fier de moi. Il ne sera plus ici pour me raconter son enfance au Maroc, pour me donner ses conseils quand j'ai le cœur brisé, quand la vie me paraît noire. Papa, s'il te plaît, reviens... Tu m'as promis d'être là quand je serai doctoresse, tu m'as dit que tu seras fier de moi et que tu viendras à mon cabinet pour que je te soigne... Comment as-tu pu nous laisser seules dans ce monde ? J'ai envie de hurler et verser toutes les larmes de mon corps mais je n'y arrive pas encore.

J'entends les gens dire qu'il est mort dans un accident, qu'on ne peut pas le voir. C'est impossible! L'Ali que je connais ne peut pas faire d'accident, il est l'homme le plus soucieux au volant. Cette pensée ne reste pas dans mon esprit, c'est la deuxième phrase que j'ai entendu qui me désespère. Pourquoi nous n'allons pas le voir dans son cercueil ? Déjà que nous ne le verrons plus jamais vivant, mais le fait de nous empêcher de lui dire un dernier au revoir est totalement injuste. Je répète cette pensée mille fois dans ma tête sans pouvoir y croire. Je veux questionner ma sœur ou ma mère pour avoir une explication mais ma gorge est nouée, je ne peux pas parler.

Il est déjà 19 heures. Notre maison est toujours pleine, je ne supporte plus rester ici. Profitant de l'absence de Zineb, je sors. Heureusement, personne ne me remarque. Je marche sans destination. J'ai la sensation d'avoir un nœud dans la poitrine.

Je cours plusieurs minutes avant d'arriver à la route principale de notre quartier. Je la traverse sans regarder autour de moi. J'entends les klaxons des voitures, les voix des personnes qui me hurlent dessus, je veux y aller, je ne sais pas où et comment, je veux juste le voir, le rejoindre d'où il est. J'entends le klaxon pourri d'une voiture qui me tire de mes pensées. Je tourne la tête pour voir une voiture noire qui roule dans ma direction avec une terrible vitesse. Je suis incapable de bouger. Je ferme mes yeux en attendant qu'elle m'écrase quand une main me tire violemment, la voiture s'arrête après avoir traversé l'endroit où j'étais immobile il y a quelques secondes. J'aurai sûrement eu un accident si cet inconnu ne m'avait pas tirée. Les cris du conducteur qui est sorti de sa voiture et qui me traite des pires gros mots du monde sont comme une claque qui me réveille. J'aurais laissé ma mère seule, je l'aurais abandonnée. C'est en pensant à cela que toutes les larmes de mon corps se mettent à couler. Je lève mes yeux pour voir une silhouette qui me paraît familière: c'est Fahed. Il me fixe inquiet, ses yeux grands ouverts, c'est lui qui m'a sauvée.

Je pleure encore et encore en regardant le jeune homme devant moi, j'ignore la raison pour laquelle il est là, mais il est arrivé au bon moment sinon, j'aurai rejoint mon père maintenant. Je ne sais pas si on peut appeler cela "me sauver" car ma vie n'a aucun goût sans papa. Mes sanglots accélèrent, je suis à deux doigts d'arrêter de respirer. Mon cœur se serre, il bat fortement, l'image de Fahed devant moi qui vient de lâcher mon bras devient de plus en plus floue, j'essaie de laisser mes yeux ouverts mais je ne peux plus, je ne peux plus faire semblant que je suis forte tandis que je suis morte à l'intérieur. Je vois Fahed en train de crier mon prénom alors que ma vue se perd graduellement pour laisser place au noir, je ne sens plus mes pieds ni la douleur de ma tête. Est-ce que je suis morte?

NDA: Pardonnez moi pour le retard 😶😶😶

Je vous aime ❤

Pauvre Inès 😢 je vous tiens au courant que j'aime beaucoup les passages tristes alors j'ai adoré écrire ce chapitre 😊

Merci à Siana64 pour la correction 😍 ❤❤

Merci pour la lecture mes choux ❤

Six ans près de toiWhere stories live. Discover now